De la Déclaration de Balfour à la guerre contre Gaza : Les fondements historiques du conflit israélo-palestinien

15/10/2023 mis à jour: 21:20
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Conférence de San Remo (Italie) en 1920

La guerre déclarée officiellement par Israël contre le Hamas dans la bande Gaza est, en réalité une guerre contre les Palestiniens de cette enclave sous blocus depuis plusieurs années. Imparablement, une guerre contre les civils et, malgré les déclarations des responsables israéliens dans lesquelles ils disent s’en prendre uniquement aux « objectifs militaires » que sont les bureaux et postes de commandement du mouvement Hamas. 

Même s’il y avait volonté de distinguer entre les objectifs militaires et populations civiles-ce qui est sujet à caution-, comment procéder pour y arriver dans une enclave de 365 km2 habitée par plus de deux millions de personnes ? D’où l’ « ordre » donné à plus d’un million d’habitant de se déplacer, en l’espace de 24 heures, vers le sud de la bande de Gaza. Une décision jugée « irréaliste » par l’ONU. Le site francetvinfo.fr écrit à ce propos « Israël a ordonné l'évacuation d'un million de Palestiniens vers le sud de Gaza, alors que l'armée prépare son offensive terrestre. Des milliers de Gazaouis ont déjà fui mais nombre d'entre eux ne savent pas où aller. Et il y a ceux qui ne peuvent pas partir ».

 

Le drame qui se déroule sous nos yeux, devant une communauté internationale qui, dans le meilleur des cas, se trouve percluse dans l’indécision, a une longue histoire dont les ferments remontent au 19e siècle, lorsque le territoire de la Palestine relevait encore de l’empire Ottoman et qu’une partie des Juifs dispersés dans le monde, principalement en Europe, commençaient à se regrouper autour de l’idée de la « Terre promise ». 

La guerre menée depuis quelques jours contre la bande Gaza- pour laquelle Israël a exploité les attaques des éléments armés du Hamas contre des soldats et des civils israéliens, suivies de prise d’otage-, fait remonter immanquablement à la surface toute la problématique du Proche-Orient, depuis la création de l'État d'Israël en 1948, avec, par la suite, toutes les guerres israélo-arabes, particulièrement celles de 1967 et 1973. Outre l'occupation du territoire palestinien, le même "péché originel" a pu étendre ses tentacules sur les pays voisins, dont la Syrie, à travers l'occupation du plateau du Golan, et le Liban, à travers les multiples agressions qu'il a subies de la part d'Israël, dont la plus dramatique fut celle de 1982 qui a vu près de 2000 palestiniens massacrés dans des camps de réfugiés de Sabra et Chatila.

Si l'agression actuelle contre la bande de Gaza a cherché à trouver une justification à partir des incursions des éléments du Hamas en territoire israélien et de focaliser le regard sur le mouvement Hamas, qui a obtenu une autorité de "fait" sur l'enclave de Gaza après les élections législatives de 2006, lesquelles ont consacré sa prééminence politique, les motivations profondes de cette guerre sont, en fait, toujours liées à l’établissement de l’État d’Israël qui ne finit pas de…s’établir et de s’étendre. 

 

Si le "conflit" semblait jusqu'ici réduit à un bras de fer entre l'armée israélienne et les combattants du Hamas à Gaza depuis la sortie de l’armée israélienne de ce territoire en 2005,  le reste du territoire, à savoir la Cisjordanie, paraissant plutôt miser sur un espoir de la poursuite des négociations avec l'occupant israélien, une nouvelle tournure pourrait être prise par les événements. Le gouvernement Abbas subit là, incontestées, une épreuve politique et psychologique de laquelle il risque de ne pas sortir « indemne ». En effet, rien ne garantie que les habitants de la Cisjordanie resteront « spectateurs » des événements ou simples sympathisants de leurs frères Gazaouis. Un embrasement général est redouté par le gouvernement de Netanyahou. 

  

Cette dernière hypothèse et les événements que connaît la région en général depuis presque deux semaines, se déroulent dans un contexte arabe des moins favorables; une sorte de déréliction humaine comme n'en a pas connu la région depuis presque un demi-siècle. Tous les pays voisins ou proches du théâtre des événements, et qui comptaient dans la balance des rapports de force, sont aujourd'hui complètement happés, voire "ankylosés", par une série d'événements qui, pour les uns (comme l'Irak), ont commencé il y a plus d'une trentaine d'années, pour les autres, ont été charriés par ce qui est appelé le Printemps arabe et ses dégâts politico-sécuritaires (Syrie, Yémen). Autrement dit, les Palestiniens, dans la nouvelle ère d'adverse fortune qui est inaugurée dans le monde arabe, ne peuvent compter que sur eux-mêmes. La sympathie et le soutiens des populations ne sont pas à remettre en cause, même si leur effet demeure limité. 

