La crise économique et sociale qui frappe notre pays singulièrement depuis 2014 a un autre effet pervers, la décision de bon nombre de jeunes Algériens à annuler ou retarder leur projet de mariage.
Elle a également dissuadé les couples à avoir plus d’enfants. C’est une réaction classique fréquemment rencontrée dans le monde d’une population subissant l’insécurité et la paupérisation.
Elle ne se projette plus, ou difficilement, dans un avenir incertain ou hypothéqué. Chez nous, cela s’est vérifié à divers moments de l’histoire, plus particulièrement durant la période coloniale et la décennie 90’, celle de la décennie noire. Contraintes d’adopter un mode survie car plongées dans le désespoir, les familles ont essentiellement essayé de se préserver et de sauver ce qu’elles possédaient, en vies humaines et en biens.
A contrario, en temps de sécurité et de stabilité économique et sociale, même relative, les Algériens sont particulièrement portés sur le mariage et la procréation et ce fut le cas pendant des «trente glorieuses» post-indépendance et des décennies Bouteflika, de prospérité financière de l’Etat.
En ces temps-là, fut mise en œuvre une politique sociale assez généreuse, dictée politiquement par le souci de préserver la paix dans la sphère publique, même si dans le discours, elle se référait à l’Etat-providence de la Révolution algérienne. C’est ce qui a permis à l’Algérie de passer rapidement de 9 millions d’habitants à l’indépendance à 44 millions en 2020, une population aujourd’hui extrêmement jeune pour les trois quarts.
On parle volontiers d’explosion démographique en ajoutant qu’elle s’ancre dans une profondeur culturelle et religieuse qui inscrit la famille en son centre, de préférence nombreuse et formée assez précocement. Avec les deux premières décennies de l’indépendance, incarnées par le Boumedienisme, s’amorça donc le repeuplement d’une Algérie quasiment vidée de sa population par le colonialisme.
Les autorités du moment encouragèrent la natalité, laquelle fut en bonne partie résorbée par l’effort d’industrialisation du pays. Mais à partir de la décennie 1980 commença à s’installer un déséquilibre flagrant entre les ressources du pays et la prise en charge de la population.
Le régime Chadli n’eut pas la capacité, voire la volonté politique de lancer une véritable stratégie de développement de l’Algérie. Il ne le fit qu’à la fin de son règne, après l’effondrement de la principale ressource du pays, que fut le pétrole, et après une forte explosion populaire.
Cela fut vite contrecarré par l’effet cumulé et ravageur du terrorisme et de l’ouverture économique anarchique sur laquelle se greffa un immense marché informel.
Puis, sous le régime Bouteflika, la crise s’aggrava, amplement voilée par une dépensière politique de subventions des biens et services. Au final, au lieu d’être une chance pour l’Algérie, le trop-plein de population, l’abondance de main-d’œuvre et de matière grise ne devinrent qu’un poids, si ce n’est un cauchemar.
Et cela perdure avec l’effondrement structurel de la valeur des hydrocarbures et surtout l’absence d’une réelle politique de développement du pays. Les jeunes et moins jeunes du boom démographique sont pris au piège et aux familles, il ne reste plus qu à recourir à l’instinct de survie qui est d’éviter ou de reculer les mariages et d’espacer au maximum les naissances. Moins il y aura de bouches à nourrir mieux ça sera.