Comme c’est le cas de nombreux pays exerçant la pêche en Méditerranée, l’Algérie n’a pas été épargnée par le fléau de la pêche illicite non déclarée et non réglementée. D’ailleurs, les représentants des pays de la Méditerranée et de la mer Noire, dont l’Algérie, ont adopté, lors de la dernière session annuelle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plusieurs mesures contraignantes visant à renforcer les efforts en faveur de la conservation des ressources halieutiques et contrer la pêche illicite.
Malgré tous les efforts fournis, les services de la pêche implantés le long du littoral ne disposent, malheureusement, d’aucune information qualitative et quantitative précise sur les prises illicites afin de proposer des mesures de lutte opérationnelles et durables», se désole M. Derbal, enseignant-chercheur, chef du département des sciences de la mer à l’université Badji Mokhtar de Annaba.
En plus du problème de la surexploitation des stocks halieutiques de Méditerranée, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que cette pratique illégale et destructive des stocks halieutiques représente en moyenne environ 20% des captures mondiales, soit une prise sur cinq.
Cette même institution internationale souligne aussi que l’INDNR génère une concurrence déloyale vis-à-vis des pêcheurs qui appliquent les mesures réglementaires et menace la sécurité alimentaire et les moyens d’existence des populations côtières.
«En Algérie, la pêche illicite est probablement présente tout le long de son littoral et est pratiquée sous différentes formes en ciblant de nombreuses espèces aussi bien pélagiques que démersales. D’ailleurs, certaines d’entre elles sont considérées rares ou présentant un statut particulier dans le bassin méditerranéen (anguille européenne, requins, mérou brun, thon rouge, corail rouge, etc.)», confie M. Derbal.
Si chaque pays possède ses propres méthodes de lutte contre la pêche illicite, leur efficacité sur terrain s’avère souvent limitée en raison de plusieurs facteurs contraignants liés à l’exercice du métier lui-même et aux réalités socio-économiques auxquels les pêcheurs sont confrontés.
Dans le cadre des activités de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), M. Derbal affirme que l’Algérie a même décidé d’intensifier ses inspections en mer en collaboration étroite avec l’Agence européenne de contrôle des pêches (AECP) et les inspecteurs de plusieurs pays, comme l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Libye, le Monténégro, la Tunisie ou encore l’Ukraine.
La FAO explique aussi que «le rôle des inspections en Méditerranée est essentiel pour assurer le respect des règles de pêche. La CGPM est en train de développer un programme international conjoint de surveillance et d’inspection en Méditerranée et en mer Noire afin de former les inspecteurs nationaux et d’améliorer l’accès aux informations et aux données, ainsi que leur échange, dans l’ensemble de la région».
Toutefois, malgré l’existence de l’arsenal juridique régissant l’activité de la pêche et les bonnes pratiques d’exploitation des ressources halieutiques le long du littoral d’Algérie ainsi que le déploiement des grands moyens de contrôle et d’inspection en mer mis en œuvre par le Service national des gardes côtes (SNGC), la lutte contre la pêche illicite reste une affaire de tous les utilisateurs de la mer (société civile, ONG, chercheurs, pêcheurs professionnels, secteur de la pêche, etc.).
«Sans la collaboration étroite et l’implication directe de l’ensemble de ces acteurs, la pêche illicite pourrait s’amplifier davantage et porter préjudice à l’activité de la pêche professionnelle dans le proche avenir», conclut le chercheur.
1- Favoriser la pêche au chalut durable
Si la notion de pêche durable consiste, en théorie, à cibler des espèces d’intérêt économique dans la perspective d’une meilleure gestion des stocks halieutiques et la préservation des ressources naturelles exploitables. Toutefois, en pratique, il a été démontré dans de nombreux pays développés qu’acheter un poisson issu d’une pêche durable n’était pas évident.
