La crise économique, qui est apparue dans les pays industriels développés après les trois premières décennies d’après-guerre, baptisées «les Trente Glorieuses» et la perte des emplois qu’elle a causée dans les grandes entreprises, a ouvert le champ à l’action publique en faveur du rôle de l’entrepreneuriat et la réhabilitation des petites et moyennes entreprises (PME), dans un contexte où l’économie est devenue mondialisée. Depuis, l’entrepreneuriat est devenu perçu comme un moteur du développement économique et social dans les pays.
Ce changement de perspective, portant une attention sur l’importance des petites et moyennes entreprises, est venu casser le mythe de la grande entreprise pour favoriser et dynamiser la création d’emplois, la croissance et la compétitivité économique. Depuis, l’entrepreneuriat et la création d’entreprises de taille petite ou moyenne se situent au cœur de la croissance et du progrès économique à travers le monde.
En effet, le développement de l’entrepreneuriat représente non seulement un moyen, voire une solution pour dynamiser l’économie d’un pays et créer des emplois, mais aussi comme une aubaine pour l’innovation de par la création de nouvelles entreprises, notamment technologiques-startups, créatrices de richesse.
Dans le monde, on estime que les petites et moyennes entreprises génèrent plus des deux tiers des emplois et représentent 90% de l’ensemble des entreprises (Bureau international du travail, 2022). Selon la Banque mondiale (2022), dans les pays émergents, les PME contribuent jusqu’à 40% du PIB, ce qui montre l’importance de leur impact.
Ainsi, l’entrepreneuriat occupe désormais une place majeure dans les sociétés contemporaines, et il est considéré comme un pilier important dans l’amélioration de la compétitivité sur les marchés et les chaînes de valeur mondiales. Il est devenu une préoccupation majeure des institutions gouvernementales se traduisant par la multiplication des politiques de stimulation, d’aide et d’accompagnement en faveur la création d’entreprises.
Ces mesures incitatives en faveur l’entrepreneuriat et la création d’entreprises innovantes ont pour objectif de favoriser le développement de jeunes entrepreneurs à travers, la sensibilisation, la définition d’un cadre juridique et réglementaire relatif afin de faciliter l’intégration des jeunes dans le monde de l’entreprise et au maintien d’une entreprise, la mise en place d’exonérations ou aides fiscales, le versement de subventions et aides financières, etc. Ou, par la création d’organismes et de structures d’accompagnement par les institutions publiques et les acteurs privés, tels que les incubateurs et accélérateurs, les clusters, les technopoles technologiques, les centres de développement de l’entrepreneuriat, les living labs, etc.
Ces divers organismes d’accompagnement et de soutien à l’entrepreneuriat pour la concrétisation des idées innovantes contribuent à l’amorçage de l’écosystème entrepreneurial et son développement dans un espace fictivement non limité.
Le concept de «l’écosystème entrepreneurial» offre un cadre d’analyse holistique en intégrant non seulement les incitations et les facteurs favorables à l’entrepreneuriat cités précédemment, mais notamment les agissements et les interactions complexes dans un espace territorial, entre l’ensemble des éléments politiques (macro et micro-économiques), financiers, humains, culturels, liés aux supports des institutions et des infrastructures professionnelles et commerciales permettant aux entrepreneurs de lancer, soutenir et développer une activités économique par la création d’une entreprise. A tel point que des organismes mondiaux étudient désormais les écosystèmes entrepreneuriaux et établissent des valeurs comparatives sous forme de «Global Entrepreneurship Index» à l’instar du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) et le Global Entrepreneurship and Development Institute (GEDI).
L’écosystème entrepreneurial est donc conçu comme étant un ensemble d’organisations et d’acteurs exerçant des interactions, qu’elles soient formelles ou informelles. Il représente l’ensemble d’acteurs, d’institutions et de ressources interconnectés, permettant à l’entrepreneuriat de se développer au sein d’une zone géographique telle qu’une, ville, une région ou un petit pays où les entrepreneurs ont accès au même éventail de services et sont touchés par les mêmes réglementations (ANDE, 2021).
La littérature contemporaine définit l’écosystème entrepreneurial comme étant les différents groupements d’acteurs publics ou privés, institutions, nouveaux entrepreneurs et entrepreneurs expérimentés, réseaux de personnes servant de mentors formels et informels, conseillers et systèmes de soutien, investisseurs, incubateurs, centres de développement de l’entrepreneuriat, établissements universitaires formant une main d’œuvre compétente, éducation et formation académique, marchés locaux et globaux, ainsi que les facteurs qui déterminent l’espace dans lequel les acteurs évoluent en constante interaction.
Les pouvoirs publics, les entreprises, les organismes et structures de soutien à l’entrepreneuriat créent cet «écosystème entrepreneurial», où une synergie entre l’entrepreneur et son écosystème se crée pour faciliter, commercialiser et favoriser les activités entrepreneuriales.
