Contes & histoires : Le livre des Mille et Une nuits

30/03/2024 mis à jour: 17:04
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HISTOIRE DU VIZIR DU ROI IOUNANE ET DU MÉDECIN ROUIANE

 

Le roi fut accompagné par ses émirs, ses chambellans, ses vizirs et les chefs du royaume. A peine s’était-il rendu au meïdane que le médecin Rouiane arriva et lui remit le maillet, disant : «Prends ce maillet et empoigne-le de cette façon-ci ; frappes-en le sol du meïdane et la balle, de toute ta force, et fais en sorte que tu arrives à transpirer de la paume et de tout le corps. 

De cette façon, le remède pénétrera dans ta paume et circulera dans tout ton corps. Lorsque tu auras transpiré et que le remède aura eu le temps d’agir, retourne au palais, et va ensuite au hammam te baigner. Et alors tu seras guéri. Et maintenant que la paix soit avec toi !»
 

Alors, le roi Iounane prit le maillet du médecin et le saisit à pleine main. De leur côté, des cavaliers choisis montèrent à cheval et lui lancèrent la boule. Alors il se mit à galoper derrière elle, à l’atteindre et à frapper avec violence, en tenant toujours à la main le maillet fortement serré. 
 

Et il ne cessa de frapper la boule, jusqu’à ce qu’il eût bien transpiré de la paume et de tout le corps. 
Aussi, le remède pénétra par la paume et circula dans tout le corps. Lorsque le médecin Rouiane vit que le remède avait circulé dans le corps, il ordonna au roi de retourner au palais et d’aller au hammam prendre un bain immédiatement. 
 

Et le roi Iounane revint aussitôt, et ordonna qu’on lui préparât le hammam. 
 

On le lui prépara et, à cet effet, les tapissiers se hâtèrent activement et les esclaves se pressèrent avec émulation et apprêtèrent le linge. Alors, le roi entra au hammam et prit un bain, puis se rhabilla à l’intérieur même du hammam, d’où il sortit pour remonter à cheval et retourner au palais, y dormir.
 

Voilà pour le roi Iounane. Quant au médecin Rouiane, il revint se coucher à la maison, se réveilla le matin, monta chez le roi, lui demanda la permission d’entrer, ce que le roi lui permit, entra, baisa la terre entre ses mains et commença par lui déclamer quelques strophes avec gravité :
 

Si l’Eloquence te choisissait comme père, elle en refleurirait ! Et nul autre que toi elle ne saurait plus élire !
Ô rayonnant visage dont la clarté effacerait la flamme d’un tison ardent !
Puisse ce glorieux visage rester assez longtemps lumineux dans sa fraîcheur pour voir les rides sillonner le visage du Temps !
 

Tu m’as couvert des bienfaits de ta générosité comme le nuage bienfaisant couvre la colline !
Tes hauts exploits t’ont fait atteindre aux sommets de la gloire, et tu es le chéri du Destin qui n’a plus rien à te refuser !
 

Les vers récités, le roi se leva debout sur ses deux pieds, et se jeta au cou du médecin avec affection. Puis il le fit as- seoir à côté de lui, et lui fit cadeau de magnifiques robes d’honneur.
 

En effet, quand le roi était sorti du hammam, il avait regardé son corps et n’y avait plus trouvé trace de lèpre ; et sa peau était devenue pure comme l’argent vierge. Il s’était réjoui alors de la plus excessive joie, et sa poitrine s’était élar- gie et dilatée. 
 

Quand le matin s’était levé, le roi était entré au diwan, et s’était assis sur son trône : et les chambellans et les grands du royaume étaient entrés ; et aussi le médecin Rouiane : c’est alors qu’à sa vue,  le roi s’était levé avec empressement et l’avait fait asseoir à ses côtés. Alors, on leur servit à tous les deux les mets et les aliments et les boissons durant toute la journée. 
 

A la tombée de la nuit, le roi donna au médecin deux mille dinars, sans compter les robes d’honneur et les présents, et lui donna son propre coursier à monter. Et c’est ainsi que le médecin prit congé et retourna à sa maison.
 

Quant au roi, il ne cessait d’admirer prodigieusement l’art du médecin et de dire : «Il m’a traité par l’extérieur de mon corps, sans m’enduire de pommade ! Or, par Allah ! c’est là une science sublime ! Il me faut donc combler cet homme des bienfaits de ma générosité, et le prendre comme compagnon et ami affectueux pour toujours !» Et le roi Iounane se coucha joyeux de toute sa joie en se voyant sain de corps et délivré de sa maladie.
 

Traduit par DR Joseph-Charles Mardus
(A suivre)

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