«Très souvent, les produits de la pêche ne sont pas pêchés dans de bonnes conditions, c’est-à-dire, capturés via des méthodes non durables ou dans des stocks considérés surexploités», confie M. Derbal. Cette pêche durable suppose, selon lui, la disponibilité de données harmonisées, fiables et précises sur la biologie et le niveau d’exploitation des principales espèces exploitables aussi bien pélagiques que démersales.
Cependant, de telles informations ne sont pas toujours disponibles pour l’ensemble des espèces ciblées par la pêche professionnelle, artisanale ou même sportive.
D’autres facteurs extrinsèques ou «humains» peuvent, selon M. Derbal, venir interférer lorsqu’on évoque la notion de pêche durable aux pêcheurs qui ont parfois un avis différent de celui du scientifique, alors que les avis devraient normalement tous converger vers l’intérêt du milieu marin.
«Indépendamment des avis des uns et des autres, cette notion de pêche durable est inévitable à moyen et long termes pour le maintien d’une activité de pêche durable, la préservation des espèces exploitées commercialement et surtout la protection du milieu marin, notamment des côtes algériennes», assure-t-il.
2- Atténuation des impacts de la pêche
Cette mesure d’atténuation des impacts de la pêche sur les espèces vulnérables ou supposées ciblées par l’exploitation abusive sur les côtes algériennes a pour objectif, selon M. Derbal, de préserver ces espèces de la disparition à moyen ou long termes avec une reconstitution progressive de leurs stocks naturels via la réduction de l’effort de pêche spécifique, l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche et/ou la création d’aires marines protégées au profit de certaines espèces côtières symboles.
D’ailleurs, selon la liste rouge de l’Union internationale de la conservation de la nature, de nombreuses espèces de poisson sont d’ores et déjà considérées vulnérables ou en danger d’extinction dans le bassin méditerranéen et aucunement en Algérie.
3- Utilisation d’espèces non indigènes plus responsable
Il est important de faire la distinction entre les deux types d’Espèce non indigène (ENI). D’abord, il y a les établies qui, après leur introduction dans leur nouvel écosystème, se reproduisent et constituent une population, sans pour autant avoir un caractère envahissant.
Et ensuite il y a les invasives, dites également envahissantes, dont l’abondance et/ou l’aire de répartition dans leur nouvelle zone d’introduction augmente d’une manière significative, au point de générer des dysfonctionnement et des modifications de leur environnement nouvellement occupé.
Dans le domaine de l’aquaculture, le transfert intentionnel d’espèces exotiques d’intérêt aquacole d’une aire géographique vers une autre zone d’accueil peut représenter un risque potentiel aussi bien pour l’aquaculture continentale extensive que pour les élevages intensifs en milieu marin.
En milieu continental, lorsque le milieu récepteur n’a pas fait l’objet d’une étude préalable exhaustive, l’introduction d’une ou plusieurs ENI peut s’avérer périlleuse sur le plan écologique, car il y a modification de la biodiversité native, dégradation des habitats et des frayères, compétition interspécifique pour la nourriture et l’espace, risques sanitaires, etc.
A cet effet, M. Derbal rappelle : «L’introduction de milliers d’alevins de carpes chinoises dans certains hydro-systèmes naturels de la wilaya d’El Kala, et ce, malgré cela l’opposition du Parc national d’El Kala au cours des années 1980-90, a provoqué une catastrophe écologique sans précédent, dont les conséquences restent toujours palpables jusqu’à ce jour, à savoir modification de la végétation, bouleversement de la faune invertébrée et ichtyologique native, transfert accidentel des carpes vers d’autres hydro-systèmes naturels: lac Tonga, oueds Mafragh et Seubouse.»
4- Une résolution concernant les engins de pêche abandonnés
Pour M. Derbal, les engins de pêche abandonnés, tels que les lignes dormantes, les filets maillants ou encore les chaluts, perdus ou jetés accidentellement ou intentionnellement par les pêcheurs en mer, constituent non seulement une source de pollution non négligeable pour les écosystèmes marins mais aussi une menace avérée pour la faune pélagique et démersale.