C'est paradoxalement dans certains pays occidentaux que les manifestations de solidarité envers les Palestiniens pourrait avoir quelques effets, en poussant un tant soit peu les gouvernants à appeler à la fin des massacres, sachant que ces mêmes gouvernants tiennent à ne pas "importer le conflit proche-oriental" chez eux.  Cette opération d' "importation" les dépasse réellement, vu l'importante implantation des communautés arabes émigrées dans leurs pays. 

Les massacres de Ghaza qui crèvent les écrans du monde depuis une semaine n'ont pas eu le loisir de bénéficier d'une explication et d'une vulgarisation qui les placeraient dans leur contexte historique. Ni les médias ni les journaux n'ont fait l'effort de mettre à la disposition du public et de l'opinion les éléments historiques qui sont à l'origine de la situation actuelle. 

L'école, à travers les leçons d'histoire, supposée leur offrir les clefs de la compréhension de l'actualité, ne le fait que "nonchalamment"; il n'y pas d'engagement ni de passion. La matière histoire est sans doute l'une des moins bien appréciées et suivies par les élèves en Algérie. 

 

Dans le cas précis du conflit palestinien, l'on ne peut comprendre ce qui se passe sous nos yeux si l'on fait abstraction du processus historique qui a commencé réellement au congrès de Bâle en 1897, lorsque le théoricien et écrivain juif Thedor Herzl fonda le mouvement sioniste. Un an auparavant, il écrivit le célèbre ouvrage L'État des Juifs. Il fonda aussi un fonds pour l'implantation juive, fonds destiné à acheter des terres en Palestine. 

Les Britanniques ont joué un rôle fondamental dans la région, et ce, après avoir débarrassé les Ottomans des terres qu'ils avaient sous leur souveraineté, y compris la Palestine. Arthur James Balfour, ministre britannique des affaires étrangères, adressa le 2 novembre 1917, une lettre ouverte au baron à Lionel Walter Rothschild, juif britannique, grand activiste dans le mouvement sioniste, par laquelle il engage le Royaume-Uni en faveur de l'établissement d'un foyer juif en Palestine. Cette lettre, qui sera connue plus tard sous le nom de Déclaration de Balfour, est considérée comme une étape cruciale dans le processus de création de l'État d'Israël en Palestine. 

 

Déclaration de Balfour

 

Cher Lord Rothschild,

 

J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui.

« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les juifs jouissent dans tout autre pays. »

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.

Arthur James Balfour

 

 

 

Tentatives de "substitution" d'un peuple par un autre

 

La conférence de San Remo (Italie), tenue en avril 1920, plaça la Palestine sous mandat britannique, comme elle plaça le Liban et la Syrie sous mandat français. La Société des Nations (ancêtre de l'ONU) exigea des Britanniques qu'ils concrétisent la Déclaration de Balfour en aidant les Juif à "reconstituer leur foyer nationale dans ce pays". 

Au moment de ces tractations,  le nombre de Juifs en Palestine était de 65 000, soit environ le un dixième du totale de la population. Deux ans plus tard, en 1922, ce nombre atteint 83 000 du fait du mouvement migratoire venant d'Europe et de Russie. En 1918, les terres agricoles revenant au Juifs de Palestine représentaient 3 % de l'ensemble des terres agricoles. Les colonies juives étaient alors au nombre 71. Les Britanniques, qui ont reçu mandat sur la Palestine, "rassuraient" leurs alliés arabes- alliés contre l'occupant Ottoman- que le mouvement de migration juive en Palestine est surtout à titre "humanitaire" et qu'il n'affecterait pas l'équilibre démographique dans la région.  En essayant de jouer les "équilibristes", les Britanniques eurent à faire face à une immigration clandestine intense et au début du terrorisme juif. 

Les Arabes de Palestine ont senti le danger et commencé à riposter par une forme de résistance  comprenant des mouvements de grève (comme en 1936 pendant six mois) et des actes armés contre des Juifs. C'est à cette époque qu'apparut la figure du résistant d'origine syrienne, Azeddine Al Kassam, dont l’image  est aujourd'hui adulée et magnifiée chez le mouvement Hamas de Ghaza. 

