La dure réalité est que personne n’est encore tiré d’affaire. La menace des variants de la Covid-19 demeure et la guerre en Ukraine a multiplié les risques, en particulier pour les pauvres qui subissent le poids de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie.
Une bonne dose de réalisme quant aux perspectives de croissance de la région en ces temps d’incertitude est essentielle», a déclaré Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA.
Le Groupe de la Banque mondiale a, dans un bulletin économique d’informations de la région MENA du 15 avril 2022, rendu public en effet ses conclusions sur les prévisions de croissance dans la région. Intitulé «Confronté à la réalité : prévisions de croissance dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord en période d’incertitude», le rapport de la Banque mondiale note que les économies de la région «devraient croître de 5,2% en 2022, le taux le plus rapide depuis 2016, grâce aux prix exceptionnels du pétrole qui profitent aux exportateurs de pétrole de la région».
Mais, a-t-elle averti, une «incertitude accrue» entoure cette prévision en raison de la guerre en Ukraine et des menaces persistantes des variants de la Covid-19. «Les producteurs de pétrole bénéficieront de la hausse des prix du pétrole et des taux de vaccination, alors que les pays fragiles sont à la traîne. Mais le resserrement de la politique monétaire mondiale, l’imprévisibilité de l’évolution de la pandémie, les perturbations continues de la chaîne d’approvisionnement et la hausse des prix des denrées alimentaires augmentent les risques d’inflation pour l’ensemble de la région», a-t-elle souligné.
Et d’ajouter : «La gestion de cette vague d’incertitude est un défi majeur pour les décideurs politiques.» Les rédacteurs de ce rapport font remarquer que «la dépréciation de la monnaie dans certains pays de la région MENA s’ajoute déjà aux pressions inflationnistes».
La crise alimentaire
«Les pressions inflationnistes créées par la pandémie ont été exacerbées par la guerre en Ukraine. Les pays de la région MENA dépendent fortement des importations alimentaires, notamment du blé en provenance de Russie et d’Ukraine. La hausse des prix des denrées alimentaires et le risque accru d’insécurité alimentaire sont susceptibles de toucher le plus les familles pauvres (…).»
La BM considère que «l’ampleur des conséquences de la guerre n’a pas encore été déterminée, mais les premiers signes indiquent une aggravation des difficultés économiques qui assaillent déjà les économies de la région MENA, en particulier les pays à revenu intermédiaire importateurs de pétrole».
Comme facteur d’incertitude, la faible vaccination contre la pandémie, souligne cette institution de Bretton Woods. «Au 4 avril 2022, les pays du Golfe, à l’exception d’Oman qui a un taux de vaccination de 57,8%, ont un taux moyen de 75,7%, ce qui est bien meilleur que leurs homologues à revenu.
Mais des pays comme l’Algérie et l’Irak ont vacciné environ 13 à 17% de leur population et le Yémen et la Syrie ont des taux de vaccination à un chiffre, les laissant ainsi plus exposés aux conséquences économiques et sanitaires de la Covid-19 dans un avenir proche», souligne ce rapport.
Par ailleurs, la Banque mondiale a consacré cette fois-ci tout un chapitre au manque de disponibilité des données et de transparence dans les pays de la région. «Dans le contexte actuel d’incertitude mondiale et régionale, obtenir les prévisions les plus précises possibles devient encore plus important. Le manque de données et l’ouverture limitée des données sont des stratégies risquées.
Ce n’est qu’avec des données meilleures et plus transparentes que les prévisions peuvent être faites(…)», a déclaré Roberta Gatti, économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA. «Les économies en conflit comme la Libye et le Yémen ont, souligne la BM, des données obsolètes sur le PIB, les dernières disponibles pour 2014 et 2017 respectivement.
Seules 10 des 19 économies de la région MENA couvertes par le groupe de la Banque mondiale disposent d’informations mensuelles ou trimestrielles sur la production industrielle ; pour les neuf autres, les informations ne sont pas accessibles au public ; et aucun ne publie de données mensuelles sur le chômage.
Le rapport fournit des orientations sur la manière d’améliorer les systèmes de données nationaux.» Et ensuite d’attirer l’attention sur le fait que «les auteurs ont constaté que les prévisions de croissance dans la région MENA au cours de la dernière décennie étaient souvent inexactes et trop optimistes par rapport à celles des autres régions. Des prévisions trop optimistes peuvent entraîner des contractions économiques à terme.
Un facteur clé de l’incertitude des prévisions est la disponibilité et l’accessibilité d’informations de qualité et opportunes, un domaine où la région MENA est en retard par rapport au reste du monde en développement».