Contrevérités et dangereux amalgames du procureur de la CPI : Un peu de décence, Mister Khan !

03/06/2024 mis à jour: 02:53
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Photo : D. R.

A force de contorsions inouïes, le procureur de la Cour pénale internationale essaie de se réhabiliter devant un journal conservateur britannique. Il ne recule devant aucune contrevérité, uniquement pour essayer de plaire à ses détracteurs sionistes, américains et européens. Une vulgaire opération de com dans laquelle sont tombés de nombreux médias.

Alors que tout le monde s’attendait à ce que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) donnent suite à la demande du procureur d’établir des mandats d’arrêt internationaux contre Benyamin Netanyahu et son ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que contre trois responsables du Hamas palestinien, Karim Khan a essayé, au cours d’un entretien accordé au quotidien britannique The Sunday Times, de se défendre dans un exercice de contorsions inouïes.

Un exercice truffé de contrevérités, d’omissions volontaires, dans le but d’essayer de démentir les accusations dirigées contre lui, d’avoir un «double standard», dans l’appréciation des faits qui ont eu lieu depuis le 7 octobre 2023, à travers le génocide ordonné par Netanyahu. Un génocide qui se déroule sous les yeux du monde entier, dans la bande de Ghaza, et qui a occasionné, du fait des bombardements, de pilonnages par l’artillerie et d’incursions terrestres de l’armée sioniste, plus de 36 000 morts, dont plus de 16 000 enfants, et des dizaines de milliers de blessés.

Plus de 70% des infrastructures, écoles, hôpitaux, logements, ont été détruites. Des populations forcées, depuis des mois, à des déplacements incessants pour tenter de fuir la mort. Des drames quotidiens, des crimes de guerre commis tous les jours par une armée d’occupation en violation du droit humanitaire international et des Conventions de Genève, notamment en ce qui concerne la protection des populations civiles, mais qui ne semble pas avoir ému le moins du monde Karim Khan.

Ignorant superbement que depuis décembre dernier la Cour internationale de justice a rendu trois ordonnances concernant la situation à Ghaza. La première émise, suite à la saisine par l’Afrique du Sud, signalant que du fait de l’agression sioniste, on était en présence d’un plausible génocide. La seconde visait Israël auquel il a été ordonné de s’abstenir de prendre des dispositions pour éliminer tout élément pouvant intervenir dans la constitution de preuves qu’il y a bien eu génocide à Ghaza.

La troisième, enfin, de cesser le blocus visant à affamer la population civile de Ghaza et à la priver d’eau et de médicaments. Il faut bien admettre qu’on peut difficilement être procureur de la Cour pénale internationale et ignorer (comme le fait d’ailleurs tous les jours Israël) les décisions de la Cour internationale de justice, le droit international humanitaire et les Conventions de Genève !

Plus grave encore, M. Khan s’est livré à des circonvolutions incroyables devant le quotidien conservateur britannique, propriété de Robert Murdoch, The Sunday Times, pour essayer de se «blanchir» de toute accusation de parti pris lancée par la propagande sioniste israélienne, relayée par l’administration américaine du président Joe Biden et de quelques pays occidentaux.

Alors que l’on s’attendait à ce que le procureur de la CPI lance de nouveaux mandats d’arrêt contre la hiérarchie militaire sioniste, en premier lieu le chef d’état-major Herzi Halevi ainsi que des généraux et autres chefs de corps d’armée pour les crimes de guerre en série commis sur la bande de Ghaza, bien au contraire, il a encensé l’entité sioniste, affirmant qu’il n’est pas question pour lui de mettre «Israël avec sa démocratie et sa Cour suprême sur un pied d’égalité avec le Hamas».

Il y a là de quoi tomber à la renverse devant de tels propos et qui plus est sont tenus par un procureur international qui oublie que durant des mois au cours de l’année 2023 jusqu’à quelques jours avant l’attaque du 7 octobre, des centaines de milliers d’Israéliens sont descendus dans les rues pour contester la réforme de la Cour suprême envisagée par Netanyahu et les suprématistes de son gouvernement, avec l’appui des partis racistes de la Knesset ! De quelle démocratie parlez-vous, aurait-on envie de lui poser comme question, quant au Hamas, faut-il rappeler qu’il a remporté les élections à chaque fois qu’elles ont pu se tenir dans la bande de Ghaza.

Le double standard toujours présent

Encore un mensonge par omission qui n’est pas sans rappeler la réponse, toute honte bue, faite au moment fort de l’agression sioniste contre les Palestiniens, aux accusations de crimes de guerre commis par l’armée israélienne. Monsieur le procureur Khan s’est dit confiant dans le professionnalisme des militaires de l’entité sioniste, parce que suffisamment attachés aux questions éthiques morales et, par conséquent, incapables de commettre des crimes de guerre !

Il a prononcé de telles inepties au moment même où l’hôpital Al Shifa subissait les bombardements, les pilonnages de l’armée sioniste et que suite à ses incursions dans le secteur, les premiers charniers ont été découverts par les secouristes et les survivants palestiniens de ces massacres.

