Dernier des 30 Algériens détenus à Guantanamo transférés : Saïd Bakhouche condamné à 3 ans de réclusion criminelle

14/05/2024 mis à jour: 03:04
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Dernier des 30 Algériens détenus à la station navale américaine de Guantanamo, Saïd Bakhouche a été condamné tard dans la journée de dimanche à une peine de 3 ans de réclusion criminelle pour «appartenance à une organisation terroriste activant à l’étranger».

Une barbe bien blanche, un bonnet couvrant la tête et tiré à quatre épingles, Saïd Bakhouche était seul, en ce début de la journée de dimanche dernier,  assis à la deuxième rangée des bancs de la salle 1 du tribunal criminel de Dar El Beïda  où devait se tenir son procès, pour «appartenance à une organisation terroriste activant à l’étranger».

Arrêté au Pakistan, en 2002, puis livré aux autorités américaines qui l’ont placé en détention à Guantanamo, pendant 21 ans sans inculpation ni procès, durant lesquels il a fait l’objet de mauvais traitement et de torture qui lui ont causé, selon le dossier judiciaire, de graves séquelles post-traumatiques.

Des séquelles qui ont poussé les autorités américaines à le renvoyer vers l’Algérie, le 23 d’avril 2023, dans un avion spécial de l’armée américaine, ayant atterri à l’aéroport militaire de Boufarik, à Blida. Saïd Bakhouche est le dernier de la liste des 30 Algériens détenus à Guantanamo à avoir été remis aux autorités algériennes.

Les faits qui lui sont reprochés sont liés, selon l’acte d’accusation, à ses séjours, de 1994 jusqu’à son arrestation en 2002, au Pakistan,  en Tunisie,  Libye, au Soudan, et ses cinq années en Afghanistan. Sa première escale a été la Tunisie, alors qu’il avait à peine 20 ans, d’où, toujours selon l’acte d’accusation, il rejoint Tripoli avec un Tunisien où il rencontre un groupe d’étudiants militants d’Ennahda (tous des Tunisiens), qui lui ont parlé de leurs études au Soudan. Six mois après, il se dirige par route, au Soudan, avec un groupe d’étudiants maghrébins de l’Université africaine de Khartoum.

Durant les six mois qu’il a passés au Soudan où, quelque temps après, il est recruté dans une des sociétés d’Oussama Ben Laden, «Al Oued Al Moubarek», comme chef des achats agricoles, à l’est du Soudan, et ce durant deux ans, avant d’aller, en 1997, en Afghanistan, avec un passeport yéménite en compagnie d’un Tunisien.

Les deux font escale à Islamabad, avant de rejoindre Peshawar, où ils sont pris en charge par un groupe pour rejoindre le camp d’entraînement à Khalden. Ils traversent la frontière pakistano-afghane et rejoignent la capitale Kaboul, avant d’arriver à Khost. Selon l’acte d’accusation, ce périple dans les camps d’entraînement avec une dizaine d’Algériens venus de Grande-Bretagne, d’Allemagne et de Belgique et les combats contre l’alliance du Nord  dirigée par Ahmed chah Messoud, puis son passage, en 2000,  à Kaboul pour son voyage avorté en Tchétchénie, avant son retour à Khoste, les bombardements américains contre les campements des Talibans et des combattants arabes, en 2002, son retour au Pakistan et son arrestation par les services pakistanais constituent le principal récit de l’acte d’accusation que Bakhouche, natif de Babar, à Khenchela, rejette catégoriquement. «Je suis parti en Tunisie puis en Libye pour trouver du travail.

Puis, je me suis rendu au Soudan où j’ai travaillé dans une société agricole durant deux ans, avant d’aller au Pakistan… », dit-il. La juge : «Dans vos déclarations au juge, vous aviez affirmé avoir rencontré Ben Laden. Le confirmez-vous ?» L’accusé : «Je ne l’ai vu qu’une seule fois, il était venu avec une délégation gouvernementale avec de nombreux ministres.»

La juge : «Vous aviez déclaré avoir rejoint Al Qaïda en 1995 puis vous avez été au Pakistan pour rejoindre les camps d’entraînement situés en Afghanistan. Le confirmez-vous ?» L’accusé : «Ce n’est pas ce que j’avais dit. Il n’y avait pour moi que le Pakistan et l’Inde où je pouvais aller sans les tracasseries de visas». La juge : «Est-ce pour vous entraîner ?». L’accusé : «Je n’ai jamais dit cela.» La juge : «Ce sont vos propres déclarations devant le juge.» L’accusé : «Le seul entraînement que j’ai fait, c’était durant mon service militaire dans l’armée algérienne.» La juge : «Parlez-nous de ce Palestinien qui vous a entraîné aux explosifs.» 

Peine maximale

L’accusé : «Je ne faisais que dire oui à chaque question que le juge me posait. J’avais peur des éléments des services de sécurité qui m’avaient interrogé à Blida.» La juge : «Voulez-vous dire que toutes ces informations très précises et chronologiques étaient inventées ? N’avez-vous  pas rencontré Ben Laden, Al Zawahri, Mohamed Salah du groupe islamique égyptien.

Ce sont vos propos devant le juge d’instruction du pôle anti -terroriste à Sidi M’hamed.» L’accusé : «J’avais très peur. Je ne faisais que confirmer. Je n’ai pas lu le procès- verbal.» Interrogé sur ses séjours dans les pays par où il est passé, il répondra : «Je suis resté 5 ans en Afghanistan, un mois au Pakistan et deux ans au Soudan.» Sur le nommé Haidara, le Palestinien, qui selon l’acte d’accusation, l’aurait entraîné sur les explosifs, Bakhouche se montre formel : «Ce sont les éléments de la Police judiciaire à Blida qui ont mis son nom. Je n’ai fait que valider. Je ne le connais pas», souligne t-il.

Lors de son réquisitoire, le procureur général a parlé d’un «procès équitable où l’accusé est assisté par ses avocats» mais aussi «d’une affaire d’appartenance à une organisation terroriste classée en tant que telle par les organismes onusiens» , avant de revenir sur les «déplacements d’un pays à un autre» de l’accusé «sous prétexte qu’il cherchait du travail», avant de réclamer «la peine maximale».

Composé de trois avocats, maîtres Boumerdassi, Felah et Medris, la défense de l’accusé a insisté sur les souffrances de ce dernier, durant 21 ans de détention,  sans aucune inculpation ou procès à Guantanamo. «S’il avait l’intention de faire le djihad, il l’aurait fait en Algérie qui en était le terreau à cette époque», déclare Me Felah.

Les magistrats se retirent pour délibérer et au bout d’une heure trente minutes, ils reviennent. Unanimement, les magistrats ont reconnu l’accusé coupable du crime «d’appartenance à une organisation terroriste qui active à l’étranger», mais lui ont accordé «les circonstances atténuantes», avant de lui infliger une peine de trois ans de réclusion. Visiblement surpris, Bakhouche, est tout de suite pris en charge par les policiers pour être placé en détention.  Il a dix jours pour faire appel de la décision.
 

 

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