En effet, ces filets maillants fixes ou traînants qualifiés de «filets fantômes» sont presque invisibles et peuvent s’accrocher et s’emmêler sur des fonds accidentés ou dériver en pleine mer. «Si ces derniers ne sont pas récupérés, ils se transforment incontestablement en une source de pollution marine en raison de la nature des matériaux synthétiques, souvent non dégradables, utilisés pour leur confection», prévient le spécialiste.
D’ailleurs, ces filets fantômes représentent environ 10% de l’ensemble des déchets marins et qu’environ 46% du vortex de déchets du pacifique nord sont constitués de macro-déchets plastiques émanant de l’activité de la pêche. Sur le plan impact environnemental, M. Derbal assure que ces filets peuvent piéger accidentellement de nombreuses espèces animales invertébrées et vertébrées, y compris parfois des plongeurs sportifs et professionnels.
«Ces filets égarés sur le fond ou dérivant en pleine eau peuvent infliger à ces animaux marins des lacérations et infections, en causant leur mort de faim ou par asphyxie pour ceux qui doivent impérativement faire surface pour respirer», ajoute-t-il. Pour atténuer leur impact, M. Derbal recommande d’abord de réglementer rigoureusement l’utilisation de filets maillants de grande envergure pour la pêche et l’aquaculture.
Ensuite : identifier et/ou cartographier les zones de pêche où les risques de perte de filets sont élevés. Le spécialiste préconise également l’utilisation des technologies nouvelles de marquage des engins de pêche avec localisation GPS en cas de perte et d’encourager la recherche et l’innovation de nouveaux matériaux moins nocifs pour l’environnement marin (fibre biodégradable ou bioplastique).
Enfin, M. Derbal estime qu’il faut légaliser la récupération de matériel de pêche inutilisable accompagnée de la mise en œuvre de systèmes de gestion et/ou de valorisation des macro-déchets plastiques issus des équipements d’élevage inexploités et du matériel de pêche ou d’élevage abandonné, perdu ou jeté en mer.
Qu’est-ce que la Taille minimale de référence de conservation ?
La Taille minimale de référence de conservation (TMRC) correspond à la taille minimale à partir de laquelle un produit de la pêche doit être débarqué, mais ne peut entrer dans la consommation humaine directe.
Des tailles minimales sont fixées pour certaines espèces marines exploitées et dans le cas de quelques pays pour certaines zones. «Lorsqu’ils sont capturés de manière accidentelle, ces spécimens sont promptement rejetés relâchés vivants et indemnes, dans la mesure du possible. Les capitaines des navires de pêche enregistrent, dans le journal de pêche, les captures accidentelles, la remise à la mer et/ou le rejet d’aiguillats communs», explique M. Grimes.
Précisant que les États membres communiquent ces informations à la CGPM et à la Commission lors de la présentation de leur rapport annuel. «Dorénavant, les pêcheurs devront rapporter à terre tout ce qui aura été pêché, même les individus sous la taille minimale», ajoute-t-il.
En effet, la taille minimale de débarquement devient la taille minimale de conservation. Les spécimens d’une taille inférieure à celle définie comme taille minimale de conservation ne peuvent donc être conservés à bord, transbordés, débarqués, stockés, vendus, exposés ou proposés à la vente.
C’est pourquoi, la mise en œuvre d’une telle mesure en Algérie impose, selon M. Grimes, des mesures techniques, incluant un contrôle strict et régulier des débarquements à quai et des systèmes de vérification par recoupement ainsi que la formation d’inspecteurs sur ces questions.
De son côté, M. Derbal estime que cette nouvelle mesure contribuera dans un délai le plus court possible à ramener le stock concerné à des niveaux d’exploitation meilleurs.