Au Mali, «l’armée et le groupe Wagner commettent des atrocités contre les civils». C’est le constat et le titre du rapport publié le 28 mars 2024 par Human Rights Watch (HRW). Selon l’organisation de défense des droits humains, depuis décembre, les Forces armées maliennes (Fama) et le groupe paramilitaire russe «ont illégalement tué et sommairement exécuté plusieurs dizaines de civils lors d’opérations de contre-terrorisme» dans le centre et le nord du pays. Au total, ce sont sept cas d’exactions qui sont documentés.
Comme à Konokassi, région de Ségou, où, selon Human Rights Watch (HRW), «un drone malien a bombardé une cérémonie de mariage en plein air», le 16 janvier dernier. Le lendemain, une nouvelle frappe survient dans le cimetière, au moment des enterrements. Bilan total : 14 tués, dont quatre enfants, mais aucun membre du Jnim, selon plusieurs témoins cités par le rapport et qui déplorent eux-mêmes être contraints de se soumettre au joug des djihadistes au quotidien. HRW détaille également le cas de 25 personnes, dont quatre enfants, arrêtées à Welingara, près de Nara, le 26 janvier dernier. Tous ont été retrouvés carbonisés dans une fosse commune. La veille, les soldats maliens et leurs supplétifs de Wagner avaient exécuté sommairement sept villageois à Attara, région de Tombouctou.
Les témoins interrogés par HRW expliquent que les Russes étaient plus nombreux que les Maliens, qu’ils ont exécuté des hommes non armés tentant de s’enfuir, et qu’ils ont ensuite pillé les boutiques du marché, emportant des marchandises et de l’argent. A Dakka Sebe et Nienanpela, dans la région de Ségou, Dioura et Gathi Loumou, dans la région de Mopti : Human Rights Watch documente encore d’autres cas et conclut que «l’armée malienne et les combattants du groupe Wagner ont fait preuve à l’égard des civils maliens d’une cruauté délibérée, qui devrait faire l’objet d’une enquête en tant que crime de guerre». L’ONG précise avoir contacté les ministères maliens de la Défense et de la Justice sur tous ces cas, sans obtenir de réponse.
Le Mali est, rappelle-t-on, engagé depuis longtemps dans un conflit armé avec des groupes armés terroristes liés à Al Qaîda et à l’Etat islamique.
Les récents abus ont été commis alors que les relations qu’entretient le Mali avec les Nations unies et les gouvernements ouest-africains voisins se sont fortement détériorées. En décembre, la mission de maintien de la paix de l’ONU, la Minusma, s’est retirée du pays à la demande des autorités militaires de transition du Mali, ce qui a suscité des inquiétudes quant à la protection des civils et à la surveillance des abus dans le pays.
En janvier, les autorités de transition ont annoncé que le Mali quitterait la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), ce qui priverait les victimes de violations flagrantes des droits humains de la possibilité de chercher à obtenir justice auprès de la Cour de justice de la Cédéao. «Non seulement le gouvernement militaire de transition du Mali, soutenu par la Russie, commet d’horribles abus, mais il cherche également à supprimer tout contrôle indépendant de sa situation en matière de droits humains», a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale sur le Sahel à Human Rights Watch. «Les autorités maliennes devraient de toute urgence collaborer avec des experts indépendants pour surveiller les violations des droits humains et veiller à ce que les responsables rendent des comptes.»
Les partis demandent un nouveau processus court de transition
Ouverte avec le coup d’Etat militaire d’août 2020 et déjà prolongée à deux reprises, la période de transition s’est officiellement achevée le mardi 26 mars. C’était la date arrêtée il y a deux ans par un décret présidentiel signé de la main du colonel Assimi Goïta lui-même. Mais depuis, l’élection présidentielle programmée le mois dernier a encore été repoussée. Aucune nouvelle date n’a été fixée. Les autorités maliennes de transition n’ont pas communiqué sur cette situation exceptionnelle et demeurent bien en place. Mais les partis politiques maliens, et pas seulement de l’opposition, les interpellent désormais les uns après les autres. La Synergie d’action pour le Mali s’inquiète du «vide juridique» dans lequel le pays est désormais «plongé». Cette coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile de l’opposition demande donc, à nouveau et sans surprise, «la mise en place d’une transition civile» et appelle «les forces vives de la nation» «à se joindre à cette lutte pour sauver la patrie en danger». Les activités de la Synergie ont été interdites par le gouverneur de Bamako en début de semaine, officiellement pour des raisons de sécurité. A. Z.