Dynamiser la Bourse

19/03/2024 mis à jour: 09:20
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L’ouverture du capital du Crédit populaire d’Algérie (CPA) à travers la Bourse vise sa  dynamisation. Il convient de rendre hommage à la direction actuelle de cette banque et à son personnel d’avoir lancé une opération qui était gelée durant des années.

 Ils ont le mérite aussi de déployer beaucoup d’efforts pour assurer son succès.  Dans l’imaginaire populaire, la banque est le lieu où se trouvent de grandes quantités d’argent, y accéder donne la possibilité d’en profiter. Il faut espérer que cette conviction contribue à attirer des souscripteurs. Toutefois, ce qui incitera probablement les investisseurs à acheter des actions et leurs détenteurs à les conserver ce sera la distribution de dividendes consistants à la  fin de l’année.  

La cession de 30% de son capital par le CPA n’a pas pour but la mobilisation de fonds, il n’en a pas besoin en ce moment, ce qu’il cherche, c’est répandre la pratique des opérations en Bourse auprès de ceux qui possèdent des capitaux et les familiariser avec la vente et l’achat des titres à  son niveau. Le rôle que va donc jouer le CPA est celui de catalyseur pour rendre la Bourse plus  active comme cela a été déjà dit. 

 L’opération aura également des effets bénéfiques pour le CPA lui-même. Elle va introduire dans ses services une multitude d’activités comprenant la conservation et la gestion des titres,  les transactions en Bourse, la préparation d’entreprises clientes pour y entrer, la création de  fonds d’investissement… 

Le CPA sera tenu, d’autre part, de contrôler soigneusement son exploitation et de mieux maîtriser notamment ses dépenses afin de réaliser davantage de  bénéfices et d’en distribuer une partie satisfaisante aux actionnaires, comme il aura à publier périodiquement des états financiers comportant des informations détaillées et à jour, dans une transparence totale. 

C’est sa gouvernance en général qu’il va être obligé d’améliorer. Néanmoins, il est clair que la seule cotation du CPA n’est pas suffisante pour apporter des changements profonds dans la situation actuelle de la Bourse. Celle-ci avait été installée et avait démarré en 1995 par mes soins lorsque j’étais membre du  gouvernement. La solution retenue pour lui permettre d’être active dès le début était de procéder à la privatisation des entreprises publiques par son intermédiaire.

 Pour faciliter l’application de cette opération, il avait été décidé de recapitaliser et de restructurer les entreprises concernées. Le gouvernement de l’époque, composé essentiellement de cadres supérieurs intègres et  dévoués, y compris le chef du gouvernement, faisait tout son possible, bien que se trouvant dans un climat tendu et incertain et dans un environnement où prédominaient les conflits, les  intrigues, les entraves, pour assainir l’économie nationale et la relancer. Les actions qu’il menait à cet effet comprenaient, entre autres, l’application du programme d’ajustement structurel établi par le Fonds monétaire international (FMI) et par la Banque mondiale (BM).

 Ce programme, s’il comportait quelques aspects positifs, prévoyait la mise en œuvre d’une série de mesures dont la plupart étaient inadéquates. Des mesures que les équipes du FMI retiennent dans tous les cas où ils interviennent dans les pays en voie de développement sans distinctions  et sans analyses profonde et spécifique des problèmes et des difficultés qui détériorent leur  économie. De ce fait, le programme était routinier et irréaliste. Il avait été négocié et adopté par le précédent gouvernement dans des circonstances extrêmement difficiles sur le plan politique, financier, économique et sécuritaire. Le programme prévoyait le redressement de l’économie par les activités d’entreprises privées, locales et étrangères. 

Or, ces entreprises ne pourraient se constituer et agir que dans la mesure où elles disposent d’un environnement favorable où règnent la sécurité et l’ordre. En outre, la première disposition des programmes qui était appliquée était une forte dévaluation du dinar et la préparation du terrain pour ses dépréciations futures sous prétexte de renforcer la compétitivité au moment où l’Algérie n’avait, pour ainsi dire, que les hydrocarbures et leurs dérivés à exporter. 

