Contre l’avis des habitants : La gare ferroviaire de Médéa démolie

14/08/2023 mis à jour: 03:10
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Photo : D. R.

Les appels pressants émanant des Médéens des quatre coins du pays et même de l’étranger n’ont finalement servi à rien.

Il y a un plus d’une année, les Médeens assistaient impuissants face à ce qu’ils qualifient toujours de bêtise humaine touchant au patrimoine de leur ville. Pire, la décision a été prise par les autorités locales, défiant même la volonté de la population quant à la préservation d’un lieu qui leur est cher.

Il s’agit là de la gare ferroviaire de Médéa, démolie pour qu’elle soit remplacée officiellement par un centre de santé. Aujourd’hui, la bâtisse de la gare n’est plus là et le projet du centre sanitaire n’est toujours pas lancé !

Les appels pressants émanant des Médéens des quatre coins du pays et même de l’étranger n’ont finalement pas servi à quelque chose... et ce contrairement à l’ancienne gare ferroviaire d’El Oued, où c’est carrément la ministre de la Culture (en 2020) qui a ordonné l’arrêt de la procédure de sa destruction suite aux appels de citoyens et du mouvement associatif.

N. Aouni, citoyen jaloux de l’ancienne capitale du Titteri se souvient du jour où la gare ferroviaire de sa ville est partie à néant, emportant avec elle des souvenirs et un repère inestimable pour la population. Une gare qui reliait Médéa à Blida et Alger au nord, ainsi que les villes de Berraouaghia, Ksar El Boukhari et Djelfa au sud. Même si elle était non opérationnelle depuis des décennies, sa sauvegarde était plus qu’indispensable pour que l’histoire puisse être racontée, preuve à l’appui, aux générations futures.

«Au cœur de la ville de Médéa, une tragédie silencieuse a frappé l’âme de la communauté locale : la perte irréversible de la gare ferroviaire de Médéa. Erigée au XIXe siècle, cette merveille architecturale a été le témoin d’une époque révolue, mais son démantèlement par l’administration a laissé un vide palpable dans le cœur des habitants.»

Il estime que la gare ferroviaire de Médéa «était bien plus qu’un simple bâtiment ; c’était une passerelle vers le passé, un lien tangible avec l’histoire de la ville et de ses habitants. Ses arcades gracieuses et ses détails minutieusement sculptés témoignaient d’un savoir-faire artistique qui ne peut être reproduit. Chaque mur portait les traces des générations passées et des histoires qui avaient été tissées le long des rails».

Pour N. Aouni, qui est d’ailleurs un fervent défenseur du patrimoine de Médéa, «c’est carrément l’âme de la gare qui résidait dans les souvenirs qu’elle avait accumulés au fil du temps. Des adieux déchirants, des retrouvailles joyeuses, des voyages vers l’inconnu et des retours au bercail avaient tous trouvé leur place sous son toit. Les habitants de Médéa partageaient un lien profond avec ce lieu, qui était devenu un symbole vivant de leur identité collective». Malheureusement, et malgré son importance culturelle et émotionnelle, la gare ferroviaire de Médéa a été victime de la décision de l’administration de la démolir, regrette-t-on.

D’ailleurs,  ce geste a «suscité une vague d’indignation parmi les habitants, qui avaient espéré que cette icône architecturale serait préservée pour les générations futures. La perte de la gare a laissé un sentiment de tristesse et de regret, car elle représente un fragment essentiel de l’histoire locale qui ne peut être restauré», relate notre interlocuteur.

De son côté, Abdelkader Teta, doyen des correspondants de presse à Médéa (80 ans), se souvient «du temps où le train était un moyen privilégié des déplacements des familles de la région de Médéa. Il était ancré dans les mœurs par les avantages qu’il offrait aux voyageurs sur tous les points de vue en particulier le prix du billet, la tranquillité et la sécurité. La gare de Médéa était encadrée par des responsables issus de Médéa, à l’exemple de Kalache, de Tassiste, etc. La passivité des élus locaux et de la société civile sont pour beaucoup dans cette dégradation et la clochardisation des vestiges historiques, et les exemples sont légion».

N. Aouni estime que le souvenir de la gare ferroviaire de Médéa continuera de hanter les rues de la ville, rappelant à tous ceux qui l’ont connue que le patrimoine est fragile et que les décisions prises aujourd’hui peuvent façonner l’avenir. Les photographies d’époque et les récits transmis de génération en génération seront les seuls vestiges tangibles de ce qui était autrefois un lieu vibrant d’activité.

Enfin, «le démantèlement laisse un vide culturel et émotionnel qui ne pourra jamais être comblé. Puissent les leçons tirées de cette perte servir de rappel que la préservation de notre patrimoine est un devoir collectif et que chaque brique, chaque colonne et chaque histoire racontée contribuent à tisser la trame de notre histoire commune», conclu N. Aouni. 

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