Des centaines de milliers de Palestiniens ont été contraints à l'exil, trouvant refuge en Jordanie, en Syrie, en Égypte et dans plusieurs autres pays arabes. D'ailleurs, la question des réfugiés, avec le statut de Jérusalem, constitue, encore aujourd'hui, un des grands points d'achoppement des négociations entre Israéliens et Palestiniens. 

La suite des événements connaîtra sa réalisation définitive avec le plan de partage de Palestine en 1948; épisode qui ne cesse de produire ses lointaines effets et ses métastases jusqu'à ce jour, en passant par la crise du canal de Suez en 1956, l'offensive annexionniste de 1967 (guerre de Six jours), la guerre de 1973 et les différents intifada (1987 et 2000) des populations palestiniennes, et ce, malgré les accords d'Oslo de 1993 qui ont institué l'Autorité palestinienne. 

 

Le vote de l'ONU sur le partage de la Palestine

Samedi 29 novembre 1947, à New York: l'Assemblée générale de l'ONU vit le dernier jour de sa session d'automne. Les membres des délégations sont pressés d'en finir-la session a été longue, tumultueuse, épuisante. À 16 heures, Oswald Arana, président de l'Assemblée, ouvre cette dernière séance au cours de laquelle doit se dérouler le vote sur le plan du partage de la Palestine. Au terme d'infinies ruses de procédure, d'innombrables tentatives de retarder le vote, le moment de vérité est enfin venu. 

Dans la matinée, Haïm Weizamn, la figure de proue du sionisme, a téléphoné au président Truman pour s'assurer que la délégation américaine ferait, comme promis le nécessaire afin que le vote ait lieu à tout prix. Le président n'est pas à la maison blanche: il est en train de suivre le match de football traditionnel entre les équipes de l'armée et de la flotte. Les Arabe aussi ont agi à la dernière minute. Camille Chamoun et Fadel Al-Jamali, représentants du Liban et de l'Irak, ont rendu visite aux chefs de délégation favorables à la position arabe, comme la Turquie et l'Iran, dans une tentative désespérée d'empêcher le vote. 

Les chefs des délégations libanaise, islandaise, américaine, syrienne et soviétique prennent la parole. Les derniers efforts des Arabes, épaulés par le délégué iranien, se heurtent à la résistance énergique de ce nouveau et curieux couple américano-soviétique. Et l'on procède au vote. 

Le vote lui-même ne dure pas plus de trois minutes. L'Assemblée est invitée à accepter ou à rejet le plan du partage qui lui est proposé par la Commission spéciale pour la Palestine. Le secrétaire général adjoint appelle les délégations par ordre alphabétique. Dans la salle électrisée, tombe le verdict: Afghanistan, "non"; Argentine, "abstention"; Australie, "oui"…Trente-trois pour le partage, treize contre, dix abstentions-le point culminant et final de l'une des parties diplomatiques les plus complexes de ce siècle.

Dans les localités juives de Palestine, la décision de l'ONU est accueillie dans une formidable explosion de joie. Des milliers de personnes se précipitent dans la rue, chantent et dansent jusqu'au matin. Parmi les Arabes de Palestine et d'ailleurs, c'est la consternation. Dès le lendemain, la lutte pour la Palestine passe du front diplomatique au champ de bataille. À Haïfa, Jaffa, Lod et Jérusalem, villes mixtes, les attaques arabes se multiplient, il y a des morts et des blessés. Dans les pays voisins, à Damas, Alep, Bagdad, Beyrouth, des pogroms éclatent. À Alep seule, soixante-seize juifs sont mis à mort, trois cents maisons juives et onze synagogues sont incendiées. Les professeurs de l'université cairote Al-Azhar proclament la guerre sainte (djihad) contre les juifs. Cependant que le mufti de Jérusalem, Amin Al-Husseini, appelle depuis Damas à la grève générale des Palestiniens. 

 

Stratagème britannique 

Le troisième côté du triangle palestinien-les Britanniques-dont l'incurie et un machiavélisme curieusement autodestructeur n'ont pas peu contribué à rendre la situation telle qu'elle est, continuent à jouer les observateurs passif, théoriquement au-dessus de la mêlée. Un historien anglais, Christopher Sykes, a pu écrire que les faits et gestes du gouvernement de sa Majesté étaient dépourvus de toute logique et que ledit gouvernement "était possédé par un instinct nihiliste qui le poussait à semer le désordre, ou à succomber à une crise bizarre de folie collective". 

