Éditions Casbah. Tu es plus libre que tes geôliers, de Jamila Rahal : Une histoire de «hdar» sur le cours du siècle

06/04/2022 mis à jour: 21:12
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Photo : D. R.

Lorsqu’on saisit en main ce pavé de près de 500 pages, en ces temps de consommation hâtive de la lecture, l’on ressent quelques appréhensions à l’ouvrir.

Mais grand bien cela fait de se plonger dans ce premier roman de Jamila Rahal, car c’est du plus intime, à travers un texte singulier, entre récit et roman, qu’elle fait voguer le lecteur dans l’histoire de ce qu’ont été les «hdar», une communauté qu’une autre plus récente, celle des «rurbains», a noyée dans sa masse et qui, selon l’humeur du moment, l’a fantasmée tant en bien qu’en mal.

Cette fresque qui, certes, prend son temps, pour se développer, se révèle tout autant attrayante que fort instructive, entraînant le lecteur en fait dans deux histoires qui se chevauchent dans un rugueux corps à corps.

C’est d’abord celle de cette élite commerçante et de lettrés qui a dominé la vie sociale, économique et culturelle de nos cités millénaires sur une période que l’auteure débute de la fin du 19e siècle pour la clore au moment du déclenchement de la lutte de libération nationale.

Son attrait est de passer par la petite histoire des individus singuliers se télescopant avec les rigueurs de la grande histoire, celle du pays, dont Rahal se révèle en grande connivence.

Ce faisant, son roman emprunte les méandres d’un récit choral, alignant une multitude de personnages sur le cours des phases aiguës de cette histoire convoquée non pas comme simple toile de fond, mais comme un élément agissant.

Armée d’une plume tout en grâce, Rahal brosse avec empathie un attachant paysage humain alternativement à Tlemcen et Nédroma.

Néanmoins, l’indulgence dont elle fait preuve envers ces microcosmes ne l’entraîne pas jusqu’à être aveugle sur les travers du patriarcat qui les ronge, même si par ailleurs le conservatisme qui y règne n’est pas foncièrement atavique car valeur refuge et réaction d’auto-défense face à l’adversité.

Et comme pour se défendre d’être une hadria béate à l’endroit des siens, Rahal ne tait pas les aberrations et les contradictions qui font le malheur de quelques-uns de ses personnages, victimes consentantes ou rebelles, à l’instar de Saléha, Fethi et Khouira. 

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