La 21e édition du Forum international de Doha, qui s’est ouvert hier dans la capitale qatarie, appelle à un cessez-le-feu immédiat dans la Bande de Ghaza. Des déclarations fortes ont été une nouvelle fois prononcées, qui soulignent à l’unanimité la gravité sans précédent de la situation humanitaire sur place, les crimes commis en masse sur les civils palestiniens, l’impasse dangereuse pour la région du Moyen-Orient et la paix dans le monde qu’induit l’aveuglement meurtrier et sans issue de Tel-Aviv…
Rien qui n’eut été en somme déjà exprimé et entendu depuis au moins un mois et demi, soit depuis que la mise en pratique de ce «droit d’Israël à se défendre», se traduisant par les massacres qu’on connaît, a relativisé le soutien inconditionnel des amis occidentaux de l’Etat hébreu, et a renforcé la conviction dans le reste du monde que ce qui était mis en œuvre était un plan d’extermination et de déplacement des populations.
La rencontre de Doha a certes la particularité de se tenir dans un pays que la géographie, les événements et de ténébreuses combinaisons diplomatiques ont mis au cœur du conflit. Pour ses liens avec les deux parties, et par extension avec leurs soutiens respectifs, la diplomatie qatarie a été désignée depuis des semaines pour jouer le pivot dans toutes les entreprises de médiation, dont la plus importante est celle qui a conduit à la proclamation de la trêve et à la libération des détenus.
Mais il est clair que le forum ne dessinera pas une trajectoire nouvelle à la guerre, ni pèsera dans la balance des décisions, là où des institutions autrement plus indiquées et plus outillées cumulent les coups d’épée dans l’eau. L’Organisation des Nations unies et son Conseil de sécurité viennent tout juste de s’illustrer par un énième cul-de-sac à la fois diplomatique et procédurier qui les enfonce dans leurs statuts d’arnaques institutionnelles quand il s’agit de défendre les droits des plus faibles.
Il a suffi que le représentant de Washington lève le bras vendredi dernier et agite ce veto devant lequel la Terre s’arrête de tourner pour que les votes favorables de 13 membres (sur 15) du Conseil et le soutien de plus de 100 pays membres permanents de l’ONU soient déclarés de nul effet ; pour que l’espérance de vie des enfants de Ghaza soit maintenue au seuil meurtrier qui est son lot depuis deux mois surtout.
Le combatif SG de l’ONU, Antònio Guterres, qui a aggravé son cas aux yeux de Tel-Aviv en prenant la responsabilité d’interpeller l’institution sur le sujet, a dit hier à Doha toute l’amertume qui est la sienne de voir le pouvoir de l’institution qu’il dirige à ce point réduit à si peu de chose au moment où un coin du monde vivait une «tragédie humaine sans précédent».
Le Premier ministre et ministre qatari des Affaires étrangères, médiateur numéro 1 s’il en est dans le conflit, a lui-même déploré que la guerre faite à la population de Ghaza a plus que tout autre fois révélé «le fossé entre l’Orient et l’Occident» et la prédominance de la politique des «deux poids deux mesures» dans les relations internationales.
D’autres diplomates, tout aussi «influents» les uns que les autres, réitéreront aujourd’hui encore, deuxième journée du Forum, de fortes positions de principe étayées par des constats actualisés sur les crimes de l’armée israélienne et la complicité de son mentor intraitable que sont les Etats-Unis. Des positions dont la seule portée garantie est d’enrichir les registres des rapporteurs de séances, et dont le seul vrai mérite aujourd’hui est de souligner la faillite de l’«ordre mondial».