Deux ans de Covid-19 en Algérie : Rétrospective d’une pandémie meurtrière

12/03/2022 mis à jour: 08:05
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l Le nombre de contaminations par la Covid-19 est en net recul depuis plusieurs semaines l Les chiffres des dernières 24 heures publiés par le ministère de la Santé font état de 20 nouveaux cas et d’un seul décès.

Douze (12) mars 2020-12 mars 2022, cela fait deux ans, jour pour jour, que l’OMS a déclaré que l’épidémie de Covid-19 est devenue une pandémie dont les premiers cas sont apparus dans la ville de Wuhan, en Chine centrale, le 17 novembre 2019, puis se propagent dans le monde entier. 

C’est à la même date que l’Algérie a enregistré le premier décès Covid-19 dans la wilaya de Blida. Jamais une maladie infectieuse n’a suscité autant de publications scientifiques, de débats médiatiques, de reportages et d’articles de presse. La guerre contre l’inconnu à travers le monde a donc commencé sans connaître les conséquences qu’elle pourrait engendrer. 

Le premier cas algérien de Covid-19 a été enregistré le 29 février 2020 à l’hôpital de Boufarik. Deux cas suspects d’une même famille se présentent à l’hôpital de Boufarik dans la wilaya de Blida, l’épicentre de la pandémie, et sont déclarés Covid positifs. 

A l’instar des autres pays du monde, la riposte a été vite mise en place par le ministère de la Santé pour empêcher une propagation massive du virus en renforçant son plan national de préparation, d’alerte et riposte face à une situation d’urgence de portée internationale. Il a été déclenché en janvier 2020 en adoptant plusieurs mesures préventives imposées par la situation sanitaire (lavage des mains, port du masque, etc.), le dispositif de surveillance et d’alerte à l’infection Covid-19, la détection précoce et la prise en charge des cas d’infection, le renforcement des moyens de protection et la sensibilisation pour la lutte contre le coronavirus. Le virus se propage pour atteindre toutes les wilayas du pays et les contaminations se multiplient à travers le territoire national. Un premier décès est enregistré le 12 mars dans la wilaya de Blida. 

Le premier confinement 

Le 23 mars, à l’issue de la réunion du Haut Conseil de sécurité, il a été a décidé du confinement total à Blida pour une durée de dix jours renouvelable, et confinement partiel dans la wilaya d’Alger de 19h à 7h avec interdiction de tout rassemblement de plus de deux personnes et fermeture des écoles. Le 27 mars, les mesures de confinement partiel sont étendues à d’autres wilayas : Constantine, Oran, Sétif, Tipasa, Tizi Ouzou, Batna, El Oued, Médéa et Boumerdès. Cette mesure est étendue le 1er avril à quatre autres wilayas : Béjaïa, Aïn Defla, Mostaganem et Bordj Bou Arréridj.

 A la même date, le protocole «chloroquine + azithromycine» est préconisé pour les cas sévères en milieu hospitalier. En plus des mesures barrières à appliquer, le port du masque étant un bouclier face à la propagation du virus devient obligatoire dans les espaces publics à partir du dimanche 23 mai sous peine de sanction. 

Le 28 juin, le président de la République a annoncé que toutes les frontières du pays seront fermées jusqu’à la fin de la pandémie. Il a été décidé la suspension des liaisons aériennes, maritimes et terrestres avec les autres pays, à l’exception toutefois de quelques liaisons pour l’acheminement de matériels, équipements et autres produits en rapport avec la lutte et la prévention contre la Covid-19.

 Le dispositif global de gestion de la pandémie est encadré par le comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie, en coordination avec les services du Premier ministère. Après une augmentation du nombre de cas, qui s’est accélérée durant le mois de mars 2020 pour atteindre le pic à la mi-avril (1re vague), l’épidémie a évolué en plateau avec la pénurie de kits de prélèvement, aidée par les mesures de confinement décidées par le gouvernement et ce jusqu’au mois de mai où l’on espérait la fin de cette pandémie mondiale. 

Un lourd tribut dans le corps médical 

Une lueur d’espoir vite dissipée par un fort rebond, voire une explosion du nombre de cas de Covid-19 au début du mois de juin et juillet pour atteindre 600 nouveaux cas en 24 heures et un nombre de décès jugé «stable» après la fête de l’Aïd El Fitr et la levée du confinement dans certaines wilayas et la reprise des activités dans certains secteurs. 

