Neuf pays occidentaux ont annoncé leur décision de geler leur contribution au financement de l’UNRWA. L’agence onusienne est accusée d’employer des personnes pro-Hamas. Les pertes financières causées par le retrait de gros donateurs comme les Etats-Unis et l’Allemagne ne feront qu’aggraver la détresse des deux millions de Palestiniens qui dépendent de l’Unrwa.
Alors que la Bande de Ghaza subit un véritable déluge de feu depuis 115 jours, une campagne militaire d’une extrême brutalité qui a fait en tout, selon un dernier bilan, 26 422 morts et 65 087 blessés, une autre épreuve vient accabler cette enclave martyrisée. L’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, est accusée par Israël de compter parmi ses employés des complices de l’opération «Toufane Al Aqsa» (Déluge d’Al Aqsa) du 7 octobre.
Plusieurs pays occidentaux ont dès lors décidé de suspendre leur financement de l’Unrwa, ce qui a pour conséquence de réduire l’action de l’opérateur humanitaire historique en Palestine et donc d’aggraver l’insoutenable précarité d’une population qui ne tenait déjà plus qu’à un fil.
Tout a commencé vendredi, quand l’Unrwa a fait part de sa décision de se séparer de quelques-uns de ses employés, soupçonnés d’être proches du Hamas. «Les autorités israéliennes ont fourni à l’Unrwa des informations sur l’implication supposée de plusieurs de ses employés dans l’attaque», explique le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, via un communiqué.
«Pour protéger les capacités de l’agence à délivrer de l’aide humanitaire, j’ai décidé de résilier immédiatement les contrats de ces membres du personnel et d’ouvrir une enquête afin que la vérité soit établie sans délai» a-t-il précisé.
Israël, qui n’a jamais raté une occasion pour attaquer l’Unrwa et les autres agences de l’ONU, les accusant de «collusion» avec la résistance palestinienne, et allant jusqu’à pilonner des abris de l’agence humanitaire, comme cela s’est produit mercredi dernier à Khan Younès, a clairement fait part de sa détermination à «en finir» avec l’Unrwa.
Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, promet que celle-ci «ne fera pas partie de la solution» après la guerre, rapporte l’AFP. Le chef de l’opposition israélienne Yair Lapid a appelé à lui trouver une «alternative» qui «n’éduquera pas des générations de Palestiniens à la haine». Les Etats-Unis n’ont pas tardé à réagir en déclarant qu’ils suspendaient «temporairement» tout «financement additionnel à l’agence».
L’administration américaine s’est dite «extrêmement préoccupée par les accusations selon lesquelles 12 employés de l’Unrwa pourraient avoir été impliqués dans l’attaque», selon les propos du porte-parole du département d’Etat Matthew Miller. Blinken s’est immédiatement entretenu avec Antonio Guterres en le pressant d’ouvrir une «enquête rapide et approfondie sur cette question».
Et comme nous le disions, plusieurs capitales occidentales ont emboîté le pas à Washington en annonçant qu’elles coupaient les vivres à l’Unrwa : le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada, l’Australie, l’Italie, la Finlande et les Pays-Bas.
A son tour, la France qui a jugé ces accusations d’une «exceptionnelle gravité» a fait savoir qu’elle suspendrait son aide au premier semestre 2024. «La France n’a pas prévu de nouveau versement au premier semestre 2024 et décidera le moment venu de la conduite à tenir en lien avec les Nations unies et les principaux donateurs», a indiqué hier un communiqué du Quai d’Orsay.
«Une punition collective supplémentaire»
Philippe Lazzarini a profondément regretté ces retraits en cascade : «L’aide vitale de l’Unrwa est sur le point de prendre fin suite aux décisions des pays de réduire leur financement à l’Agence. Notre opération humanitaire, dont dépendent 2 millions de personnes comme bouée de sauvetage à Ghaza, s’effondre. Je suis choqué que de telles décisions soient prises sur la base du comportement présumé de quelques individus tandis que, à mesure que la guerre se poursuit, les besoins s’aggravent et la famine menace.
