Crise au Niger : Niamey rompt sa coopération militaire avec Paris

05/08/2023 mis à jour: 03:24
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Une grande partie de l’opinion nigérienne soutien les militaires au pouvoir

Après la Centrafrique, la Mali et le Burkina Faso, c’est au tour du Niger d’annoncer la rupture de sa coopération militaire avec la France. 

Tard jeudi, dans un communiqué lu à la télévision, la junte militaire au pouvoir à Niamey et organisée autour du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie a dénoncé «les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec la France», dont un contingent militaire de 1500 soldats est déployé au Niger.

 «Face à l’attitude désinvolte et la réaction de la France relativement à la situation» du Niger, «le CNSP, décide de dénoncer les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense avec cet Etat», a déclaré un membre de ce conseil. 

Paris a répliqué peu de temps après que seules «les autorités nigériennes légitimes» peuvent dénoncer les accords militaires avec la France. «La France rappelle que le cadre juridique de sa coopération avec le Niger en matière de défense repose sur des accords qui ont été conclus avec les autorités nigériennes légitimes», a indiqué hier le ministère français des Affaires étrangères. Ces autorités «sont les seules que la France, comme l’ensemble de la communauté internationale, reconnaît», a-t-il ajouté, tout en «prenant note» du communiqué de la junte. 
 

Outre la dénonciation des accords militaires entre le Niger et la France, les programmes de Radio France Internationale (RFI) et de la chaîne de télévision d’information France 24 ont été interrompus au Niger. RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi. 

La décision du CNSP va être durement ressentie par la France qui voit son pré-carré africain rétrécir comme une peau de chagrin. Paris est concurrencée sur le continent par de nombreuses puissances parmi lesquelles il est possible de citer la Chine, la Turquie et la Russie et les Etats-Unis. A cela, s’ajoute la montée d’un sentiment anti-français en Afrique de l’Ouest. 
 

Pour le moment, il n’est pas question pour le nouveau pouvoir à Niamey de faire machine arrière, cela malgré qu’il subit d’importantes pressions au double plan régional et international. La seule concession que le CNSP consent à faire est d’organiser une transition «très courte» pour revenir à l’ordre constitutionnel. Pour les dirigeants du CNSP, il n’est toutefois pas question que le président renversé, Mohamed Bazoum, revienne au pouvoir. 

La communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) tente de son côté de convaincre les membres du CNSP de rentrer dans leurs casernes. Dans la nuit de jeudi à vendredi, une délégation de l’organisation ouest africaine, conduite par l’ex-président nigérian Abdulsalami Abubakar est repartie de Niamey après quelques heures. 

Si les émissaires n’ont pas rencontré le chef du CNSP, le général Abdourahamane Tiani, ni le président renversé Mohamed Bazoum, ils se sont tout de même entretenus à l’aéroport avec des militaires putschistes et ont évoqué «les dernières propositions de sortie de crise de la Cedeao», selon le quotidien gouvernemental nigérien Le Sahel. 

Le 30 juillet, la Cédéao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a donné jusqu’à demain dimanche aux putschistes pour rétablir dans ses fonctions le président Mohamed Bazoum renversé le 26 juillet, sous peine de d’utiliser «la force». 

Une réunion des chefs d’état-major de la Cédéao s’est tenue hier à Abuja, alors que plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à envoyer des soldats si une intervention militaire était décidée. Les miliaires au pouvoir à Niamey ont quant à eux promis une «riposte immédiate» à «toute agression» de la part d’un pays de la Cédéao. 

Les Etats-Unis, qui misent sur le Niger dans la lutte anti-terroriste au Sahel ont certes condamné le renversement du Président Mohamed Bazoum mais se sont gardés jusqu’à présent de parler de «coup d’Etat», se conservant une petite marge de manœuvre. 
 

Alors que la France apparaît en première ligne, ordonnant la suspension de son aide directe, les Etats-Unis restent, à ce stade, prudents. Washington considère en effet qu’il y a encore une «petite fenêtre» pour la diplomatie et le rétablissement du président Bazoum dans ses fonctions. «Nous n’avons aucune indication de menaces directes visant des citoyens américains ou nos 
installations» au Niger, a déclaré mardi 1er août le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby. «Nous n’avons donc pas changé notre posture concernant notre présence au Niger pour le moment», ni décidé d’une suspension de l’aide américaine, a-t-il affirmé. 

«Si on doit ajuster, on ajustera. Mais on n’y est pas encore», a ajouté le responsable en soulignant que les Etats-Unis «surveillaient la situation presque d’heure en heure». 

Le Pentagone a toutefois annoncé mardi avoir suspendu la «coopération sécuritaire» avec l’armée nigérienne, essentiellement des activités d’entraînement et de formation. Washington déploie au Niger 1100 militaires et y possède deux bases militaires. 

A l’instar de l’Algérie, le gouvernement allemand a appelé aussi hier à poursuivre les «efforts de médiation» pour trouver une issue politique et éviter toute intervention armée. Alger estime qu’une intervention militaire au Niger ne ferait que compliquer davantage la situation. «Il est peu probable que l’intervention de forces extra-régionales puisse améliorer la situation», a déclaré également aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, tout en appelant au «retour rapide à l’ordre constitutionnel» au Niger.

Le président déchu Mohamed Bazoum s’est de son côté exprimé jeudi soir, dans une tribune publiée par le quotidien américain Washington Post. Il a mis en garde contre les conséquences «dévastatrices» du coup d’Etat pour le monde et le Sahel, qui pourrait passer, selon lui, sous l’«influence» de la Russie par le biais du groupe paramilitaire Wagner. «J’appelle le gouvernement américain et l’ensemble de la communauté internationale à aider à restaurer l’ordre constitutionnel», écrit-il, «à titre d’otage», dans cette déclaration. M. Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle. 

Des milliers de personnes soutenant au CNSP ont manifesté jeudi dans le calme dans plusieurs villes nigériennes, à l’appel du M62, une coalition d’organisations de la société civile «souverainistes». Nombre d’entre eux scandaient des slogans critiques de la France. 

Hier matin encore, une centaine de manifestants originaires de plusieurs pays ouest-africains se sont réunis dans la capitale nigérienne pour protester contre toute intervention militaire au Niger. 

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