Ainsi, le virus Sars-Cov-2 a progressé durant les deux mois de juin et juillet à un rythme accéléré dans de nombreuses wilayas du pays, qui ont connu des incidences à trois chiffres avec une forte contamination de médecins, d’infirmiers et autres personnels hospitaliers, voire de nombreux décès parmi le corps médical. 

Une tendance qui a connu, au début du mois d’août, une décrue et de rebondir à l’automne pour marquer la deuxième vague suite au déconfinement avec l’assouplissement des restrictions sur les déplacements et les mouvements. Le post-confinement, notamment avec la fréquentation des plages, des restaurants, des mosquées et le relâchement vis-à-vis de toutes les mesures barrières, a sérieusement inquiété les scientifiques qui redoutaient des scénarios catastrophiques. Finalement, les prévisions des épidémiologistes et des virologues se confirment, un deuxième confinement s’installe, pour contenir la deuxième vague, fin 2020. 

Troisième vague meurtrière

L’année 2021 a été ainsi marquée par des épisodes épidémiques meurtriers, tels que la troisième vague due au variant Delta, avec une large réticence de la population algérienne à la vaccination anti-Covid-19 instaurée en janvier 2021 après l’arrivée des vaccins.

L’été 2021 a connu l’explosion du nombre d’infections, de décès et la saturation des services hospitaliers avec une demande accrue d’oxygène, notamment au centre du pays et dans d’autres wilayas. Les 19 hôpitaux que compte la wilaya d’Alger ont a été submergés face à une demande croissante en hospitalisations et des services de réanimation dépassés, à voir les images désolantes auxquelles on a eu droit. «Lors des vagues épidémiques, les unités Covid-19 sont rapidement saturées ; les malades en détresse respiratoire sévère sont refusés par la plupart des structures hospitalières, faute de places Covid-19, alors que les ailes non Covid-19 sont totalement vides, car désertées par les malades non Covid-19, paniqués à l’idée de côtoyer le virus», écrit un groupe de professeurs en médecine dans un article publié en novembre 2021 dans El Watan, intitulé «Autopsie d’une pandémie, les points faibles et les points forts».

 Des images choquantes témoignent de la détresse de ces milliers de patients, qui attendent impatiemment pendant des heures l’arrivée des camions-citernes de ce produit vital. Ce qui a d’ailleurs suscité un élan de solidarité de la part de la diaspora et des industriels algériens pour acheminer des concentrateurs et aider à l’installation des unités de production d’oxygène médical dans les hôpitaux. Des instructions ont été données, par ailleurs, par le président de la République exigeant l’augmentation de la production de l’oxygène par les entreprises algériennes. 

Taux de vaccination très faible

Face à une telle situation, les autorités devaient affronter une réticence générale de la population concernant la vaccination et 6% à peine de la population algérienne étaient vaccinés à ce moment-là. 30 millions de doses de vaccins anti-Covid-19 ont été acquis par l’Institut Pasteur d’Algérie après une longue attitude prudentielle du ministère de la Santé à choisir un vaccin. 

Des doses de vaccin sont encore stockées en attente d’être utilisées alors que l’objectif des 70% des personnes vaccinées n’est pas encore atteint en plus des quantités du vaccin anti-Covid-19 produites par l’unité de fabrication du groupe Saidal de Constantine dans le cadre d’un partenariat algéro-chinois. 

Un autre rebond avec l’apparition de nouveau variant Omicron et ses deux sous-variants BA1 et BA2, en décembre 2021, accélère les contaminations pour atteindre le pic de la quatrième vague le 25 janvier 2022, avec 2521 cas confirmés et huit décès. Outre la reconduction des mesures du dispositif de gestion de la crise liée à la pandémie de Covid-19, le gouvernement a instauré le pass vaccinal pour l’accès aux lieux et édifices affectés à usage collectif ou accueillant du public, où se déroulent les cérémonies, fêtes et manifestations d’ordre culturel, sportif ou festif, et comme condition d’entrée et de sortie du territoire national et pour accéder à certains espaces. 

Une fois le pic de la quatrième vague atteint, les contaminations ont progressivement diminué à ce jour pour atteindre une vingtaine de cas. Ce qui annonce, selon les spécialistes, non pas la fin de la pandémie mais un retour saisonnier du virus.

