La Conférence internationale sur la migration et le développement tenue avant-hier à Rome, la capitale italienne, lance-t-elle vraiment les bases d’une réelle coopération sur le phénomène migratoire ?
Il faudra du temps pour le savoir, mais d’ores et déjà l’architecte de cette rencontre, la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a arraché le principe d’un fonds commun dédié à financer des opérations policières de contrôle aux frontières et des programmes de développement dans les pays de départs des migrants clandestins. Une sorte de vente concomitante qui risque de ne pas emballer grand monde au sud de la Méditerranée, même si la Tunisie de Kaïs Saïed, sous le poids des contraintes économiques et de la pression sécuritaire des flux, a déjà fait le pas.
A l’issue de la conférence, à laquelle ont pris part une vingtaine de pays du pourtour méditerranéen, des représentants des monarchies du Golfe, de l’Union européenne et des responsables d’institutions financières, il a été également annoncé l’organisation prochaine d’une conférence de donateurs devant alimenter le fonds créé.
Les Emirats arabes unis, pays représenté à l’occasion par son président et non moins émir d’Abu Dhabi, Mohammed Ben Zayed, ont tenu à être les premiers contributeurs. Ils annoncent un apport généreux de 100 millions d’euros. Pas du tout loin des 105 millions d’euros mobilisés par l’Union européenne dans le cadre de l’«accord stratégique» signé le 16 juillet dernier à Tunis.
Giorgia Meloni, encore elle, était de la cérémonie de signature. «Le protocole d’accord marque une nouvelle étape importante pour traiter la crise migratoire de façon intégrée (…). Il peut être considéré comme un modèle pour l’établissement de nouvelles relations avec l’Afrique du Nord», s’était réjouie la Première ministre italienne. L’accord consiste en gros à empêcher les départs de bateaux de migrants à partir des côtes tunisiennes, lutter contre les passeurs, ainsi que plus de retours de Tunisiens en situation irrégulière sur le sol européen.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est plus diplomate. Elle s’est félicitée d’une démarche qui promeut «la prospérité partagée», autour de «la stabilité macroéconomique, le commerce et les investissements, la transition énergétique verte, le rapprochement entre les peuples, la migration et la mobilité».
L’idée du gouvernement italien, que la pression migratoire sur le pays place malgré lui comme le leader de la riposte européenne au phénomène, est d’élargir ce type d’accord à d’autres pays d’Afrique du Nord. Sauf que les conditions économiques et politiques au sud de la Méditerranée diffèrent d’un pays à un autre et qu’elles ne sont pas en tout cas aussi aiguës qu’en Tunisie.
L’autre défi consiste en la mise en place de ces instruments de développement promis en direction des pays de l’Afrique subsaharienne, principale pourvoyeuse de flux migratoires. La sincérité des dirigeants européens, ceux de l’Italie surtout, est mise ainsi à l’épreuve quant à la volonté de concrétiser réellement le segment «développement», à terme raisonnable, associé à la nouvelle vision préconisée. «Lutte contre l'immigration illégale, gestion des flux légaux d'immigration, soutien aux réfugiés, et surtout, la chose la plus importante, sinon tout ce que nous ferons sera insuffisant, une large coopération pour soutenir le développement de l'Afrique, et particulièrement des pays de provenance des migrants.»
Ces mots de Giorgia Meloni, à l’ouverture de la conférence de Rome, laissent espérer qu’on a tiré les leçons et qu’on est prêts à aller au-delà des solutions «sécuritaires» jusqu’ici appliquées. Les «lignes de financement prioritaires doivent avant tout concerner les investissements stratégiques et les infrastructures, car c'est la manière la plus pérenne de faire de la coopération», a-t-elle par ailleurs renchéri, plaidant pour un dialogue d’«égal à égal» avec les pays du Sud. Les pays africains ne demandent pas plus et attendent de voir.