Dans ce contexte complexe et délicat, le gouvernement s’attachait à installer des bases saines  et solides, à mettre en place des instruments nouveaux y compris la création de la Bourse et la  consolidation du secteur des entreprises publiques qui représentait encore la locomotive de l’activité économique. En procédant de la sorte, il se donnait le moyen d’avoir un dispositif diversifié destiné à limiter les dégâts et à faire évoluer positivement l’économie nationale. Son action avait été brutalement interrompue après à peine quelques mois d’existence alors qu’il venait de faire aboutir des élections présidentielles, pour une fois, sans fraude, propres et honnêtes. 

Le nouveau gouvernement avait mis en cause toute une partie de ce qui avait été entrepris. Il s’était attaqué sans états d’âme à la liquidation des entreprises publiques nationales et locales en mettant au chômage des dizaines de milliers de leurs employés et en prison leurs cadres  d’une manière injuste et infondée. Quant à la Bourse, le travail qui consistait à la rendre active et à la développer avait été abandonné. Depuis, elle ne faisait que stagner, une stagnation qui durait depuis presque trente ans. Il a fallu que l’actuel Président de la République donne des instructions fermes pour la réactiver en ordonnant à la direction du CPA d’y introduire l’ouverture de son capital. C’est un nouveau départ de la Bourse qui est ainsi engagé. Il importe qu’il soit poursuivi. La cotation de la Banque du développement local (BDL) devrait suivre. Elle est prévue mais elle n’est pas programmée. 

Pour qu’une nouvelle ère commence, effectivement, il est indispensable que les pouvoirs publics se mobilisent et se décident à autoriser l’entrée en Bourse d’entreprises publiques bénéficiaires telles que Sonatrach et Cosider et leurs filiales. Il faut également que des contacts sérieux soient pris avec les entreprises privées importantes, locales et étrangères exerçant dans le pays et les inciter à céder une partie de leur capital et celui de leurs filiales par l’intermédiaire de la Bourse. Le but principal recherché est de faire de la Bourse un centre financier important et actif qui attire une partie substantielle de la monnaie fiduciaire en circulation, laquelle a atteint un  montant énorme 8026,19 milliards de dinars en septembre 2023. 

Ce centre financier aura  conjointement avec les banques et les autres sources de financement, à couvrir les besoins en crédits, des investissements massifs en vue de constituer un tissu de grandes entreprises structurantes ces dans tous les secteurs, entreprises qui font défaut en ce moment. Les investissements en question porteront sur la valorisation des produits miniers, des hydrocarbures, des denrées agricoles, sur la production d’équipements et de matériel qui sont importés actuellement, sur l’augmentation du taux d’intégration des activités existantes qui est  faible… 

Il s’agit de créer, dans le cadre d’un plan adossé sur des études de faisabilité, un grand nombre  d’entreprises productives qui constitueront la base qui permettra aux petites et moyennes  entreprises de se maintenir et de se développer. Le centre financier à mettre en place au niveau de la Bourse qui aura à fournir les financements  à tous ces projets, ne pourra pas manifestement se constituer à partir du lancement d’une opération isolée même si elle est appliquée avec une grande efficacité, ni à partir d’appels aux investisseurs qui restent sans écho. 

Il faut normalement, pour réaliser l’objectif, accompagner l’ouverture du capital du CPA par un programme qui définit les actions à entreprendre telles  que la multiplication des entreprises cotées, l’attrait des souscripteurs d’actions. En somme ce  qui est recherché c’est précisé toutes les dispositions appelées à dynamiser la Bourse et les mettre en œuvre d’une manière déterminée. Beaucoup de détenteurs de capitaux les gardent liquides parce qu’ils ne trouvent pas où les  placer pour qu’ils soient en sécurité et qu’ils procurent un profit satisfaisant. 

D’autres personnes cherchent à fructifier leur argent dans des activités conforment à la «charia»… Tout ce monde pourrait être attiré vers la Bourse en même temps, que d’autres possesseurs de  fortunes, dans la mesure où elle est active et offre des possibilités d’investissements diversifiées  sûres et profitables qui répondent à leurs préoccupations. 

Les partisans des activités islamiques, par exemple, trouveront dans la Bourse des transactions de nature commerciale, qui sont des achats et des ventes des titres et qui correspondent aux prescriptions du Coran. Il est donc indispensable que l’intervention du CPA ne reste pas isolée et soit associée à un  programme d’actions, qui n’a pas été établi, et qui doit donc être préparé pour arriver à avoir une Bourse dynamique procurant des financements aux entreprises et au Trésor public. 

 

Badreddine Nouioua, ancien gouverneur de la Banque centrale


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