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'Angleterre, visiblement, a du mal à supporter un empire devenu trop lourd pour ses épaules. Au Proche-Orient, elle éprouve des difficultés à maintenir son système de défense face aux Soviétiques: en Palestine, elle se heurte à une vague de terrorisme juif sans précédent, que la direction sioniste n'arrive plus à contrôler, ainsi qu'à un mouvement d'immigration clandestine, que la Royal Navy est impuissante à juguler cependant qu'en Angleterre même, la politique palestinienne du gouvernement est en bute aux critiques acerbes de l'opposition conservatrice et de l'opinion publique. 

Le 14 février 1947, le cabinet britannique décide de renvoyer le problème palestinien devant l'ONU. Pour Ernest Bevin, le secrétaire au Foreign Office, c'est un stratagème destiné à mieux assurer l'emprise britannique sur le pays, une fois démonstration faite de l'incapacité de l'ONU à résoudre l'équation palestinienne. "D'ici [février] à septembre…explique-t-il aux membres du cabinet, nous aurons largement le temps de retirer la question de l'ordre du jour [de l'ONU]". Il n'a, dit-il, aucune intention de renoncer au mandat, mais plutôt de "tirer sur la corde" autant qu'il sera possible pour sauvegarder les intérêts britanniques. 

Au moins Bevin sait ce qu'il veut. On ne saurait en dire autant des Américains dont la position est fort ambigüe. Truman souhaite sincèrement acheter racheter tant soit peu les souffrances du peuple juif et résoudre le douloureux problème des rescapés de la Shoah, dont quelque 250 000 se trouvent encore dans des camps de fortune en Europe; il doit aussi tenir compte du puissant lobby juif américain. Mais plus il s'engage dans les affaires palestiniennes, plus il s'aperçoit que c'est un problème insoluble. À quoi s'ajoute une certaine incompréhension, qu'il partage avec le Département d'État, des intentions réelles des Soviétiques. Les Anglais avaient quelques raisons d'estimer incohérente une "doctrine Truman" qui faisait bon marché de la volonté de Staline de prendre pied au Proche-Orient. 

L'Union soviétique, elle, exploite admirablement l'occasion qu'on lui offre d'acquérir de l'influence dans une région stratégique où elle n'en avait pas et de semer la zizanie entre les deux principaux alliés occidentaux. À la mi-mars, une délégation soviétique visite la Palestine. En principe, elle s'intéresse à l'épineux problème du rapatriement des Arméniens: en fait, elle étudie la situation en vue d'un éventuel débat à l'ONU. 

Telle est la toile de fond de la demande britannique de convoquer une session spéciale de l'Assemblée générale, qui nommerait une commission d'enquête dont les propositions seraient discutées par l'Assemblée à sa session d'automne. L'astuce de Bevin réside dans la formulation de la demande: le gouvernement de Londres acceptera toute décision de l'Assemblée qui sera prise à la majorité des deux tiers des membres- ce qui, en ces temps de guerre froide, semble parfaitement irréaliste. 

 

Gromyko abat ses cartes 

La session spéciale s'ouvre le 28 avril. Les Arabe choisissent d'emblée la fuite en avant. En exigeant la suppression immédiate du mandat britannique et la création d'un "État palestinien unique, démocratique et indépendant"- exigences qui n'avaient aucune chance d'être adoptées-ils réussissent, certes, à faire accepter une délégation séparée des Arabes de Palestine: mais au prix de la reconnaissance symétrique de l'Agence juive, qui se voit ainsi offrir une arène internationale qu'elle saura exploiter avec virtuosité. 

Élu le 13 mai, l'UNSCOP (United Nations Special Commitee on Palestin), comprend des délégués de onze nations. Dans le débat sur la composition du comité, l'Union soviétique subit une défaite; mais elle réussit brillamment dans la discussion sur ses compétences. Avec un art consommé, Andreï Gromyko cache son jeu, mais abat ses cartes au dernier moment, en prenant tout le monde, Anglais, Américains, Arabes et Juifs, au dépourvu. Dans son discours, dont même les satellites de l'URSS n'ont pas eu vent, Gromyko trouve des accents émouvants pour déplorer le sort du peuple juif, et se déclare partisan de la création d'un l'État juif en Palestine. Il prend ainsi l'initiative dans le camp des pays favorables au partage, lequel devient du coup la seule solution réaliste. 

Les travaux du comité ont duré trois mois. Ses membres ont visité le pays et écouté les représentants des communautés juive et chrétienne, ainsi que ceux du gouvernement mandataire. Instruits par le mufti, les Arabes ont préféré boycotter le comité. Par ailleurs, le président du comité et l'un de ses membres assistent, médusés, au débarquement forcé des quatre mille cinq cents passagers de l'Exodus(1)- "le témoignage le plus fort", dira l'un d'entre eux. Avant de rédiger son rapport final, le comité visite le camp de réfugiés juifs en Europe, où il prend la mesure de la détresse de ces gens et de la détermination de la plupart d'entre eux de se rendre en Palestine. 

