Dramaturge Ziani Chérif Ayad : «La richesse d’une nation se mesure également à l’aune de sa vie culturelle»

06/05/2023 mis à jour: 11:30
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S’estimant personnellement interpellé par la colère manifestée par la ministre de la Culture et des Arts lors de la conférence nationale sur le théâtre, qui s’est tenue les 14 et 15 mars 2023, Ziani Chérif Ayad, ancien directeur du TNA,  lui a adressé une lettre ouverte.

Je ne peux me taire au nom d’une vie consacrée au théâtre en tant que comédien, metteur en scène, responsable, enseignant et organisateur d’événements culturels. Cette vie m’a conféré une légitimité qui m’impose des obligations dont celle de tirer la sonnette d’alarme s’il le faut et quand il le faut. Je n’ai jamais dérogé à ce devoir. Je ne peux vous laisser croire, Madame, que des propositions n’ont pas été faites pour remédier à la situation que vous avez pointée du doigt. 

En ce qui me concerne, je ne me suis pas contenté d’attirer l’attention sur la crise que vit le théâtre algérien, mais j’ai fait plusieurs propositions concrètes pour son renouveau. Toutes sont restées sans réponse.» C’est par ce préambule que Ziani Chérif Ayad entame sa missive. 

Pour rappel, Soraya Mouloudji avait tancé les directeurs des théâtres d’avoir mis l’accent sur des points secondaires dans leurs rapports respectifs par rapport à l’objet de la conférence nationale et d’avoir ainsi évacué la question centrale de la création théâtrale. Récipiendaire du Prix de la mise en scène pour Galou laarab galou, en 1983 au festival de Carthage puis du Grand prix sur deux éditions successives en 1987 et 1989 de la même manifestation pour Les martyrs reviennent cette semaine et  El Ayta, Ziani indique avoir transmis en 2020 au ministère de la Culture un document intitulé Réflexions sur le théâtre algérien et ses perspectives. 

Ce document accompagné d’une demande d’audience est demeuré sans suite : «J’y attirais l’attention sur le fait que l’avenir du théâtre en Algérie ne pouvait être envisagé sans une politique culturelle cohérente, une organisation rationnelle et un plan d’actions précises et coordonnées. Le document soumettait à l’étude des propositions concrètes qui avaient le dessein de contribuer à la relance du théâtre algérien. Il y a été question des institutions du théâtre, de la formation aux métiers du spectacle, des résidences d’écriture, des théâtres régionaux, du soutien à la création, de l’institution d’une école populaire de théâtre, des comités de lecture, des coopératives théâtrales et des festivals qui devaient ambitionner de contribuer au développement du théâtre et à la ‘construction’ du goût du public. 

Il y était incorporé la diffusion d’œuvres intégrant des masters class sur la pratique du théâtre, projet structurant et d’envergure nationale où conférences, master class et production de l’œuvre d’un dramaturge notoire devaient vivre en symbiose.» En outre, le document déposé au ministère s’était également préoccupé de la constitution du répertoire théâtral : «Ce dernier point avait fait préalablement l’objet d’un dossier détaillé. 

Le projet était un plaidoyer pour un théâtre de répertoire et incluait des pleins feux sur l’œuvre théâtrale des dramaturges les plus importants qui ont marqué le théâtre algérien de leur empreinte et nous servent de repères pour nous projeter vers l’avenir. 

Le projet, qui pour sa réalisation sollicitait l’initiative publique et privée, prévoyait la création d’un centre national des archives théâtrales sans lequel la préservation de la mémoire du théâtre algérien, demeurait un vain mot.» Ce projet, à l’ébauche duquel nous avions assisté en 2019 entre Ziani, Ahmed Cheniki et Hadj Miliani, devait bénéficier d’un précieux don en archives collectées par ces deux universitaires au cours de leurs travaux de recherche.  En outre, ces deux projets, constitution du répertoire théâtral et création du centre national des archives, étaient couplés à un autre dénommé Printemps des Arts afin de doter la capitale d’un événement artistique majeur avec pour devise «la richesse d’une nation ne se mesure pas seulement à l’aune de son patrimoine physique et des indicateurs économiques, mais également à celle de sa vie culturelle, notamment celle de sa capitale qui incarne la souveraineté de l’Etat.» 

En ce qui concerne le partenariat autour de cette manifestation, des accords de principe de nombres d’institutions avaient été acquis. Il s’agit l’ISMAS, l’INSM, Les Beaux-Arts, le MaMa, la Cinémathèque algérienne, l’ONDA et l’ARC et l’Opéra d’Alger : «Le Printemps des Arts se proposait de créer à Alger un moment fort où s’exposeront ses potentialités culturelles et artistiques et qui donne envie d’y venir et investir. Ses objectifs étaient de faire connaître l’Algérie des arts, de rendre visible ses acteurs ainsi que leurs textes et créations qu’il donnera à voir et à entendre au public. Il devait permettre aux intellectuels et professionnels de confronter et d’échanger leurs points de vue, de favoriser les rencontres interdisciplinaires entre les générations et en touchant des publics divers (condition sociale, âge, sexe, etc.), tenter de faire des émules et susciter des vocations. 

Cet événement aurait été un facteur majeur de promotion de la culture de la paix, de renforcement de la cohésion sociale, d’animation du territoire et de création d’une dynamique de partenariat. Il a un programme, un agenda ; des acteurs et des partenaires», indique Ziani en conclusion. 
 

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