Crimes de l’ex-régime syrien : Appels à préserver les preuves

14/12/2024 mis à jour: 12:16
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La Croix-Rouge a estimé que les familles ne doivent pas céder à leur envie d’essayer de retrouver les corps de leurs proches

Les appels se sont multipliés au lendemain de la chute de l’ex-président Bachar Al Assad, afin de préserver les preuves des crimes de l’ex-régime. Etablie en 2011, la commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie a demandé, dimanche, à Hayat Tahrir Al Sham (HTC) et aux autres groupes armés de «faire très attention à ne pas perturber les preuves de violations et de crimes» en s’emparant des prisons, a rapporté le journal  français Le Monde. 

Selon cette commission, «tout au long de la guerre, les familles se sont mises en grand danger et ont versé des sommes exorbitantes en pots-de-vin à des fonctionnaires corrompus pour obtenir des nouvelles de leurs proches. Aujourd’hui, dans des vidéos récemment diffusées de l’intérieur des centres de détention, nous voyons des pièces avec des rangées d’étagères remplies de dossiers». 

Pour sa part, la Commission internationale des personnes disparues (ICMP), créée en 1996, a appelé à préserver ces archives, car les événements en cours pourraient avoir «un impact direct» sur la recherche de quelque 150 000 disparus. L’organisation juge «crucial que les preuves, documentaires et autres soient protégés lors de l’ouverture des prisons et des lieux de détention de masse, et également dans le cas où des lieux de sépulture et des lieux [de détention] clandestins seraient découverts». 

De son côté, la Croix-Rouge a estimé, mardi, que les familles des disparus en Syrie ne doivent pas céder à leur envie d’essayer de retrouver et d’exhumer elles-mêmes les corps de leurs proches, car cela pourrait empêcher de les identifier. La question des personnes disparues est «centrale aujourd’hui, mais aussi pour le futur», a affirmé le porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Christian Cardon, dans un entretien à l’agence AFP.

Alors que les familles sont à la recherche de leurs proches, vivants ou morts, il faut s’«assurer qu’il y ait un respect des cimetières et des autres lieux où des personnes auraient pu être enterrées», a souligné M. Cardon. «C’est fondamental, même si l’envie des familles est d’aller de leur propre gré dans certains lieux où elles n’auraient pas pu avoir accès au cours des années de conflit et de se débrouiller», a-t-il dit. Une équipe du CICR qui a pu se rendre dans la prison de Saydnaya, près de Damas, «a constaté que de nombreux documents relatifs aux détenus (…) avaient été endommagés et dispersés dans différentes pièces», a dit l’organisation sur le réseau social X. 

Le leader du HTS, Ahmed Al Charaa, s’est engagé, mardi, à châtier les auteurs d’exactions. «Nous allons annoncer une liste numéro un qui comprend les noms des plus hauts responsables impliqués dans les tortures contre le peuple syrien», a-t-il écrit sur Telegram. «Nous poursuivrons les criminels de guerre et demanderons qu’ils soient remis par les pays où ils se sont enfuis», a-t-il ajouté. Selon des médias libanais, plusieurs anciens dignitaires du pouvoir déchu se sont réfugiés à Beyrouth sous la protection du Hezbollah. 

Al Joulani a promis des récompenses à quiconque permettra la capture d’anciens responsables «impliqués dans des crimes de guerre». Il a précisé avoir «accordé l’amnistie» au personnel subalterne de l’armée et des forces de sécurité. L’ONU a demandé, lundi, que tous les auteurs et responsables d’exactions sous le «régime» de Bachar Al Assad en Syrie rendent des comptes dans le cadre du processus de transition politique à venir, et appelé à protéger les minorités. «Nous avons vu un régime chassé du pouvoir après des décennies de répression brutale et après près de 14 ans de conflit incessant», a déclaré le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, lors d’une conférence de presse à Genève.


Listes des criminels de guerre

Des enquêteurs de l’ONU ont établi des listes secrètes de milliers d’auteurs de crimes graves en Syrie et espèrent que la chute de Bachar Al Assad va permettre de poursuivre les coupables présumés au plus haut niveau. «Il est très important que les auteurs de crimes au plus haut niveau soient traduits en justice», a expliqué à l’AFP Linnea Arvidsson, qui coordonne les travaux de la Commission d’enquête des Nations unies sur la Syrie (COI). «L’accent devrait être mis sur ceux qui portent la responsabilité principale des atteintes [aux droits humains] commises depuis tant d’années, plutôt que sur les auteurs de moindre envergure», insiste-t-elle lors d’un entretien à Genève. 

La COI rassemble des preuves des crimes commis en Syrie depuis les débuts de la guerre civile en 2011 et a établi des listes de présumés auteurs. «Jusqu’à présent, nous avons environ 4000 noms sur ces listes», annonce Mme Arvidsson. Les listes n’ont jamais été rendues publiques, mais les enquêteurs ont partagé des détails avec les procureurs des juridictions concernées qui ont enquêté et engagé des poursuites contre des criminels de guerre syriens présumés. 

L’équipe a jusqu’à présent «coopéré à 170 enquêtes criminelles de ce type», conduisant à 50 condamnations pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Syrie. Mais pour l’instant, les plus hauts responsables n’ont pu être atteints. «Il y a désormais une opportunité pour qu’ils soient également tenus responsables», souligne-t-elle. 

Persona non grata sous Bachar Al Assad, la COI espère maintenant pouvoir se rendre en Syrie, après des années d’enquêtes à distance. «Nous avons documenté plus de 11 000 témoignages de Syriens, principalement des victimes… de violations, des survivants de détention et des témoins», raconte Arvidsson. L’ouverture des centres de détention confirme les informations amassées par la COI à distance. 

Déclenchée en 2011 par la répression de manifestations en faveur de la démocratie, la guerre en Syrie a fait plus de 500 000 morts, dont plus de 100 000 personnes ont péri dans les prisons syriennes, notamment sous la torture, estimait en 2022 l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). A la même date, l’OSDH estimait qu’environ 30 000 personnes avaient été détenues dans la prison de Saydnaya, dont seulement 6000 avaient été relâchées.

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