Dessalement de l’eau de mer : Quel impact sur le milieu côtier ?

06/01/2022 mis à jour: 02:42
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Photo : D. R.

Les avis des spécialistes divergent sur l’impact négatif du dessalement de l’eau de mer. On manque encore de recul et d’étude, mais les premières recherches révèlent d’ores et déjà des conséquences sur le sol et le milieu marin.

Les spécialistes ne sont pas, du moins pour l’instant, tous d’accord sur l’ampleur de l’impact des unités de dessalement de l’eau de mer sur l’environnement et particulièrement les milieux marins et côtiers. Tarik Hartani, directeur de l’Institut des sciences et laboratoire de gestion et valorisation des écosystèmes agricoles et aquacoles au Centre universitaire de Tipasa dit ne pas être catégorique sur le «danger immédiat ou à long terme du dessalement des eaux de mer sur l’environnement». «Nous avons entendu dire que les eaux de saumure pouvaient altérer la biodiversité floristique et faunistique autour des zones de rejets lorsque celles-ci se trouvaient proches des rivages et que des gaz à effet de serre pouvaient être émis dans l’atmosphère par combustion des gaz.»

Cependant, dit-il, il n’existe pas d’études scientifiques avérées qui démontrent un danger certain. Il faudrait pour cela disposer de plus de recul sur la question avec des séries de données sur de longues années. Mais de son côté, Ahmed Kerfouf du département des sciences de l’environnement à la faculté des sciences de la nature et de la vie à l’université de Sidi Bel Abbès, l’étude de cas est là pour démontrer cet impact.

L’étude effectuée aux unités de Bousfer, Bouzdjar et Béni Saf à l’ouest du pays a fait ressortir des éléments très importants : l’eau est potable après traitement (généralement propre à la consommation). Sur le plan de la potabilité, un problème organoleptique est soulevé, à savoir l’arrière-goût, c’est-à-dire le cas des chlorures qui dépassent deux fois les normes (426mg/l) de potabilité soit 200 mg/l.

Sur le plan environnemental, parmi les points noirs de cette récente technologie sont les rejets qui dépassent largement les normes, ce qui représente un risque potentiel non négligeable sur l’écosystème aquatique de la région. Il existe, selon le Pr Ahmed Kerfouf, un impact sur l’environnement côtier. Par détail, l’étude révèle l’impact sur le sol et les aquifères. Et aussi, la pollution en cas de fuites et infiltration d’eau salée, et d’eaux saumâtres.

L’étude explique aussi la détérioration de la valeur récréative du site, autrement dit l’obstruction de l’accès visuelle de la mer, la transformation d’un lieu de tourisme et de bien-être en zone industrielle et surtout la nuisance sonore (pompe haute pression).

Le Pr Ahmed Kerfouf révèle dans son étude l’impact sur l’écosystème marin, la destruction d’organismes marins par la prise d’eau et la pollution du milieu marin par le rejet de saumure. Il explique, en effet, la forte salinité pouvant atteindre 70 g/l, les substances chimiques résiduaires de la phase de prétraitement, les métaux lourds dus à la corrosion, les agents chimiques utilisés pour le nettoyage des équipements et en fin la concentration des autres constituants de l’eau de mer. Tout cela peut engendrer selon, la sensibilité biologique de l’habitat marin.

Mesures ?

Quelles Mesures prendre et quels moyens de réduction de l’impact ? Il faut, toujours selon le Pr Kerfouf, d’abord éviter l’utilisation des sites à valeur récréative et d’éviter aussi la destruction d’organismes marins et diminuer l’utilisation de produits chimiques. Le professeur au département de sciences de la nature et de la vie préconise d’étudier la possibilité d’élimination des éléments polluants avant le rejet de saumure.

Il préconise la dilution avec de l’eau de mer. «Habituellement, le rejet des saumures résultant du dessalement de l’eau marine s’effectue dans la mer, soit directement près de la côte, soit au moyen d’un émissaire sous-marin», dit-il.

Existe-t-il un risque réel ? Le Pr Tarik Hartani n’est plutôt pas pessimiste puisqu’il explique que le déversement de la saumure ne modifiera pas le bilan global de la planète et ne présente pas un risque majeur. «A l’échelle locale, il est souhaitable d’éloigner la zone de rejet à au moins 1 km du rivage et d’équiper la conduite de diffuseurs pour éviter une concentration localisée des sels minéraux, une turbidité ou une température localement élevée», explique-t-il encore.

Il faut savoir que le dessalement en Algérie est en plein essor avec une production avoisinant les 2 millions mètres cubes par jour actuellement. Il se trouve que quasiment toutes les stations de la plus petite à la plus grande fonctionnent toutes avec la technique d’osmose inverse (Arzew, Skikda, Macta, Mostaganem, etc .). Cette technique est coûteuse pour le pays, selon le Pr Hartani, car elle nécessite l’importation de nombreux modules variant entre 300 / 400 US $ même si le coût de l’énergie peut être amorti par l’Etat.

Des pays, comme le Koweit, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, ont opté pour la technique de distillation depuis la fin des années 1970. Cela crée moins de dépendance par rapport à l’importation des pièces de rechange, de l’avis du même spécialiste. «Cette méthode de dessalement différente mérite d’être introduite à mon avis tout en accordant une attention particulière au coût global des projets et à l’impact environnemental. L’Espagne, Chypre et d’autres pays de l’Est méditerranéen ont développé une expertise dans la gestion des conséquences éventuelles du dessalement de l’eau de mer. Plus particulièrement, le fonctionnement des stations de dessalement à osmose inverse nécessitant la combustion de gaz pour produire l’énergie est rigoureusement encadré par une législation spécifique tendant à protéger l’environnement», conclut le pr Tarik Hartani. 

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