Les Palestiniens de Ghaza n’avaient pas besoin de cette punition collective supplémentaire», s’est-il exprimé samedi sur le réseau X. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a appelé pour sa part hier les pays donateurs qui ont gelé leur contribution à ne pas entraver la poursuite de l’action de l’Unrwa.
«Deux millions de civils à Ghaza dépendent de l’aide critique de l’Unrwa pour leur survie au quotidien. Mais le financement actuel ne lui permettra pas de répondre à tous les besoins en février», a-t-il plaidé, avant d’ajouter : «J’exhorte vivement les gouvernements qui ont suspendu leur contribution à au moins garantir la continuité des opérations de l’Unrwa.»
Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les Territoires palestiniens occupés, pointe le timing de ces attaques contre l’Unrwa, et qui interviennent, note-t-elle, le même jour que la décision de la CIJ contre Israël.
«Au lendemain de l’ordonnance de la Cour internationale de justice selon laquelle Israël commet un génocide à Ghaza, des pays ont décidé d’arrêter leur financement de l’Unrwa, ce qui conduit à une punition collective à l’encontre de millions de Palestiniens dans un moment crucial», estime la juriste italienne.
Nicola Perugini, professeur à l’université d’Edimbourg spécialiste du droit international et fin connaisseur de la question palestinienne, commente sur le réseau X : «La tentative de fermer l’Unrwa est clairement une tentative de détourner l’attention de la décision de la CIJ qui parle de génocide. Mais ce que révèle finalement la volonté d’Israël de détruire l’Unrwa est précisément une intention génocidaire.» Le chercheur en est persuadé : le dessein inavoué d’Israël en voulant chasser l’Unrwa du territoire palestinien est «d’intensifier la famine à Ghaza».
Côté palestinien, l’entourage de Mahmoud Abbas a vivement déploré la campagne de dénigrement menée de longue date par Israël contre l’Unrwa.
La présidence palestinienne, rapporte l’agence Wafa, voit dans cette affaire une manœuvre visant à «liquider la cause des réfugiés palestiniens».
Et cela, relève la même institution, est en «contradiction avec la résolution n°302 des Nations unies qui a présidé à la création de l’Unrwa le 18 décembre 1949 et les autres résolutions de l’ONU concernant l’ensemble des réfugiés». Et d’insister sur le fait qu’«il n’y aura aucun règlement de la question palestinienne sans le retour des réfugiés conformément à la résolution 194».
La Norvège va continuer à financer l’Unrwa
La Norvège, l’un des grands donateurs de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), va maintenir son financement en dépit des soupçons d’implication de certains des employés dans l’attaque de Hamas, a-t-elle annoncé hier. «La Norvège a décidé de poursuivre son financement», a annoncé son ministre des Affaires étrangères, Espen Barth Eide, dans un communiqué repris par l’AFP.
«Si je partage l’inquiétude suscitée par les allégations très graves concernant certains membres du personnel de l’Unrwa, j’invite instamment les autres donateurs à réfléchir aux conséquences plus larges d’une réduction du financement de l’Unrwa en cette période de détresse humanitaire extrême», a-t-il ajouté. «Nous ne devrions pas punir collectivement des millions de personnes», a poursuivi le ministre.
Israël a accusé vendredi plusieurs employés de l’Unrwa d’avoir participé à l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël. Les Etats-Unis ont immédiatement réagi en annonçant qu’ils cessaient leur financement à l’agence onusienne, et ont été suivis ensuite par un certain nombre de pays, dont l’Allemagne, l’Australie, l’Italie, la Finlande et le Royaume-Uni.
L’Unrwa de son côté a réagi aux accusations israéliennes en renvoyant les personnes mises en cause et en promettant une enquête approfondie et, si cette participation était prouvée, des poursuites judiciaires, mais Israël a malgré tout annoncé sa décision d’interdire à l’agence de continuer de travailler à Ghaza après la guerre.
«Nous devons faire la distinction entre ce que des individus ont pu faire et ce que l’Unrwa représente», a souligné le chef de la diplomatie norvégienne. «La population de Ghaza a un besoin urgent d’aide humanitaire et ne doit pas payer le prix des actions d’autrui», a-t-il ajouté.