Délit de faciès / Avez-vous une tête de cinéma ?

23/06/2024 mis à jour: 00:49
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Vraie tête de cinéma, le jeune Brahim Hadjadj, Ali La Pointe dans La Bataille d’Alger, chômeur sans lien avec le cinéma repéré par le réalisateur Pontecorvo sur la terrasse du Tantonville au Square Port Saïd / photo : dr

Qui n’a pas rêvé de faire du cinéma ? Un acteur ou une actrice, c’est quelqu’un qui joue bien, mais ce n’est pas systématique, avec un bon physique, soit, autrement dit, un visage, une démarche, une allure, on peut faire carrière. Ce sont les vacances, demandez-vous dans quelle catégorie vous êtes.  

 

Les actrices doivent être beaux et belles, le but étant surtout de faire rêver. Ce n’est bien sûr qu’une généralité, on peut faire des images sales et de beaux films dans des décharges publiques, avec des comédien(ne)s pas forcément esthétiques et même avec «une belle laideur», comme l’expliquait l’acteur Marcello Mastroïani. Mais pour le grand public, un acteur doit être beau ou mignon et une actrice belle ou charmante, Brad Pitt ou Léonardo Di Caprio, Nabil Asli ou Mohamed Rghis, Marylin Monroe ou Cate Blanchett, Yasmine Ammari ou Imène Noël. 

Un peu injuste pour les comédiens qui ont été à l’école de cinéma, issue de sortie pour les gueules, les moches attendrissants ou charismatiques, ou même les inexpressifs et les poker face au visage de marbre, Mehdi Ramdani ou Slimane Dazi. Les comédiens sont-ils recrutés sur le physique, beaux ou pas ? Souvent oui, Biyouna ou Ahmed Benaïssa, ou sortis de la rue, comme Jason Statham qui vendait de faux bijoux et repéré par le réalisateur Guy Ritchie qui préparait Arnaque, crime et botanique, Mel Gibson qui s’était bastonné la nuit précédente dans un bar et avait des marques de coups sur le visage, qui emmenait un ami à une audition et fut repéré par George Miller qui préparait Mad Max. Les exemples sont nombreux de ceux et celles qui n’ont jamais fait de cours de cinéma ou de théâtre, comme Vin Diesel entré par effraction dans un théâtre avec des amis pour semer la pagaille, recruté par une metteuse en scène qui au lieu d’appeler la police a décidé de lui donner un petit rôle dans une pièce, 

Bruce Willis qui faisait le vigile devant une centrale nucléaire dans le New-Jersey, repéré par hasard comme Romain Duris, Alain Delon, Jennifer Lawrence, Will Smith ou Nathalie Portman, ils ont trouvé une carrière, qui s’est plus ou moins bien terminée. Pour La Bataille d’Alger, Brahim Hadjadj, jeune chômeur traînant dans les rues de La Casbah, est repéré dans la rue par Gillo Pontecorvo attablé à la terrasse du café Tantonville dans la capitale au Square Port-Saïd, qui lui propose le rôle, ayant juste avant rencontré Ali Ammar, le vrai Ali la Pointe, voyant immédiatement la compatibilité des deux personnages. 

D’ailleurs, Brahim qui a eu un succès considérable après le film, devait jouer dans le Pontecorvo suivant avec Marlon Brando, mais sans agent, avec un genre à la Belaïli ingérable et peu sérieux, il aura raté une belle carrière internationale et est mort dans des conditions très modestes à Baraki des suites d’un cancer. Mais aujourd’hui  encore, les talents repérés par hasard existent encore, Kader Affak, militant associatif, Hassan Kechache, médecin, Hana Mansour, mannequin, Imene Noël, comptable, Khaled Benaïssa, architecte, une nouvelle génération qui  fait suite aux Sid Ali Kouiret, travailleur au port d’Alger rencontré fortuitement dans un café par Mustapha Kateb qui va l’intégrer dans sa troupe de théâtre, Mohamed Zinet, militant précoce qui rejoint le maquis durant la guerre pour se retrouver acteur à l’indépendance, Biyouna, drabkia dans l’orchestre de Fadila Dziriya puis chanteuse qui accède à la notoriété grâce au réalisateur Mustafa Badie qui lui offre le rôle de Fatima dans La Grande Maison, adaptation du roman de Mohamed Dib, Hadj Abderrahmane, cameraman à la RTA qui va devenir l’Inspecteur Tahar, ou Fawzi Saïchi qui travaillait dans une société de réparation d'ascenseurs. 


Comment est-on repéré ? 

C’est la grande question, un physique, un peu de chance, être là au bon moment. Mais c’est surtout le fait des réalisateurs qui sortent de leur environnement pour voir autre chose et prennent des risques avec des comédiens qui n’en sont pas. Le plus emblématique est probablement Vittorio De Sica qui repère Lamberto Maggiorani, un ouvrier de l’usine Breda de Rome à qui il donne le premier rôle dans Voleur de bicyclette en 1948, film qui deviendra le centre du néoréalisme italien, obtenant un succès extraordinaire dans le monde entier et faisant de Lamberto Maggiorani un acteur recherché alors même qu’il n’a aucune formation. Il faut donc attribuer le mérite à ces cinéastes, sortis avec leurs caméras du confort des studios de Cinecitta pour se retrouver à la rue, là où à l’époque de Mussolini on les enfermait dans des intérieurs. 

Alors pourquoi pas vous, sans remettre en cause les écoles de cinéma, comédien étant un métier à part entière, avec ou sans formation, et c’est d’ailleurs le moment, de nombreux castings sont actuellement en cours, Abdelkrim Bahloul pour son nouveau film, Thala films et d’autres œuvres en préparation à retrouver sur Tahia cinéma, facebook. Mais comment ? 

De la chance, traîner dans les tournages, se présenter ou contacter l’agence Woojooh (voir El Watan du 26/11/2023 : https://elwatan-dz.com/fouad-trifi-directeur-de-lagence-de-casting-woojooh-ca-ne-me-gene-pas-de-caster-des-gens-qui-nont-pas-fait-lecole ), ou changer de tête, car en parallèle, des métiers du cinéma, il y a toute une industrie de la chirurgie esthétique qui se développe dans les grandes villes d’Algérie. Une tête, ce n’est pas forcément pour toute la vie.   

Chawki Amari
 

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