Succès Masra, un opposant à la junte au pouvoir au Tchad, a appelé hier, jour de l’ouverture du dialogue, à «la résistance pour la justice et l’égalité». Wakit Tamma, une coalition de partis de l’opposition et de membres de la société civile, a refusé de participer au dialogue, accusant la junte de perpétuer des «violations des droits humains» et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby.
Le dialogue national inclusif entre l’opposition civile et armée et la junte au pouvoir au Tchad s’est ouvert hier en présence du chef du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno, rapporte l’AFP.
Au cours de cette rencontre de trois semaines, les 1400 délégués présents, membres de syndicats, de partis politiques et du CMT, débattront de la réforme des institutions et d’une nouvelle Constitution, qui sera ensuite soumise à référendum. Seront aussi abordées les questions de la paix et des libertés fondamentales.
Selon un décret signé mercredi par le chef de la junte, Mahamat Idriss Déby, ce dialogue aura un caractère «souverain» et ses décisions seront «exécutoires». «Le président du Conseil militaire de transition, président de la République, chef de l’Etat, en est le garant», selon le décret.
De son côté, Succès Masra, un opposant à la junte au pouvoir au Tchad, a appelé hier, jour de l’ouverture du dialogue, à «la résistance pour la justice et l’égalité». «Nous décrétons, à partir de ce 20 août, 60 jours de résistance pour la justice et l’égalité en commençant dès aujourd’hui (...) afin de créer d’ici le 20 octobre, date finale de cette période de transition, un nouveau gouvernement du peuple», a déclaré Succès Masra lors d’un meeting au siège de son parti dans la capitale tchadienne N’Djamena. Durant son meeting, devant plusieurs centaines de ses partisans et avec une forte présence policière, il a appelé notamment à des manifestations.
Succès Masra, 38 ans, à la tête du parti Les Transformateurs, s’est porté candidat à la dernière élection présidentielle en avril 2021. Mais sa candidature a été rejetée, une modification de la Constitution empêchant toute personne de moins de 40 ans de prétendre à la magistrature suprême au Tchad.
Le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), l’un des principaux groupes rebelles à l’origine de l’offensive qui a coûté la vie à Idriss Déby, n’a pas signé l’accord de Doha et ne participera pas au dialogue, le considérant «biaisé d’avance».
Wakit Tamma, une coalition de partis de l’opposition et de membres de la société civile, a également refusé de participer au dialogue, accusant la junte de perpétuer des «violations des droits humains» et de préparer une candidature à la présidentielle du général Déby.
Le 20 avril 2021, l’armée annonce le décès, la veille, du président Idriss Déby Itno, mort de blessures reçues en se rendant au front contre des rebelles. En la circonstance, est créé le CMT, présidé par le général et fils du président disparu, Mahamat Idriss Déby Itno, chef de la Garde présidentielle. Ce dernier dissout le gouvernement et l’Assemblée nationale. Il promet de nouvelles institutions après des élections «libres et démocratiques» dans 18 mois. Les rebelles promettent de marcher sur N’Djamena et rejettent le CMT.
«Coup d’état institutionnel»
Le 21, Mahamat Idriss Déby concentre tous les pouvoirs en vertu d’une charte de transition. Une trentaine de partis de l’opposition dénoncent «un coup d’Etat institutionnel» et réclament «une transition dirigée par les civils». Le 25, les militaires refusent de négocier avec les rebelles, qui se disent ouverts à un cessez-le-feu.
Le 27, au moins six personnes meurent dans des manifestations interdites contre la junte. Le général Déby promet d’organiser «un dialogue national inclusif» durant une période de transition. Le 2 mai, la junte nomme un gouvernement de transition. Le 9, l’armée affirme que l’opération contre les rebelles est «finie».
Le 12 août, le gouvernement invite les groupes armés à participer à un «dialogue national inclusif» en novembre et décembre. Le 5 octobre, début des travaux d’un Parlement temporaire, avec des membres désignés par la junte, sans aucun représentant de la plateforme de l’opposition Wakit Tama, qui a refusé de soumettre des candidats. Fin novembre, la junte décrète une «amnistie générale» pour les rebelles et opposants condamnés notamment pour «atteinte à l’intégrité de l’Etat», pour permettre la participation des groupes armés au dialogue.
Fin 2021, le début du dialogue national est fixé au 15 février. En janvier dernier, le dialogue national est reporté à mai. D’autres reports suivront. Le 13 mars, la junte entame au Qatar des négociations avec de nombreux groupes rebelles. Le 25, le Qatar accepte le rôle de médiateur.
Le 6 juin, plusieurs responsables de l’opposition, poursuivis notamment pour «troubles à l’ordre public» après une manifestation contre la France, sont condamnés à un an de prison avec sursis. Mi-juillet, le dialogue de réconciliation est fixé au 20 août.
Le 23 juillet, plusieurs groupes rebelles annoncent reprendre les discussions avec la junte. Le 8 août, au Qatar, le chef de la junte signe un accord avec une quarantaine de groupes rebelles pour lancer un dialogue national le 20 août. Le FACT refuse de signer.