Des discussions sur la charte devraient rapidement s’engager désormais avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a suspendu le Burkina Faso de l’organisation, le 28 janvier, en raison du coup d’Etat. Elle avait demandé aux nouvelles autorités de présenter un calendrier «raisonnable pour le retour à l’ordre constitutionnel».
La période de transition avant un retour à l’ordre constitutionnel au Burkina Faso, où un coup d’Etat a eu lieu le 24 janvier, a été fixée à trois ans hier par des assises nationales qui ont rassemblé les «forces vives» du pays.
Une charte de la transition a été signée, sous les acclamations, par le chef de la junte, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, à l’issue de plusieurs heures de travaux des assises. «La durée de la transition est fixée à 36 mois à compter de la date de l’investiture du président de la transition», le lieutenant-colonel Damiba, stipule la charte qu’il a signée dans la nuit de lundi à mardi.
M. Damiba, qui a déjà prêté serment le 16 février devant le Conseil constitutionnel, sera investi aujourd’hui par les assises qui ont impliqué la junte, les partis, les syndicats, les organisations de la société civile, de la jeunesse, des femmes et des personnes déplacées par les attaques djihadistes qui frappent le Burkina Faso depuis 2015.
La charte stipule, par ailleurs, que le président de la transition «n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la transition». Cette disposition s’applique également aux 25 membres du gouvernement de transition dont «le Premier ministre est une personnalité civile». Outre le Président et le gouvernement, les organes de la transition comprennent un «Conseil d’orientation et de suivi de la transition», fixant «les grandes orientations de la politique de l’Etat», et une «Assemblée législative de transition» composée de 71 membres, selon la charte.
Elle précise que deux des principales missions de la transition seront «de lutter contre le terrorisme, restaurer l’intégrité du territoire national» et en «assurer la sécurité», et «apporter une réponse efficace et urgente à la crise humanitaire et aux drames socioéconomiques et communautaires provoqués par l’insécurité». Les violences djihadistes ont fait quelque 2000 morts et plus de 1,5 million de déplacés au Burkina depuis près de sept ans.
Élus salariés
La transition devra également «renforcer la gouvernance et la lutte contre la corruption». Outre le reproche d’impuissance face aux groupes djihadistes, le président renversé, Roch Marc Christian Kaboré, – en résidence surveillée à Ouagadougou depuis le putsch – était aussi accusé de ne pas avoir fait preuve d’efficacité dans la lutte contre la corruption.
La charte définitive a revu à la hausse plusieurs dispositions contenues dans un rapport d’une commission créée par la junte début février et dans le projet de charte discuté par les assises : transition de 36 mois au lieu de 30, gouvernement de 25 membres au lieu de 20, assemblée législative de 71 membres au lieu de 51. Tous seront payés, contrairement à ce que prévoyait initialement le projet. Abdoulaye Barry, analyste politique membre de la commission, a critiqué cette volonté d’avoir voulu augmenter le nombre de ministres et de se faire rémunérer : «ça veut dire que dans la lutte beaucoup sont là pour leurs propres intérêts, mais pas pour le peuple.»
Luc Adolphe Tiao, dernier Premier ministre de l’ex-président Blaise Compaoré, poussé vers la sortie par une insurrection populaire en 2014 après 27 ans au pouvoir, a au contraire salué «le bon esprit» ayant conduit à l’adoption de la charte, «car le Burkina Faso a besoin de travailler par inclusion et non par exclusion». «Les uns et les autres ont exprimé leur position sincèrement, ce n’était pas facile, mais nous avons abouti à un document consensuel», s’est quant à lui réjoui l’ancien chef de l’opposition, Eddie Komboïgo.
Des discussions sur la charte devraient rapidement s’engager désormais avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a suspendu le Burkina Faso de l’organisation le 28 janvier en raison du coup d’Etat.
Elle avait demandé aux nouvelles autorités de présenter un calendrier «raisonnable pour le retour à l’ordre constitutionnel». La durée des transitions est au cœur des négociations entre les pays de la région touchés par les putschs et la Cédéao qui réclame qu’elles soient les plus courtes possible. La Cédéao a jugé «inacceptable» celle de cinq ans fixée par le Mali et ne cesse de réclamer un calendrier à la Guinée qui refuse de se voir imposer un quelconque délai.