Crise socioéconomique : Le dialogue s’améliore entre les autorités tunisiennes et le FMI

19/04/2023 mis à jour: 02:21
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Le dossier Tunisie n’a certes pas été examiné, lors des dernières Assises du printemps des instances financières internationales la semaine dernière à Washington, il n’empêche que l’aide à la Tunisie est au milieu de plusieurs rencontres de haut niveau en marge de ces Assises. 

A la clé, un point positif fondamental avec la disponibilité des garanties financières pour le programme, grâce aux amis de la Tunisie. Reste la satisfaction des experts du Fonds monétaire international concernant la capacité de la Tunisie à réaliser les réformes projetées. Le FMI ne veut plus de promesses en l’air, comme ce fut le cas lors de l’accord de 2016. «Il reste une dernière étape avant de présenter le dossier au conseil d’administration», souligne la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, lors d’une interview accordée samedi dernier à la chaîne Al Arabiya. 

Le ministre tunisien de l’Economie et de la Planification, Samir Saied, est parvenu à convaincre les gros bonnets des finances mondiales à Washington de la cohérence des réserves tunisiennes sur la levée des subventions en cette période de poussée de l’inflation à travers le monde. «Le FMI ne veut pas mettre en place un programme menaçant la stabilité du pays», a assuré Kristalina Georgieva, en réponse aux propos du président Saïed, le 6 avril, lorsqu’il avait parlé des troubles qui ont accompagné la levée des subventions dans plusieurs pays, dont la Tunisie en 1984. Il n’y aura donc pas d’engagement sur la levée des subventions des aliments de base. 

Sur un autre plan, l’Italie et la France, ainsi que d’autres amis de la Tunisie, sont parvenus à réunir les garanties financières pour le programme. Il n’empêche que le FMI ne veut pas se suffire de garanties de remboursement. Il cherche également des indicateurs que les autorités tunisiennes ne vont pas continuer à dilapider les deniers publics sans la moindre action de réformes, comme lors de l’accord de 2016. Et c’est le dernier point nécessaire pour traduire le dossier Tunisie devant le conseil d’administration du FMI. 

Toutes les études ont conclu que les axes des réformes nécessaires pour le redressement de l’économie en Tunisie concernent les subventions des carburants et des aliments de base, la mise à niveau des entreprises publiques et le dégraissement de la Fonction publique. Et comme un accord a été dégagé sur le fait que la levée des subventions nécessite un meilleur contexte, restent le dégraissage de la Fonction publique et la mise à niveau des entreprises publiques, dont une majorité est lourdement déficitaire.

Les déficits des entreprises publiques bouffent près de 10% du budget de l’Etat et il est impératif de mettre fin à cette gangrène. Pour ce qui est du plan de réduction du personnel de la Fonction publique, il a déjà commencé, grâce à un programme financé par la Banque mondiale. Il stipule d’admettre à la retraite des agents âgés de 55, 56 et 57 ans, tout en leur accordant une bonification pour les années restantes. Les experts du FMI veulent des signaux forts de la part du gouvernement tunisien sur ces deux derniers axes.

Faisabilité

Les experts du FMI et les analystes tunisiens sont conscients de l’absence de toute possibilité de redressement si l’Etat ne résout pas, d’une manière ou d’une autre, les difficultés rencontrées par les entreprises publiques. L’universitaire syndicaliste Sami Aouadi a régulièrement parlé des déficits monstrueux cumulés des entreprises publiques. 

En commençant par la STEG, l’Etat lui a versé plus de six milliards de dinars (deux milliards d’euros) de subventions entre 2014 et 2020. La compagnie aérienne Tunisair traîne, elle-aussi, un déficit cumulé de près de deux milliards de dinars (600 millions d’euros), tout comme Transtu, la société de transport public du Grand Tunis. La SNCFT, elle-aussi, a près de 800 millions de dinars (250 millions d’euros) de pertes cumulées, alors qu’elle était bénéficiaire sous Ben Ali grâce au transport du phosphate sur la ligne 13 du bassin minier autour de Gafsa vers les ports et les centres de transformation à Gabes, Sekhira et Sfax. 

La ligne 13 était bloquée par des demandeurs de travail depuis 2011 et n’a repris service qu’il y a un mois. Et si l’on ajoute au fait que les déficits cumulés des entreprises publiques aspirent le dixième du budget de l’Etat, celui que les salaires de la Fonction publique bouffent 35% du même budget, il devient clair pourquoi le FMI exige des indicateurs de performance sur ces deux terrains glissants que sont la Fonction et les entreprises publiques. Le FMI exige ainsi l’aval des partenaires sociaux sur le prochain accord en raison de la forte présence des syndicats dans ces deux secteurs. 

Les dernières nouvelles provenant de Tunis indiquent toutefois que l’équipe de Kaïs Saïed aurait trouvé les bons remèdes, puisque le ton de la centrale syndicale a beaucoup baissé durant ces deux derniers mois. Plus d’écho opposé à Saïed depuis l’attaque de front à certains noyaux de corruption où les syndicats seraient impliqués, comme dans la Régie des tabacs. La récente rencontre du nouveau ministre de l’Intérieur, Kamel Fekih, avec Noureddine Taboubi, le secrétaire général de l’UGTT, serait également un signal de dégel entre l’UGTT et le président Saïed. 

Le FMI prévoit de passer le dossier Tunisie en juin. L’UGTT et le pouvoir disposent d’un petit mois pour enterrer la hache de guerre. Cela semble dans l’intérêt des deux parties. 

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