Dans un message à l’occasion de la commémoration des massacres du 8 Mai 1945, le président Abdelmadjid Tebboune assure que «le dossier de la mémoire est inaliénable et imprescriptible, et ne peut faire l’objet de concession ou de marchandage».
La question de la mémoire est au cœur des préoccupations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui se montre intransigeant sur ce dossier qu’il qualifie de «sensible» et de «délicat».
Dans un message rendu public à l’occasion de la commémoration des massacres du 8 Mai 1945, il réitère son engagement à veiller à ce que cette question soit traitée de manière «objective» et «audacieuse» afin de rétablir des vérités historiques et rendre justice au peuple algérien qui a tant souffert de la brutalité et de la barbarie du système colonial.
«Le dossier de la mémoire est inaliénable et imprescriptible, et ne peut faire l’objet de concession ou de marchandage», affirme-t-il dans son message, rappelant ce que cela représente pour le peuple algérien «fier de son long parcours militant national et de sa lutte armée amère…et fidèle aux chouhada et au message de Novembre».
Pour le président Tebboune, «l’intérêt de l’Etat pour la question de la mémoire repose sur l’appréciation de la responsabilité nationale dans la préservation du legs glorieux des générations et découle de la fierté de la nation de son passé honorable… mais aussi des immenses sacrifices du peuple dans l’histoire ancienne et moderne de l’Algérie, en vue de repousser les convoitises et barrer la route aux ennemis qui n’ont eu de cesse de tenter d’avoir raison de son unité et de sa force…»
«Revendication fondamentale»
Tout en assurant «être prêt à avancer vers l’avenir dans un climat de confiance», le chef de l’Etat estime que «la crédibilité et le sérieux sont une revendication fondamentale en vue de parachever les mesures et les démarches inhérentes à ce dossier sensible et délicat».
Le président Tebboune considère la commémoration de ce 79e anniversaire des manifestations de Sétif, Guelma, Kherrata, Aïn Témouchent et dans d’autres villes algériennes comme «une des étapes sanglantes que l’histoire moderne a retenue comme exemple des plus éloquents de rejet du colonialisme et d’attachement à la liberté et à la dignité».
Ces massacres, que le chef de l’Etat qualifient de «génocide et de crime contre l’humanité», reflètent également, selon lui, «les sacrifices et les drames endurés par les peuples colonisés en tant que prix à payer pour la libération de l’injustice et de la domination, et pour le recouvrement de la souveraineté nationale».
«Des scènes horribles qui incarnent un moment historique décisif ayant transformé les luttes du mouvement national au fil des décennies en affrontement armé, dirigé – par la suite – par des hommes imprégnés de l’esprit militant qui ont déclenché la Guerre de Libération et l’ont mise dans la rue pour la voir portée par tout un peuple», poursuit le président Tebboune dans ce message, tout en rappelant «avoir fait de l’anniversaire des massacres du 8 Mai 1945, dont le peuple a payé un lourd tribut avec 45 000 martyrs, une Journée nationale de la mémoire».
Commission mixte
Depuis son investiture à la tête de l’Etat en décembre 2019, le président Tebboune a placé le dossier de la mémoire au centre des relations algéro-françaises. C’est ainsi qu’une commission mixte d’historiens des deux pays a été installée lors de la visite du président français, Emmanuel Macron, en Algérie à l’été 2022.
Cette commission, composée de dix historiens, travaille sur le dossier de la mémoire de la colonisation de l’Algérie par la France de 1830 à 1962. Dès le départ, le président Tebboune a plaidé pour «une mémoire apaisée et reconnue». «Ce que nous voulons, c’est une mémoire apaisée, reconnue.
Qu’on sorte de cette fable d’Algérie ’’terra nullius (territoire sans Etat)’’ où la colonisation aurait apporté la civilisation», avait-il précisé dans un entretien accordé au magazine français Le Point en juin 2021. «Cela dit, ce n’est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l’on juge.
C’est la France coloniale. Tout cela ne concerne pas la génération du président Macron, ni celle de certains intellectuels français, qui sont irréprochables, mais reconnaître ces faits est important. Car pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu’ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s’est passé en Algérie ?» avait-il ajouté.
La commission mixte sur la mémoire s’est déjà réunie à quatre reprises et a fait neuf recommandations. Parmi elles, l’on peut citer la réhabilitation des cimetières des détenus algériens du XIXe siècle en France, les archives, la restitution de biens symboliques, la bibliographie, la création d’un portail numérique et la formation. Il y a également un point relatif à l’installation de plaques «dans des lieux de mémoire» en France où reposent des Algériens ayant été emprisonnés au début de la colonisation.