Des affrontements sanglants ont fait plus de 1000 morts dont 830 civils : Violences de masse contre les Alaouites en Syrie

10/03/2025 mis à jour: 04:42
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Photo : D. R.

D’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), le bilan des pertes humaines (dans la région alaouite) s’élevait, hier, à 1311 morts répartis comme suit : 830 civils tués de sang-froid dans des massacres sectaires ; 481 membres de la sécurité publique.

Depuis jeudi dernier, des affrontements d’une violence inouïe opposent dans les régions alaouites, sur le littoral ouest de la Syrie, les forces de sécurité syriennes mises en place par les nouvelles autorités du pays et des milices «loyalistes» fidèles à l’ancien régime. Ces affrontements armés ont conduit à des débordements et des exactions sans précédent depuis la chute de Bachar Al Assad, faisant des centaines de morts, principalement des civils alaouites.

Il se trouve, en effet, que cette zone côtière qui donne sur la Méditerranée où sont concentrés les combats, autour de Lattaquié, Tartous ou encore Qardaha, est majoritairement occupée par la communauté alaouite dont est issu le clan Al Assad. «Une trentaine de massacres ont coûté la vie à 745 civils alaouites au cours des dernières 48 heures (de jeudi à samedi soir, ndlr)» alertait hier l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) en dénonçant un «nettoyage ethnique».

L’organisation dirigée par Rami Abdel Rahman accuse : «Ils ont commis ces crimes sur une base sectaire, et non du fait qu’il s’agit de partisans de l’ancien régime.» L’ONG indique dans la foulée qu’«un grand nombre d’Alaouites sont entrés dans la base de Hmeimim pour s’y réfugier».

De fait, des images relayées par des témoins sur les réseaux sociaux montrent des dizaines de fa-milles alaouites éparpillées sur le tarmac de l’aéroport militaire de Hmeimim où elles sont allées chercher une protection. L’aéroport situé près de Lattaquié constituait une base aérienne occupée par l’armée russe. C’est d’ailleurs depuis cette base que Bachar Al Assad avait été évacué vers Moscou le 8 décembre 2024.

«Des massacres sectaires»

Dans un article publié hier sur son site officiel, l’Observatoire syrien des droits de l’homme est revenu sur ces événements tragiques qui rappellent les jours les plus sombres de la guerre civile syrienne. «Le bilan des pertes humaines qui s’alourdit rapidement depuis l’entrée des hommes armés en soutien aux forces de sécurité et aux formations du ministère de la Défense, s’élevait samedi soir à 1018 morts répartis comme suit : 745 civils liquidés et tués de sang-froid dans des massacres sectaires  ; 125 membres de la sécurité publique, du ministère de la Défense et des forces d’appui, et 148 hommes armés partisans de l’ancien régime.»

Un bilan actualisé en milieu d’après-midi, hier, par l’OSDH rapporte : «Le nombre de civils alaouites tués dépasse les 830.» L’ONG a fait état, par ailleurs, de nombreux «appels à l’aide en provenance de différentes zones de la côte syrienne, où se poursuivent les actions de vengeance et les exécutions sommaires ciblant les civils». La même source évoque des «tirs d’obus et des combats qui font rage dans la région» ainsi que des «opérations de ratissage dans les montagnes de Baniyas et les villages de Qardaha». Selon l’AFP, «l’escalade a débuté après une attaque sanglante de fidèles d’Al Assad contre des forces de sécurité dans la ville de Jablé dans la nuit de jeudi à vendredi.

Les forces de sécurité ont envoyé le lendemain des renforts et lancé d’importantes opérations dans la région». De son côté, Al Jazeera a révélé vendredi qu’un ex-général de l’armée syrienne du nom de Ghayth Dalla, proche du clan Al Assad, a créé récemment une organisation appelée «Le Conseil militaire pour la libération de la Syrie».

L’homme serait proche de Maher Al Assad et a servi dans la 4e division de l’armée syrienne dirigée par le frère de Bachar. Il aurait obtenu le ralliement de plusieurs anciens hauts gradés de l’establishment militaire sous Bachar pour reconquérir le pouvoir. Cet homme serait en partie derrière les attaques lancées récemment contre les forces de sécurité affiliées à la nouvelle direction du pays, et qui ont provoqué ces effroyables représailles.

Al Charaa minimise les tensions communautaires

Réagissant à ces violences, le nouveau président syrien a appelé à l’unité nationale. Dans une allocution prononcée hier après l’accomplissement de la prière de l’aube depuis la mosquée Al Akram, à Damas, Ahmad Al Charaa tente de dédramatiser : «La révolution a surgi de ces mosquées, qui ont enseigné l’éthique à leurs enfants.

