La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique. De nombreux ressortissants attendent toujours une place dans les longs convois de voitures blanches ou les bus qui partent en continu de Khartoum.
De nombreux pays ont continué, hier, à évacuer en masse leurs ressortissants du Soudan, au bord du «précipice», a averti le secrétaire général de l’ONU, et des forces paramilitaires qui ont déjà fait plus de 420 morts, cité par l’AFP. Explosions, raids aériens et tirs n’ont pas cessé depuis le 15 avril à Khartoum, la capitale de cinq millions d’habitants plongée dans le chaos, privée d’eau et d’électricité, où les pénuries de nourriture s’installent.
Hier, le syndicat des médecins a lancé un appel urgent sur Facebook : «Plusieurs quartiers de Khartoum sont bombardés, il y a des morts civils et une cinquantaine de blessés graves, tous les médecins proches doivent s’y rendre au plus vite». Les violences risquent d’ «envahir toute la région et au-delà », a mis en garde le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, en réclamant une nouvelle fois un cessez-le-feu pour «éloigner le Soudan du précipice».
Malgré le départ de nombreux ambassadeurs, diplomates et ressortissants étrangers, Volker Perthes, le chef de la mission de l’ONU, qui tente, depuis quatre ans d’obtenir des militaires au pouvoir une transition vers la démocratie civile, restera. «L’ONU ne planifie pas de quitter le Soudan», a-t-il annoncé. Les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants : l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).
Il a fallu «profiter d’une petite fenêtre d’opportunités», explique un porte-parole du gouvernement britannique. «Avec des combats intenses à Khartoum et la fermeture du principal aéroport», théâtre de combats dès le début du conflit, «une évacuation temporaire plus large était impossible».
Plus de 1 000 ressortissants de l’UE ont malgré tout été évacués, «un premier groupe» de Chinois, plusieurs dizaines de Sud-Africains et des centaines de ressortissants de pays arabes sont aussi partis, par la route, la mer ou les airs. Environ 700 employés internationaux de l’ONU, d’ONG internationales et d’ambassades «ont été évacués vers Port-Soudan», a indiqué l’ONU.
La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique. De nombreux ressortissants attendent toujours une place dans les longs convois de voitures blanches ou les bus qui partent en continu de Khartoum.
A l’arrivée à Djibouti, où sont stationnées de nombreuses troupes étrangères, des familles hagardes débarquent au milieu de militaires qui organisent l’incessant ballet des évacuations. Experts et humanitaires s’inquiètent maintenant du sort des Soudanais. «J’ai peur pour leur avenir», admet sur Twitter l’ambassadeur norvégien Endre Stiansen.
Incertitude
Les deux camps s’accusent d’avoir attaqué des prisons pour faire sortir des centaines de prisonniers et de piller maisons et usines. Des affrontements ont éclaté aux abords de plusieurs banques. Dans un pays où l’inflation est déjà à trois chiffres en temps normal, le kilo de riz ou le litre d’essence s’échange désormais à prix d’or. Or, le carburant est la clé pour s’échapper vers l’Egypte, à 1 000 kilomètres au Nord, ou pour rallier Port-Soudan et espérer monter dans un bateau.
«Alors que les étrangers qui le peuvent s’enfuient, l’impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique s’aggrave», prévient l’ONU, dont les agences, comme de nombreuses organisations humanitaires, ont suspendu leurs activités.
Cinq humanitaires ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service. Des Soudanais ont déjà fui en Egypte et au Soudan du Sud, qui compte 800 mille réfugiés au Soudan. Parmi eux, des femmes et des enfants traversent désormais dans l’autre sens, selon l’ONU. Au moins 20 mille Soudanais se sont réfugiés au Tchad, frontalier du Darfour.
Cette région, la plus pauvre du pays, a été ravagée dans les années 2000 par une guerre ordonnée par le dictateur Omar Al-Béchir, déchu en 2019, et menée notamment par les miliciens Janjawids, le gros des troupes du général Daglo. Aujourd’hui inaccessible, elle est de nouveau en proie aux pillages, attaques et exactions dans un pays où plus d’un habitant sur trois souffrait de la faim avant le conflit.
Celui-ci couvait depuis des semaines entre les deux généraux rivaux, alliés pour le putsch de 2021 mais qui ne sont pas parvenus à s’entendre sur l’intégration des FSR aux troupes régulières.