En raison des problèmes inextricables qui se sont posés à eux, beaucoup d’investisseurs ont été obligés de quitter Tizi Ouzou. Il y a ceux qui ont installé leur matériel, mais au bout de 4 à 5 ans de retard pour entamer le travail, ils ont fini par faire le constat de vétusté de leurs machines, dépassées par le temps et partir. La viabilisation a commencé en 2015, mais elle a été bloquée par des oppositions des riverains qui revendiquent des terrains attribués en cession.
«On a des difficultés à gérer cette zone d’activités car on n’arrive même pas à retrouver les propriétaires authentiques et les exploitants. La zone de Tala Athmane n’est pas clôturée et elle n’a même pas de portail. On ne peut pas assurer le gardiennage. L’eau, le gaz et l’électricité et le permis de construire relèvent des services concernés.
Il y a un projet de la DUC qui va réhabiliter le réseau d’assainissement. Notre direction générale nous a débloqué 30 milliards de centimes injectés dans les zones (routes, éclairage et quelques travaux de réhabilitation», nous a déclaré Rabah Yermèche, directeur de l’antenne locale de Divindus. Selon le même responsable, l’APC a fait des délibérations et attribué des décisions dès le début des années 1980.
Des attributions et des cessions formalisées avec les services des Domaines, mais il y a des terrains nus jusqu’à présent. Sur les 98 ha, à peine un tiers seulement de cette superficie est exploité (projets opérationnels). Il y a des terrains vendus trois à quatre fois. Pis encore, sur le problème du foncier, aucun document n’est conforme, a-t-il affirmé. Les délibérations de l’APC introuvables dans le cadastre, ni dans le listing de l’agence foncière.
Les actes aussi. Des lots ont même disparu, indique notre source. «Malgré le fait que le terrain est destiné à l’activité industrielle, il y a un cahier des charges à respecter alors qu’il y a transfert de terrains vers d’autres activités qui ne figurent pas dans la nomenclature de la direction de l’industrie», souligne-t-il. «On ne peut pas travailler dans des conditions pareilles», avoue-t-il.
L’urgence d’assainir le foncier est une nécessité absolue pour permettre à l’activité économique de connaître sa mue dans la wilaya de Tizi Ouzou où l’investissement patauge dans une situation de confusion indescriptible. L’assainissement du foncier passe nécessairement par un état des lieux des Domaines, de la Direction de l’industrie et des mines, ainsi que l’agence foncière pour mettre fin à la confusion.
D’ailleurs, des investisseurs n’arrivent pas à implanter leurs projets et d’autres voulant faire l’extension pour développer leurs entreprise sont bloqués. Samir Chenane, un jeune opérateur économique dans les produits alimentaires qui emploie 15 personnes, veut élargir son activité pour créer des postes pour 25 salariés supplémentaires, mais il bute sur des problèmes liés à l’absence du foncier. En dehors de la commune du chef-lieu de wilaya, l’activité industrielle est au point mort.
Notons qu’il y a 18 zones à Tizi Ouzou, dont 13 et la zone industrielle de Oued Aïssi sont gérées par l’unité de gestion des zones industrielles (Divindus), alors que d’autres sont confiées à l’agence foncière. Moult entraves freinent de manière constante l’investissement, surtout dans les régions rurales où le relief est accidenté.
Les zones d’activité de Boghni, Draâ El Mizan (sans permis de lotir), Tizi Gheniff, Souk El Djemaâ (Aïn El Hammam), Aboudid (Larbaâ Nath Irathen), Mekla, Fréha, Azazga, Azeffoun, Boudjima sont jusque-là restées en jachère. Celles de Makouda, Tigzirt, Tadmaït et la mi-zone de Fréha sont également dépourvues de commodités tant les communes en question ne disposent aucunement de capacités techniques pour développer l’industrie.
Il y a des zones où il n’y a pas de minimum de viabilisation comme Azazga, Boudjima, Tizi Gheniff. «L’ancienne zone industrielle de Draâ El Mizan (Tizi Ouzou) se trouve dans un état lamentable. En plus de l’absence de l’aménagement, le foncier industriel octroyé à certains opérateurs depuis plusieurs années n’est pas encore exploité», nous a-t-on informé.
Il y a moins de 40 projets opérationnels sur les 600 implantés dans les zones d’activité de la wilaya de Tizi Ouzou, précisent nos sources. Et pour cause, des concessions antérieures ont été données, mais les lots demeurent inexploités et des oppositions ont vu le jour. L’anarchie est totale : les expropriés ne sont pas indemnisés et des terrains attribués non actés. L’état du foncier industriel dans la région est un véritable écueil pour l’investissement.