Dr Mohamed Bekkat. Membre du conseil scientifique et président de l’Ordre national des médecins : «Nous avons manqué d’anticipation»

Pour le Dr Bekkat Berkani, la pandémie de Covid-19 a ébranlé tous les systèmes de santé et l’Algérie s’en est sortie malgré le manque d’anticipation. «Cette pandzémie a été une bonne leçon pour nous sur le plan sanitaire, je ne cesse de répéter que gouverner c’est prévoir», a-t-il lancé d’emblée. Il estime que dans une telle situation de pandémie jamais vécue, il y a lieu d’anticiper sur les événements dans le cadre organisé et intersectoriel afin d’être prêt au pire, notamment la crise d’oxygène. «Des plans d’action doivent être prêts pour agir selon l’évolution de la situation et essayer de projeter la conduite à tenir.»  En outre, le Dr Bekkat a rendu hommage à tous les personnels de santé qui se sont engagés dans cette bataille qui n’est pas encore finie. Pour lui, le bilan de la gestion de cette crise a des points positifs et d’autres négatifs. «Nous avons réagi en fonction de l’évolution de l’épidémie avec moins de dégâts comparativement aux autres pays. Il faut dire que l’Algérie est restée isolée du monde non sans impact sur la situation économique et sociale.» Il estime que, «désormais, l’Agence nationale de sécurité sanitaire doit jouer son rôle pour d’éventuelles nouvelles crises sanitaires». 

Pr Kamel Djenouhat. Président de la Société algérienne d’immunologie : «Revaloriser la place 
de la biologie médicale avec plus de moyens» 

Les analyses biologiques ont eu une place privilégiée, jamais connue, durant toute cette pandémie. Les moyens de diagnostic ont été développés avec de nouvelles techniques, en l’occurrence les tests RT-PCR, puis les antigéniques permettant de faire le diagnostic du sars-cov-2, le suivi de l’infection et la séropositivité. «Les centres d’exploration étaient, au début de la pandémie, dépourvus de moyens nécessaires au diagnostic, tels que les réactifs et les équipements spécifiques. Désormais, il faut les doter d’un budget conséquent pour pouvoir faire face à la demande dans le cas de nouvelles épidémies. Il est nécessaire de mettre en place des pôles régionaux», a déclaré le Pr Kamel Djenouhat. Cela permettra, selon lui, à ces centres de développer des examens qui «se font encore à l’étranger via un intermédiaire». Pour lui, «l’Algérie a échappé aux scénarios catastrophiques vécus par certains pays grâce aux mesures de confinement mises en place d’une part et à la contamination massive de la population d’autre part. C’est l’ immunité naturelle due à l’infection qui a protégé la majorité des personnes. Le vaccin a protégé les personnes âgées.» Un des points noirs de cette pandémie soulevé par le Pr Djenouhat est le manque drastique de lits de réanimation. Il appelle à la mise en place de services de réanimation médicale pour accueillir plus de malades et se préparer à prendre en charge les Covid longs dont les séquelles sont importantes.

Pr Abderrezak Bouamra. Epidémiologiste à l’hôpital de Tipasa : «la cote des scientifiques a grimpé auprès des médias comme du public»

      

 Pour le Pr Bouamra, la pandémie de Covid-19 a été un vrai test sur la réactivité de notre système de santé. «Malgré toutes les difficultés rencontrées lors de ces deux années de pandémie, nous avons fait face pour prendre en charge les malades hospitalisés», a-t-il souligné. Et de préciser que «durant cette pandémie, la cote des scientifiques a grimpé en flèche auprès des médias comme du public. Des disciplines parfois méconnues, comme l’épidémiologie, ont été catapultées sur le devant de la scène, au point qu’on discute aujourd’hui du ‘‘taux de reproduction’’ ou de la ‘‘croissance exponentielle’’». Le manque d’anticipation et la lenteur dans la mise en œuvre des actions constituent les points faibles durant cette pandémie. «Il y a lieu de retenir que c’est la première fois dans de l’histoire de l’humanité que 4 milliards d’individus ont fait simultanément l’expérience inédite du confinement. Pendant quelques semaines, comme si subitement la Terre avait cessé de tourner, le monde entier a suspendu ses activités économiques, les avions ont cessé de décoller, les gares se sont vidées, tandis que les jours étaient régulièrement ponctués par le décompte lancinant des contaminations par pays, des hospitalisations et des décès.»

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