Il n’y a donc aucune crainte à avoir pour la Syrie», a-t-il lancé d’un ton rassurant. «Ce qui se passe dans le pays (...) ce sont des défis qui étaient prévisibles. Nous devons préserver l’unité nationale et la paix civile, et, Inch’Allah nous serons parfaitement capables de vivre ensemble dans ce pays», a-t-il souligné.

De son côté, le ministère syrien de la Défense a déclaré samedi dans un communiqué que ses troupes «ont réalisé des progrès rapides sur le terrain, rétablissant le contrôle sur les zones qui ont été le théâtre d’attaques perfides contre le personnel de la sécurité publique». «Les opérations se poursuivent conformément au plan (de rétablissement de l’ordre) et il n’y a pas lieu de s’inquiéter», ajoute le communiqué.

Le ministère syrien de la Défense a mis en garde contre toute violation de la loi dans le cadre de ces opérations. «Il est strictement interdit de s’approcher d’une maison ou d’attaquer quelqu’un à l’intérieur de son domicile», avertit l’état-major de l’armée syrienne.

La même autorité a annoncé par ailleurs qu’elle «procédera à l’évacuation de la zone des personnes étrangères aux opérations, et tout contrevenant à ces instructions sera déféré devant la justice sans aucune indulgence». «Quiconque refuse de remettre ses armes à l’Etat s’exposera à une réponse intransigeante», a encore prévenu l’armée syrienne.

Les messages des nouvelles autorités syriennes, qui sont censés rassurer l’opinion nationale et internationale sur ce qui se passe dans les régions alaouites, ont manifestement du mal à passer à voir les réactions outrées, à la fois des citoyens syriens et des capitales occidentales. Washington a appelé les autorités syriennes à «poursuivre les auteurs des massacres», indique l’AFP.

Berlin a qualifié les informations en provenance de Syrie de «choquantes» en exhortant la nouvelle administration à mettre un terme à ces violences. «Le gouvernement de transition a la responsabilité d’empêcher de nouvelles attaques, d’enquêter et de demander des comptes aux responsables», a réagi hier le ministère allemand des Affaires étrangères dans un communiqué.

L’ONU a également lancé un appel à la retenue. «Les tueries de civils dans les zones côtières du nord-ouest de la Syrie doivent cesser, immédiatement», a déclaré Volker Türk, haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme dans un communiqué.

Damas : les forces de sécurité dispersent un sit-in

Les forces de sécurité syriennes ont dispersé un sit-in à Damas organisé hier par des militants de la société civile pour protester contre les tueries visant des civils alaouites dans l’ouest du pays, après l’irruption d’une contre-manifestation. Des militants avaient appelé sur les réseaux sociaux à un sit-in dans le centre de Damas «pour les victimes civiles et les martyrs des forces de sécurité».

«Tenez les criminels responsables», pouvait-on lire sur l’une des pancartes brandies par les manifestants, selon des journalistes de l’AFP. En face, un groupe de manifestants a scandé des slogans hostiles à la communauté alaouite et réclamé l’instauration d’un «Etat sunnite».

Les tensions ont dégénéré en affrontements entre les deux groupes, avant que les forces de sécurité ne les dispersent en tirant en l’air. «Nous avons été massacrés pendant 14 ans, nous n’avons pas entendu votre voix et vous ne vous êtes pas insurgés pour nous», a lancé un participant à la contre-manifestation.

Dans l’autre camp, une femme lui a rétorqué: «Vous n’avez pas de comptes à régler avec nous, vos comptes sont avec Assad, et nous n’avons rien à voir avec ses crimes.» «Nous sommes venus à ce sit-in en signe de deuil pour les martyrs des forces de sécurité, de l’armée et des civils récemment tués sur la côte», a déclaré Bilal Abdallah, un employé des ressources humaines dans une entreprise privée, âgé de 37 ans.

L’escalade a débuté après une attaque sanglante des hommes fidèles à Bachar al-Assad contre des forces de sécurité dans la ville côtière de Jablé, près de Lattaquié, dans la nuit de jeudi à vendre-di, selon les autorités. Les autorités syriennes ont envoyé des renforts dans la région côtière, où vit la minorité alaouite dont est issu Bachar al-Assad.

L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a fait état hier de 830 civils alaouites tués depuis jeudi par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés, au cours de combats avec des fidèles du président déchu Bachar al-Assad dans l’ouest du pays. Cela porte le bilan des violences à plus de 1.311 morts, dont 481 membres des forces de sécurité et des combattants loyaux au clan Assad, selon la même source. 

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