Dans son rapport, publié le 1er septembre, le comité se prononce à l'unanimité pour l'annulation du mandat et, à la majorité des membres, pour la solution du partage. Les réactions étaient prévisibles. Après trente ans de refus systématique de toute forme de compromis avec le Foyer national juif, les Arabes ne pouvaient que rejeter le plan de l'UNSCOP. La commission politique de la ligue arabe met les points sur les "i": ce sera la guerre. Bevin est presque aussi virulent et se prononce pour une espèce d'abstention active ("au moins, épargnons-nous du sang britannique"): en fait, il s'agit de ne rien faire pour aider à réaliser le plan de l'ONU, de tout faire pour le saboter. Ce que l'UNSCOP offre aux juifs est très en-deçà de leurs aspirations, mais ils s'empressent de saisir la chance qui ne se représentera peut-être pas deux fois. Face à la politique du tout ou rien des Arabes, la direction sioniste pratique l'art du possible. 

Quant aux Soviétiques, ils partagent avec les sionistes sinon les mêmes objectifs-il s'en faut de beaucoup, comme on le verra au bout de cette brève lune de miel-du moins le privilège de la lucidité politique

 

 L'intervention de Léon Blum 

La session d'automne de l'Assemblée s'ouvre à la mi-septembre et devient aussitôt un terrain de chasse aux voix, en prévision du débat sur le rapport de l'UNSCOP. Faute de pouvoir passer en revue toutes les puissances concernées, arrêtons-nous un bref instant sur le cas français. Le gouvernement du socialiste Paul Ramadier a décidé d'approuver le plan de partage. Mais, il est renversé le 19 novembre et, dans l'interrègne qui s'ensuit, des fonctionnaires du Quai d'Orsay et les chefs de la mission à l'ONU tentent de jouer, selon une tradition déjà ancienne de la diplomatie française, la carte arabe. Inquiet, Weizmann appelle Léon Blum, à l'époque retiré des affaires, mais dont le prestige restait grand, et le supplie de jeter tout son poids dans la balance. Le vieux leader socialiste intervient auprès du président Vincent Auriol et du nouveau premier ministre, Robert Schumann, et envoie une lettre pressante à Georges Bidault, ministre des affaires étrangères: "Mon cher ami. J'apprends de mauvaise nouvelles. L'abstention française entrainerait celle de Spaak (2). Si la Belgique s'abstient, la Hollande et le Luxembourg suivront l'exemple. Ce n'est pourtant pas sur ce terrain que la France doit attirer à elle les petits États…Une forte majorité qui déconcerte la menace arabe, les mesures d'exécution dont l'ONU prenne collectivement la responsabilité, il n'y a pas d'autre solution satisfaisante. Mais, de toute façon, il faut aboutir. La position de l'Angleterre étant variable et inconditionnelle, elle évacuera en tout état de cause. La prolongation d'un vague statu quo n'évitera donc pas la collision et l'effusion de sang…Au point de vue "humanitaire", nous n'aurons rien gagné. Mais nous aurons, au débit de notre compte dans l'opinion universelle et au débit de notre propre conscience, une injustice et un manque de courage. Par-dessus le marché, nous aurons donné le signal de la dissidence dans l'unique débat où, jusqu'à présent, l'URSS et les États-Unis se soient trouvés d'accord. Cela vaut que vous réfléchissiez encore…".

Idith Zertal

 

Le Monde du 22 et 23 novembre 1987

 

 

 

Par : Amar Naït Messaoud  ,  Journaliste

 

 

 

 

Notes de Amar Naït Messaoud: 

(1): En juillet 1947, 4 500 réfugiés juifs de différentes nationalités, dont 1 732 femmes et 955 enfants, quittaient le port de Sète (Hérault) sur un bateau de fortune baptisé Exodus-1947 dans l’espoir de gagner la “Terre promise”. Mais le navire fut intercepté par la marine britannique au large de la Palestine. Les passagers, transférés sur trois bateaux-prisons, entassés dans des conditions sanitaires épouvantables, furent ramenés à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) dix-huit jours après leur départ. (Le monde du 12 décembre 2007)

 

(2) Paul-Henri Spaak: Ministre belge des Affaire étrangères, président de la première Assemblée générale de l'ONU à partir du 10 janvier 1946. Son mandat expira en janvier 1947. 

 

 

 

 

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