A Ghaza, là où le premier parmi les magistrats de la CPI n’a rien vu, ni rien trouvé à redire, par contre, en Ukraine, à Boutcha plus précisément, il a appelé à la constitution d’une commission d’enquête internationale pour faire toute la lumière sur ces «massacres et charniers». Alors que dans la bande de Ghaza, aussi bien les médias que les dirigeants occidentaux, dont fait partie Karim Khan, on évoque pudiquement et à demi-mot la découverte de «fosses communes».

Décidément, le double standard dans l’appréciation des deux tragédies a la vie dure ! Plus le procureur se défend de recourir à ce genre de confusions et d’amalgames, plus il s’enfonce profondément dans le parti pris évident. Notamment quand il dit faire la différence entre «bourreaux et victimes». Par victimes, il entend l’entité sioniste puissance coloniale et d’occupation, comme on le constate jusqu’à présent en Cisjordanie.

A la «victime», il invoque le «droit de se défendre», en commettant un véritable génocide contre les Ghazaouis qu’il ne veut pas voir et dont il ne veut pas en entendre parler. Encore moins, quand il invoque pour Israël «le droit de se défendre», un droit somme toute légitime ailleurs et dans d’autres circonstances, mais qui n’est qu’un droit abject de vengeance, justifié par la propagande sioniste contre les Palestiniens.

Quand il affirme de manière sentencieuse que personne n’a le droit de commettre des crimes de guerre, on comprend immédiatement qu’il vise en premier lieu le Hamas, et non pas Israël qu’il ménage à force de contorsions sémantiques. On est en droit de se demander en vertu de quel principe de droit ou de morale, rejette-t-il de manière aussi implicite que sournoise le droit des Palestiniens à se défendre contre l’occupant sioniste, leur droit à l’autodétermination et à un Etat souverain en Palestine ? Des positions de principe aujourd’hui reconnues au sein des instances internationales et qu’Israël, en tant que puissance coloniale, s’obstine à ne pas reconnaître, à tout faire pour empêcher leur concrétisation.

Non, encore une fois pour M. Khan, toutes les vies ne se valent pas ! Comme celle des 200 journalistes morts à Ghaza à cause des bombardements, des pilonnages et des tirs ciblés israéliens et pour lesquels une plainte a été déposée auprès de la CPI, dont il est procureur, par Reporters sans frontières et d’autres organisations non gouvernementales. Plainte qui est restée pour l’instant sans suite et à laquelle il ne fait pas la moindre allusion !

État démocratique ou  état d’apartheid

Le procureur de la CPI aggrave son cas de flagrant parti pris quand il dit qu’Israël est un Etat démocratique. Il oublie à dessein de rappeler qu’en vertu de la Loi fondamentale de 2018, l’entité sioniste est depuis «l’Etat-nation du peuple juif». Une citation reprise et complétée à chaque occasion par Netanyahu qui tient à préciser et «uniquement du peuple juif» ! Pour le commun des mortels, cela signifie que les 21% de la population israélienne non juive, c’est-à-dire essentiellement arabe palestinienne, n’ont pas leur place en Israël ou sont considérés comme des citoyens de seconde zone !

On ne peut pas, il faut l’avouer, être procureur de la Cour pénale internationale et méconnaître, voire ne pas reconnaître ou admettre, cet Etat de discrimination et de ségrégation dans lequel est enfermée la population arabe non juive d’Israël. Un Etat d’apartheid dénoncé par plusieurs organisations non gouvernementales, la commission des droits de l’homme des Nations unies…

Ainsi, l’organisation Amnesty International a diffusé, en 2022, un rapport détaillé sur «l’apartheid israélien contre le peuple palestinien». Il le qualifie, en outre, de «système cruel de domination et de crime contre l’humanité». Durant plusieurs années, l’ONG a enquêté sur le terrain, interrogé des juristes des représentants sociaux, compulsé des centaines de milliers de documents d’archives, sollicité des experts dans différents domaines, aussi bien en Israël qu’ailleurs, pour arriver à des conclusions effarantes.

Le rapport souligne, pour qualifier le système d’apartheid, que l’entité sioniste «a créé et entretient un régime institutionnalisé d’oppression et de domination systématique contre la population palestinienne, régime imposé en Israël et dans les territoires occupés, au moyen de lois, politiques et pratiques discriminatoires qui se cumulent». Un rapport qui analyse au plus près les situations de discrimination et de ségrégation dont sont victimes les Palestiniens.

Il souligne également que si l’apartheid d’Israël «prend diverses formes, ce système a toujours le même objectif, c’est-à-dire dominer et opprimer la population palestinienne, au profit des Juifs et des Juives qui sont privilégiés dans le droit civil israélien, quel que soit leur lieu de résidence». Telle est la réalité de cet Etat démocratique que défend, aveuglément, le procureur de la Cour pénale internationale qui semble ne pas connaître l’existence de tels rapports et déclarations d’ONG et des institutions internationales, comme l’Organisation mondiale de la santé ou la Commission des droits de l’homme des Nations unies.

 

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