Dénonciation par Bamako de l’Accord de paix au Mali : Alger répond aux accusations d’Assimi Goïta

27/01/2024 mis à jour: 01:45
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L’Algérie réagit à la dénonciation par les autorités de Bamako, issues du coup d’Etat de 2021, de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali. Dans un communiqué rendu public hier, le ministère algérien des Affaires étrangères (MAE) remet les pendules à l’heure en sériant les faits ayant conduit à cette décision attendue. 

Exprimant ses «regrets» et sa «profonde préoccupation» quant à cette dénonciation, dont il prend acte, le département d’Ahmed Attaf relève le caractère «particulièrement grave pour le Mali lui-même» d’une telle décision, qui risque de remettre en cause les aspirations légitimes de toute une région à la paix et à la sécurité. Affirmant l’engagement sans faille de l’Algérie en faveur de la mise en œuvre de cet Accord, «avec sincérité, bonne foi et solidarité indéfectible envers le Mali frère», le MAE considère que les «raisons invoquées» pour justifier sa dénonciation ne correspondent «ni de près ni de loin à la vérité ou à la réalité».
 

La médiation internationale contestée

La diplomatie algérienne assure que «les autorités maliennes préparaient cette décision depuis bien longtemps» en se retirant quasi totalement de la mise en œuvre de l’Accord et en refusant systématiquement «toute initiative tendant à relancer» sa mise en œuvre. 

Dans le même communiqué, le MAE relève également la contestation par les autorités de transition maliennes «de l’intégrité de la médiation internationale», leur «désignation de signataires de l’Accord, dûment reconnus, comme dirigeants terroristes», leur «demande de retrait de la Minusma» et de «l’intensification récente de leurs programmes d’armement financés par des pays tiers et leur recours à des mercenaires internationaux». 

Pour Alger, il ne fait aucun doute que «toutes ces mesures systématiquement mises en œuvre ont soigneusement préparé le terrain à l’abandon de l’option politique au profit de l’option militaire comme moyen de règlement de la crise malienne». L’Algérie considère ainsi que «l’option militaire est la première menace à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali, qu’elle porte en elle les germes d’une guerre civile au Mali, qu’elle diffère la réconciliation nationale au lieu de la rapprocher et qu’elle constitue enfin une source de menace réelle pour la paix et la stabilité régionales». 

Le MAE poursuit en affirmant que «le Mali n’a aucun besoin de solutions qui ne lui ont apporté par le passé que déchirements, destructions et désolations». «Répéter ces erreurs du passé, c’est prolonger indûment la tragédie et les malheurs pour le Mali et pour le peuple malien frère», conclut le MAE son communiqué, qui répond ainsi aux graves accusations contenues dans un virulent communiqué signé par le ministre malien de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maiga, diffusé jeudi soir. 

Le gouvernement de transition s’est vertement attaqué à l’Algérie dans ce communiqué, l’accusant d’ «actes inamicaux», de «cas d’hostilité et d’ingérence» dans les affaires intérieures du Mali. Les mêmes accusations ont été proférées dans un précédent communiqué rendu public le 20 décembre 2023 par le ministère malien des Affaires étrangères. Le régime de Bamako, issu du dernier coup de force de 2021, ne se limite pas à cela. Il ira jusqu’à accuser l’Algérie d’être «responsable» de la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel. 

«S’il est vrai que l’intervention de l’Organisation du Traité de l’Atlantique nord (OTAN) a exacerbé la menace terroriste, il n’en demeure pas moins que c’est l’installation dans le Sahara du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, puis son allégeance à Al Qaîda qui marquent l’avènement du terrorisme international dans la région», lit-on dans ce véhément communiqué, dont les rédacteurs dénoncent «une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un Etat paillasson, sur fond de mépris et de condescendance». 

Autre point à relever, c’est le fait que les autorités maliennes qualifient de «terroristes» les membres du CSP-PSD (Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement), signataire de l’Accord de paix et de réconciliation, conclu sous l’égide des Nations unies, en 2015 à Bamako. 

