Mais l’éfrit lui dit : «Assez abuser des paroles ! Sache qu’il me faut absolument ta mort !» Alors le pêcheur se dit en lui-même : «Moi, je ne suis qu’un homme, et lui est un genni ; mais Allah m’a donné une raison bien assise ; aussi, je vais arranger une combinaison pour le perdre, un stratagème de ma finesse. Et je verrai bien si lui, à son tour, pourra combiner quelque chose avec sa malice et son astuce.»
Alors il dit à l’éfrit : «As-tu vraiment décidé ma mort ?» L’éfrit répondit : «N’en doute point.» Alors il dit : «Par le nom du Très-Haut, qui est gravé sur le sceau de Soleïman, je te conjure de répondre avec la vérité à ma question !» Quand l’éfrit entendit le nom du Très-Haut, il fut très ému et très frappé, et répondit : «Tu peux me questionner et je te répondrai avec vérité.» Alors le pêcheur dit : «Comment as- tu pu être contenu tout entier dans ce vase qui peut à peine contenir ton pied ou la main ?» L’éfrit dit : « Est-ce que, par hasard, tu douterais de la chose ?» Le pêcheur répondit : «En effet, je ne le croirai jamais, à moins de te voir de mon propre oeil entrer dans le vase !»
Mais à ce moment Schahrazade vit apparaître le matin, et cessa les paroles permises.
Et lorsque fut la quatrième nuit
Elle dit :
Il m’est parvenu, ô Roi fortuné, que, lorsque le pêcheur dit à l’éfrit : «Je ne te croirai jamais, à moins de t’y voir de mon propre oeil !» l’éfrit s’agita, se secoua et redevint une fumée qui monta jusqu’au firmament, se condensa et commença à entrer dans le vase, petit à petit, jusqu’à la fin. Alors le pêcheur prit rapidement le couvercle de plomb empreint du sceau de Soleïman et en obstrua l’orifice du vase. Puis il héla l’éfrit et lui dit : «Hé ! estime et pèse le genre de mort dont tu préfères mourir, sinon je vais te jeter à la mer, et je me bâtirai une maison sur le rivage, et j’empêcherai quiconque de pêcher, en disant : Ici il y a un éfrit ; délivré, il voudra tuer son libérateur et lui énumérera les variétés de mort pour lui en laisser le choix !»
Quand l’éfrit entendit les paroles du pêcheur, il essaya de sortir, mais il ne le put ; et il vit qu’il était emprisonné avec, au-dessus de lui, le sceau de Soleïman. Il comprit alors que le pêcheur l’avait enfermé dans le cachot contre lequel ne peuvent prévaloir ni les plus faibles ni les plus puissants parmi les afarit ! Et, comprenant que le pêcheur le portait du côté de la mer, il dit : «Non ! non!» Et le pêcheur dit: «Il faut! oh ! il faut!» Alors, le genni commença à adoucir ses termes ; il se soumit et dit : «Ô pêcheur, que vas-tu faire de moi ?» Il dit : «Te jeter à la mer ! Car, si tu y as séjourné mille huit cents ans, moi je vais t’y fixer jusqu’à l’heure du jugement ! Car ne t’ai-je pas prié de me conserver pour qu’Allah te conservât ? et de ne pas me tuer pour qu’Allah ne te tuât point ?
Or, tu as repoussé ma prière, et tu as agi avec scélératesse ! Aussi, Allah t’a livré entre mes mains. Et je n’ai nul remords de te trahir !» Alors l’éfrit dit : «Ouvre-moi le vase et je te comblerai de bien- faits !» Il répondit : «Tu mens, ô maudit ! D’ailleurs, entre toi et moi, il se passe exactement ce qui s’est passé entre le vizir du roi Iounane et le médecin Rouiane !»
Et l’éfrit dit : «Mais qu’étaient le vizir du roi Iounane et le médecin Rouiane ? Et quelle est cette histoire ?»
Traduit par DR Joseph-charles Mardus
(A suivre)