D’ailleurs, plus de 1000 dossiers de création d’entreprises sont en attente à cause des blocages liés au manque d’assiettes de terrain alors que des lots destinés à l’investissement sont détournés de leur vocation ou carrément loués par leurs bénéficiaires. «Certains sont même transformés en promotions immobilière sans que les responsables concernés ne diligentent la moindre enquête pour démasquer les auteurs de ces actes. Il y a aussi des personnes qui ont bénéficié de terrains alors qu’ils n’ont aucun lien avec l’industrie.
Du temps de la ‘‘bahbouha’’ (l’aisance financière), il y a ceux qui ont profité surtout de leur proximité avec les gens du système dont certains sont actuellement en prison ou bien poursuivis en justice. Le secteur de l’industrie a profité aux amis et aux copains et aux amis des copains», dénonce un jeune promoteur qui a dû laisser tomber un projet qu’il devait monter il y a huit ans.
«Les démarches administratives en Algérie relèvent d’un parcours du combattant. La bureaucratie fait fuir les investisseurs. On parle même des passe-droits et du favoritisme alors qu’ailleurs on facilite toujours la tâche à celui qui crée de la richesse. A Tizi Ouzou, les blocages sont multiples et l’environnement est répugnant.
On a cru à un changement, mais on voit que les mêmes têtes reviennent toujours au galop», fulmine notre interlocuteur. Nous apprenons que le wali a installé une commission chargée de l’assainissement des zones d’activité et de la levée des contraintes. Cette cellule est composée de représentants des différents secteurs concernés et du président de la Chambre de l’industrie, Lakhdar Madjene.
Confusion liée à l’identification de la propriété juridique
Il ressort que toutes ces zones nécessitent d’être viabilisées et réhabilitées. C’est ce qu’a d’ailleurs préconisé Mohamed Achir, docteur en sciences économiques et maître de conférences à l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. «Les problèmes des zones d’activité sont liés, avant tout, à la violation récurrente des instruments qui sont censés organiser le foncier en général dans notre pays (foncier domanial, privé, urbain, agricole, touristique…etc).
Il est fondamental d’assainir tout le foncier et le gérer à travers des mécanismes transparents et dans le cadre des instruments d’urbanisme et d’aménagement du territoire de chaque wilaya et commune. Autrement dit, les zones d’activité doivent respecter le plan d’aménagement de la wilaya et l’orientation des vocations de développement local», a-t-il expliqué.
Le même universitaire ajoute, en outre, que «même les fractions des lots ou les concessions doivent répondre à une stratégie d’industrialisation et de remontée des filières de façon à créer une compétitivité territoriale et un écosystème intégré de PME. Il faut surtout retenir une certaine confusion liée à l’identification de la propriété juridique de certaines zones d’activité et le problème de transfert de cette propriété aux organismes gestionnaires des zones.
Divindus, par exemple, n’est pas propriétaire réel des zones, les actifs fonciers chevauchent, donc, entre plusieurs intervenants comme les Domaines, l’agence foncière, les communes, l’urbanisme, l’agriculture. Il est important de réhabiliter le rôle fondamental de la direction de l’urbanisme.
Pour cette raison, on retrouve énormément de problèmes d’aménagement dans les zones et dont certaines sont carrément abandonnées ou très mal aménagées», plaide-t-il tout en précisant que les organismes gestionnaires des zones comme Divindus ne peuvent même pas recouvrer les taxes de gestion des zones.
«Enormément d’entreprises ne paient pas étant donné que la situation des zones est catastrophique. Il faut souligner aussi que la confusion dans la propriété réelle des zones ne donne pas la force juridique à ses organismes de gestion des zones. Je pense que le régime de la concession doit être partiellement remplacé par la location des hangars construits pour accueillir des activités industrielles. Les communes doivent les aménager et auront des revenus permanents avec cette formule de location.
Celle-ci va décourager les spéculateurs sur le foncier et même ceux qui détournent l’activité initialement envisagée et profitent de l’actuelle situation d’anarchie», nous a également souligné le Dr Achir.
Par ailleurs, au niveau de la zone industrielle de Oued Aïssi, la seule dont dispose la wilaya de Tizi Ouzou, il y a aussi des contraintes qui freinent l’implantation de certains projets.
Il y a une partie de la superficie de l’Eniem qui est répartie en 12 lots attribués à des investisseurs mais bloqués par des riverains en raison du problème d’expropriation. La wilaya de Tizi Ouzou accuse un retard important en matière d’investissement à cause d’une multitude de problèmes.