De ce fait, on remarque une diversité des éléments qui composent l’écosystème entrepreneurial, et des interactions entre les éléments de ce système, définissant un «paradigme de la création de valeur» selon la perception de l’entrepreneur-innovateur.
Il faut souligner que l’écosystème entrepreneurial peut être envisagé sur une échelle plus large, quand des collaborations se construisent au-delà des frontières géographiques, à l’international. L’objectif pourrait être, et pas que, la recherche de compétences qui sont adéquates aux co-innovations, la mutualisation des connaissances et savoir-faire et le partage des risques pour mettre en place une co-conception de produits, de services ou de processus innovants.
Ben Spigel (2017), un chercheur de renommée internationale qui a contribué à la théorie des écosystèmes entrepreneuriaux a présenté un modèle structuré et pertinent de l’écosystème entrepreneurial, où trois attributs sont regroupés au sein d’une pyramide (du haut vers le bas) :
1/Attributs matériaux : politiques et gouvernances, universités, infrastructures physiques, entreprises et organisations de soutien formel ; 2/Attributs sociaux : réseaux sociaux, capital d’investissement, mentors et travailleurs-talents ; 3/Attributs culturels : Culture entrepreneuriale, croyances et perspectives sous-jacentes sur l’entrepreneuriat dans une région et histoires d’entreprenariat. L’ensemble des attributs matériaux, sociaux et culturels qui sont en interaction constante et se soutiennent permettent de promouvoir un entrepreneuriat productif. Du bas vers le haut- Bottom-up de la pyramide-, les attributs soutiennent les niveaux suivants, et du haut vers le bas- Top Down, les attributs renforcent les niveaux suivants)
1/Les attributs matériaux regroupent les éléments suivants : les politiques et gouvernances favorisant la création de nouvelles entreprises, les universités et autres établissements d’enseignement qui forment de futurs entrepreneurs et qui font de la valorisation économique des connaissances produites, les services de soutien à l’entreprenariat tels que les incubateurs, Fab Lab, etc., les infrastructures de télécommunication et de transport à l’avantage de la création et le développent des entreprises.
2/ Les attributs sociaux regroupent les éléments suivants : les capitaux d’investissement, tels que le capital-risque, business Angel, banque, etc., la disponibilité de compétences et main- d’œuvre qualifiée pour travailler au sein de startups, les réseaux sociaux de l’entrepreneur avec les services d’appui, les conseillers et mentors, les investisseurs, les entrepreneurs expérimentés et hommes d’affaires au niveau local fournissant des conseils aux jeunes entrepreneurs.
3/Les attributs cultuels regroupent les éléments suivants : la culture entrepreneuriale au sein de la société qui peut soutenir ou concourir à la diffuser et l’instaurer, le soutient au risque et à l’échec d’entreprendre, la promotion et l’encouragement à l’innovation, avec des exemples d’entrepreneurs brillants.
Cet auteur explique que ce modèle suggère que l’écosystème entrepreneurial peut avoir plusieurs configurations possibles. L’écosystème comprend de multiples ensembles d’attributs et d’institutions qui se chevauchent, et qui encouragent l’activité d’entreprendre et fournissent des ressources essentielles pour les nouvelles entreprises afin de se développer. Les attributs d’un écosystème sont maintenus et reproduits grâce à leurs relations avec d’autres attributs.
Quand les écosystèmes possèdent des relations denses entre les attributs, la reproduction se réalise par l’interaction entre une culture entrepreneuriale favorable, des réseaux d’entrepreneurs, de travailleurs et d’investisseurs et des organisations publics efficaces.
Au final, si cette contribution a présenté un aperçu rétrospectif du champ et l’étude de l’écosystème entrepreneurial et du développement de l’entrepreneuriat, il serait assez utile de comprendre aussi le paradigme de l’opportunité qui met l’opportunité au cœur du processus entrepreneurial, les étapes de développement de l’écosystème entrepreneurial et sa manière d’être optimisé. Et les stratégies des pouvoirs publics et autres acteurs privés qui concourent à promouvoir le développement et la maturation de l’écosystème entrepreneurial.
Par le Pr. Rédha Younes Bouacida , Docteur en sciences économiques
d’Aix-Marseille université, France
Bibliographie
Banque mondiale 2022, «Small and Medium Enterprises (SMEs) Finance». World Bankin,
in https://www.worldbank.org/en/topic/smefinance#:~:text=SMEs%20account%20for%20the%20majority,(GDP)%20in%20emerging%20economies.
ANDE, 2021, Ce que nous savons au sujet de la culture des écosystèmes entrepreneuriaux, in https://andeglobal.org/wp-content/uploads/2021/11/What-We-Know-About_Cultivating-Entrepreneurial-Ecosystems_FR.pdf
Spigel, Ben. 2017, The Relational Organization of Entrepreneurial, Ecosystems. Entrepreneurship Theory and Practice, 41(1), 49-72.