Disparition de l’actrice Chafia Boudraâ, surnommée la «Mère de tous les Algériens» : La dernière des géantes

24/05/2022 mis à jour: 03:31
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Chafia Boudraâ, une grande dame, mère des grands et petits et aussi des deux écrans

Les enfants de la «télé» sont orphelins. Les gosses du petit et grand écran sont tristes. Leur mère, leur grand-mère est décédé à 92 ans, dimanche. Cette maman, cette mamie, est la grande comédienne Chafia Boudraâ ayant crevé le petit écran dans les années 1970 avec le feuilleton culte El Harik ( L’Incendie) de Mustapha Badie. Elle a été inhumé le même jour au cimetière El Alia, à Alger. 

 

Avec la disparition de Chafia Boudraâ à l’âge de 92 ans, c’est un pan entier de la mémoire collective du petit et grand écran qui s’en va. 

C’est la doyenne qui s’en est allée. Incarnant le mythique rôle La Aïni, cette mère courage dans le feuilleton télévisé El Harik adapté du roman de l’écrivain Mohammed Dib et réalisé par Mustapha Badie. Une série TV, El Harik ou plus communément appelé Dar Sbitar ayant bercé des générations, jusqu’à aujourd’hui on en parle.

 Depuis, Chafia Boudraâ, cette mère «cathodique», a été adoptée par ces enfants de la «télé», toutes générations confondues. Un personnage historiquement familier et maternel.

 Parce qu’elle exprimait la sagesse, la bonté, la générosité et surtout l’affection. Ainsi, Chafia Boudraâ a été surnommée affectueusement «La mère des Algériens». En fait, elle était la «mother» de tout le monde. 

Dans tous les rôles qu’elle a interprétés, elle a été une maman aimante et d’un courage exemplaire. Et surtout avec cette valeur, la tolérance. Chafia Boudraâ a été la mère, à travers ses films, de Roshdy Zem, Djamel Debbouze, Sami Bouajila, Letaïssa Abderrahmane, le «Petit Omar» du feuilleton El Harik (l’Incendie). 

( Le feuilleton télévisé culture des années 1970 El Harik, adapté du roman de l’écrivain Mohammed Dib et réalisé par Mustapha Badie, où elle avait crevé le petit écran)

 

 

 

Une Moudjahida, une battante 
 

Chafia Boudraâ, de son vari nom Atika Latrèche, est née le 22 avril 1930, à Constantine. Elle était veuve d’un chahid tombé au champ d’honneur en 1961, dans la Wilaya VI, à l’âge de 41 ans, le commandant Salah Boudraâ. Il faut rappeler que Chafia Boudraâ est aussi moudjahida, une combattante, ayant lutté contre le colonialisme français. Elle quitte sa ville natale, Cirta, en 1964, pour s’installer à Alger. Subvenant aux besoins d’une famille nombreuse, elle exercera plusieurs métiers. 

Ceux d’aide-soignante, stantardiste, gouvernante… Le pied à l’étrier sera posé sur les planches. Et le salut viendra à travers le théâtre. Celui du Théâtre national algérien(TNA), notamment à travers la pièce La Mégère apprivoisée. Puis, suivront des cachets au niveau de la RTA. 

Son tout premier rôle à la télévision sera El Hozi. Elle interprétera aussi le rôle de la veuve dans La Mégère apprivoisée montée par le Théâtre national d’Alger. Son premier rôle fut dans le film El Hozi, d’Abdelkader Bouritina, aux côtés du comédien Arezki Nabri campant Moh Bab El Oued et l’actrice Yasmina. Mais avec le feuilleton télévisé El Harik, adapté du roman de l’écrivain Mohammed Dib et réalisé par Mustapha Badie, Chafia Boudraâ crèvera le petit écran. Et puis suivront d’autres succès tel que le téléfilm Khala Ou Beïda d’Abderrahmane Bouguermouh… 
 

Hassan Hassani, Rouiched, Larbi Zekkal, Keltoum et les autres 
 

Et cela va lui ouvrir une autre lucarne, du grand écran, et ce, en donnant la réplique à des monstres sacrés du cinéma (et télévision) comme Hassan Hassani, Rouiched, Larbi Zekkal, Keltoum… Chafia Boudraâ irradiera le celluloïd avec L’Evasion de Hassan Terro, Leïla et les autres, Une femme pour mon fils d’Ali Ghanem, Hors-la-loi et Just Like A Woman, de Rachid Bouchareb, Ech-chebka, de Ghaouti Bendedouche, Le Thé à la menthe de Abdelkrim Bahloul, Die Rückkehr aus der Wüste de Bernhard Stephan, Mohamed Bertrand-Duval de Alex Métayer, Le cri des hommes de Okacha Touita, 2001 : 17, rue Bleue de Chad Chenouga ou encore Beur blanc rouge de Mahmoud Zemmouri. 

Son décès intervient quelques jours après celui de l’acteur et metteur en scène Ahmed Benaïssa ayant joué ensemble dans Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. Chafia Boudraâ, une grande dame, mère des grands et petits et aussi des deux écrans. Repose en paix. Allah yahamak.   

(Scène du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb : la regrettée Chafia Boudraâ incarnant la mère courage de Jamel Debbouze)

 

 

 

 

RÉACTIONS

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune

La défunte Chafia Boudrâa est un modèle et d’école pour des générations d’artistes et digne du respect de son public qui lui est resté fidèle de longues années durant… J’ai appris avec une immense tristesse la nouvelle de la disparition de la défunte artiste Chafia Boudrâa qui nous a été ravie, rappelée auprès de Son Créateur…En cette pénible épreuve, nous faisons nos adieux à une figure de proue de l’art algérien qui a marqué de son empreinte, aux côtés de plusieurs artistes de la première heure de l’Algérie indépendante, l’histoire du théâtre, de la télévision et du cinéma algériens…Elle fut, longtemps, un modèle et une école pour des générations d’artistes, ce qui lui a valu le respect de son public qui lui est resté fidèle de longues années durant. La Aïni était une artiste de la trempe des grand artistes internationaux… Nous ne pouvons que nous résigner devant la volonté d’Allah le Tout-Puissant. Je ne puis que présenter mes condoléances les plus attristées à la famille de la culture, aux artistes en général et aux proches de la défunte en particulier, priant Allah d’entourer la défunte de Sa Sainte Miséricorde, de l’accueillir en Son Vaste Paradis et de prêter aux siens patience et réconfort. «A Dieu nous appartenons et à Lui nous retournons.»

 

La ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji

«Chafia Boudraâ a reflété l’image typique de la femme algérienne résistante et militante contre la privation, la pauvreté, l’ignorance et la cruauté du colonisateur.»

Le ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, Laïd Rebiga

«Chafia Boudraâ est la perte de cette icône du cinéma algérien.»

Salim Aggar, ancien directeur de la Cinémathèque

«Nous venons de perdre la mère du cinéma et de la télévision algérienne. Chafia Boudraâ était comme Keltoum une icône qui s’est éteinte à quelques jours de son ami et frère Ahmed Ben Aïssa. Adieu la mère de tous les Algériens Adieu La Aïni.»
 

 

 

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