Recrudescence des tentatives de départ des Subsahariens de Tunisie ; interception de trois mille immigrants irréguliers par les garde-côtes tunisiens ayant bloqué 79 tentatives du 24 au 26 mars ; problème inquiétant pour la Tunisie et l’Europe, notamment l’Italie.
Neuf Tunisiens parmi les 2982 migrants clandestins interceptés par la garde maritime tunisienne en 72 heures traduisant la recrudescence du départ des Subsahariens de Tunisie ; les mauvaises langues suspectent l’encouragement de cette vague par les autorités tunisiennes. L’interception ne concerne en moyenne que la moitié des tentatives.
C’est ce qui explique l’inquiétude du gouvernement italien qui ne cesse de faire pression pour aider la Tunisie à maîtriser l’immigration clandestine des Subsahariens vers l’Italie. Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré avant-hier 25 mars 2023 à l’Agence Reuters que «la Tunisie a urgemment besoin de soutien. On n’a plus de temps à perdre».
Tajani s’est entretenu à ce sujet avec la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, et l’a exhortée à faire preuve de souplesse afin d’éviter un éventuel effondrement financier de ce pays d’Afrique du Nord. «J’ai insisté sur la nécessité pour le Fonds d’intervenir rapidement en faveur de la stabilisation et de la croissance de la Tunisie, en lui apportant le soutien économique et financier requis», a-t-il déclaré.
Pour le ministre italien, «il est nécessaire de pousser la Tunisie à entreprendre des réformes, en lui accordant immédiatement 300 millions d’euros. Une autre tranche de 300 millions d’euros devrait être programmée avec l’avancement des réformes, avant de lui accorder une 3e tranche de 300 millions d’euros, pour accompagner les réformes».
Par ailleurs, en marge du sommet européen d’avant-hier, 24 mars 2023, le président français Emmanuel Macron a évoqué la situation en Tunisie, jugée «très préoccupante», en l’absence d’accord avec le Fonds monétaire international. Macron a fait part de «la volonté d’agir ensemble pour aider la Tunisie à retrouver sa stabilité en parvenant à un accord avec le FMI et engager des voies de coopération pour contrôler l’émigration à travers la Tunisie».
Par ailleurs, le Président Macron a confié qu’il a abordé le dossier de la Tunisie avec la présidente du Conseil des ministres d’Italie, Giorgia Meloni, au cours d’une réunion bilatérale. Meloni avait insisté sur «la nécessité de soutenir la stabilité en Tunisie devant la crise financière que traverse le pays et qui pourrait mener vers une énorme vague migratoire».
La Tunisie à l’œuvre
Il est devenu clair que la passivité de la Tunisie dans le cadre de ses négociations avec le FMI ne serait pas anodine. «La Tunisie veut faire comprendre à l’institution de Bretton Woods qu’elle n’est pas l’unique bénéficiaire d’un éventuel accord avec le FMI», selon le politologue Hamza Meddeb, spécialiste des relations entre la Tunisie et les institutions financières internationales. «L’Europe éviterait alors une vague de migrants clandestins, en aidant à la stabilité en Tunisie», a-t-il ajouté.
Par ailleurs, des sources proches du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) s’interrogent sur la raison du faible nombre de Tunisiens dans les embarcations bloquées par la marine. Ils ne sont que neuf Tunisiens parmi les 2982 migrants irréguliers dans les 79 embarcations bloquées en mer ces derniers jours.
Les mêmes spécialistes ne comprennent pas ce nombre réduit de Tunisiens, pourtant très portés sur le départ vers l’Europe. «Il y aurait, semble-t-il, un plan d’encouragement au départ des Subsahariens de Tunisie ; s’il y a 2982 empêchés de partir, près de 12 000 sont déjà en Italie, durant la dernière période», ajoutent-elles.
«La Tunisie serait en train de faire chanter l’Europe pour imposer son point de vue dans les négociations avec le FMI», assure l’économiste proche de l’UGTT Sami Aouadi, en attirant toutefois l’attention sur les revers d’une telle politique. Un avenir incertain.