En réalité, depuis au moins le coup d’Etat de 2022, les autorités de transition ont tout fait pour enterrer l’Accord d’Alger. Après avoir traîné dans sa mise en œuvre, les autorités de transition ont refusé de prendre en charge la substance de cet accord dans leur projet de Constitution adopté en 2023. 
 

Retour à la case départ

L’attitude des autorités maliennes a poussé le CSP-PSD, regroupant les mouvements politico-militaires du Nord concernés par l’Accord d’Alger, à dénoncer ce projet constitutionnel dans une déclaration rendue publique le 28 mars 2023. Le CSP-PSD a déclaré à l’époque que «ledit projet n’enregistre aucune évolution particulière à la Constitution du 25 février 1992, en matière de dispositions indispensables à une concrétisation des mesures législatives et réglementaires des engagements politiques et institutionnels pris à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger». Il a affirmé ainsi «ne pas se reconnaître dans ce projet de la nouvelle Constitution en son état». Un projet constitutionnel qui a été entériné par référendum en juin de l’année dernière. 

Pour en finir définitivement avec l’Accord d’Alger, les responsables maliens ont exigé le départ de la Minusma en l’accusant d’«espionnage» et puis d’avoir échoué à contenir la menace terroriste. Une demande qui a été totalement satisfaite le 31 décembre dernier. Le CSP-PSD avait vertement critiqué le retrait de la mission de l’ONU «sans une autre alternative crédible», considérant cela comme une «menace pour la sécurité du Mali et toute la région». «Le retrait de la Minusma sera un coup fatal porté délibérément contre l’Accord pour la paix, dont la mise en œuvre est poussive depuis sa signature et dont le gouvernement malien porte l’entière responsabilité», avait averti le CSP-PSD, mettant en garde contre «les conséquences directes sur les populations déjà fragilisées par le terrorisme et le sous-développement». 

Créée en 2013 pour maintenir la paix au Mali, la mission onusienne assurait le suivi de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et veillait sur le respect du cessez-le-feu .

Et voilà qu’à peine ses premiers contingents quittent le nord du Mali que les hostilités entre les autorités de transition et les groupes politico-militaires reprennent de plus belle. Le CSP-PSD avait dénoncé, dès septembre 2023, des «violations du cessez-le feu par l’armée malienne, qui a occupé les positions de la Minusma au nord du pays», précisant n’avoir «à aucun moment demandé à la Minusma la rétrocession des emprises installées sur des zones qu’elle contrôlait au moment de son déploiement, mais de se retirer tout simplement à défaut de conclure un compromis entre les parties signataires» de l’Accord d’Alger. 

Les mouvements et les coordinations, regroupés dans le CSP-PSD avaient ainsi évoqué la «légitime défense», appelant les populations civiles à «s’éloigner au maximum des installations, mouvements et activités militaires». 
Face à cette situation tendue, le 13 décembre 2023, l’Algérie a appelé, à travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères, toutes les parties maliennes à «renouveler» leur engagement dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger «pour répondre aux aspirations légitimes de toutes les composantes du peuple malien». 

C’est dans ce cadre qu’il y a eu à Alger des rencontres avec les chefs des Mouvements signataires de l’Accord de paix. Alger avait formé le vœu que «le gouvernement malien, en droite ligne de l’expression de son attachement à la mise œuvre de cet Accord, s’associe aux efforts entrepris par l’Algérie à l’effet de lui donner un nouvel élan». 

Cela tout en restant convaincu que «la voie pacifique, à l’exclusion de toute autre, est la seule apte à garantir au Mali la paix, la sécurité et la stabilité de manière irréversible et durable». Mais les autorités maliennes préfèrent visiblement suivre un autre agenda à l’issue incertaine que d’écouter les conseils amicaux d’Alger. 
 

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