Nous avons procédé à une analyse et une évaluation détaillées du Programme e-Algérie, en mettant l’accent sur les réalisations en matière de numérisation jusqu’au 31 décembre 2023. L’examen approfondi des actions qui ont pu être réalisées sous l’égide d’e-Algérie, s’est concentré sur des domaines clés tels que le développement économique, les télécommunications, l’intégration des technologies de l’information et de la communication dans l’administration publique, ainsi que la promotion de l’économie de la connaissance. Bien que nous ayons constaté des progrès notables, des lacunes persistent également.
En s’appuyant sur cette évaluation, nous avons formulé dix recommandations stratégiques. Elles visent à renforcer la nouvelle stratégie numérique de l’Algérie, en la rendant plus robuste et flexible et ainsi répondre aux défis de la prochaine décennie. C’est une synthèse des acquis passés projetés sur les innovations à venir, afin de répondre aux besoins actuels et à venir du pays dans le domaine du numérique.
Important : ces recommandations sont fondées sur les 13 axes stratégiques et non pas sur les secteurs spécifiques tels que les ministères. Pourquoi ? C’est pour préserver la vision stratégique et faciliter ainsi une interopérabilité naturelle entre les actions menées. Un ministère peut disparaître d’un remaniement à l’autre, quid alors de sa feuille de route et les actions inscrites ? Alors que si l’étude est basée sur les axes stratégiques majeurs, tels que décrits dans la première partie de cette étude, tout restera pertinent et constant quels que soient les secteurs.
Le tableau (01) présente un aperçu concis des progrès et des opportunités du Programme e-Algérie. Il met en lumière des recommandations clés pour l’avancement du numérique en Algérie, révélant à la fois des réalisations notables et des domaines nécessitant une attention future au 31 décembre 2023.
1. Capitaliser sur les Acquis
Le programme e-Algérie a certes enregistré des progrès notables surtout après la pandémie, notamment dans ces trois axes : le développement de l’économie numérique, le renforcement des infrastructures télécoms haut débit, et l’amélioration des compétences humaines. C’est ainsi que sur les 55 actions prévues initialement, 41 ont été menées à bien, tandis que les 14 restantes requièrent une exécution rapide, idéalement par le biais de partenariat public-privé. Une attention particulière a été portée à l’amélioration des infrastructures et technologies déjà en place.
Des initiatives telles que la modernisation du système de sécurité sociale grâce à la carte Chifa, l’intégration de services en ligne et l’interopérabilité que permet la carte Edahabia, les efforts des banques d’aller en ligne avec la flexibilité de BaridiMob sont exemplaires dans cette démarche. Ainsi que dans le domaine judiciaire, l’introduction de technologies numériques contribue à rendre les services plus efficaces et accessibles au plus grand nombre. Il est également primordial de reconnaître et valoriser l’expertise locale. Les compétences acquises au niveau national jouent un rôle central dans la stratégie numérique, en se concentrant sur des domaines tels que le commerce électronique, les services et le paiement en ligne novateurs, le déploiement de la fibre optique, finaliser la couverture de la 4G, entrevoir rapidement la 5G, et la formation spécialisée, y compris dans le domaine de l’intelligence artificielle.
2. Adopter les Innovations Technologiques
Sur 70 actions prévues pour le développement de l’économie numérique et le renforcement de la recherche et de l’innovation, 48 ont été réalisées. Pour les 22 restantes, il est conseillé de stimuler la recherche et le développement en collaboration avec les universités et les entreprises, en mettant l’accent sur des technologies à forte plus- value, comme l’IA et l’IoT. L’adoption de l’intelligence artificielle et de l’Internet des Objets est la clé pour moderniser les infrastructures et les services publics, par exemple, en améliorant la gestion du trafic urbain et en révolutionnant la gestion environnementale et l’agriculture à travers tout le pays. Pour encourager l’innovation, des initiatives telles que des subventions et des partenariats entre universités et industries sont essentielles. L’efficacité de ces technologies devrait être évaluée à travers le nombre et l’impact des projets innovants sur les services publics et le bien- être du citoyen. Il est nécessaire d’encore plus développer des programmes de formation en IA et IoT, en phase avec la mise en place des partenariats avec des institutions internationales et des cours en ligne, pour former les professionnels et éduquer le grand public pour faciliter leur acceptation et lever les résistances.
3. Renforcer la collaboration intersectorielle
Renforcer la collaboration intersectorielle est un pivot stratégique pour l’avancement numérique de l’Algérie, s’appuyant sur des axes fondamentaux : l’intégration des TIC dans l’administration publique, leur application dans les entreprises, et le renforcement de la coopération internationale. Avec 463 des 886 actions prévues déjà réalisées, l’achèvement des 423 restantes est primordial. L’interaction entre les secteurs public, privé, académique, et la société civile est essentielle pour stimuler l’innovation. Des partenariats entre universités et entreprises pour développer des applications de télémédecine pourraient révolutionner la santé publique, tandis que des initiatives conjointes pour créer des plateformes de commerce électronique pourraient booster l’économie. De plus, le développement d’applications éducatives interactives, combinant expertise académique et technologique, pourrait transformer l’approche de l’éducation en Algérie. Inclure les Algériens de l’étranger et organiser des forums réguliers pourraient apporter des perspectives fraîches, cruciales pour ajuster la stratégie nationale aux défis spécifiques du pays. Les actions essentielles incluent l’adoption des TIC pour partager les connaissances au sein de l’administration, encourager des partenariats innovants dans le secteur privé, et s’aligner sur les meilleures pratiques internationales grâce à la coopération internationale.
4. Synergie Administration-Entreprise
Dans les axes majeurs de l’usage des TIC dans les entreprises et l’utilisation des TIC dans l’administration publique, le progrès est notable avec 76 des 211 actions achevées. Cependant, 148 actions restent à accomplir, nécessitant une collaboration accrue entre l’administration et les entreprises. Pour renforcer cette synergie, plusieurs initiatives peuvent être envisagées. Par exemple, le développement d’une plateforme numérique unifiée permettant aux entreprises de gérer facilement leurs obligations administratives, telles que les déclarations fiscales et les demandes de licences, serait un pas significatif. Une autre application concrète pourrait être la mise en place d’un système d’échange de données électroniques entre les entreprises et les administrations, facilitant ainsi la transmission rapide et sécurisée des documents et des informations. En outre, la création d’applications mobiles dédiées pour les services publics, qui permettraient aux entreprises d’accéder à des services administratifs essentiels depuis leurs smartphones, est une autre avenue prometteuse. Ces applications pourraient inclure des fonctionnalités telles que le suivi des demandes en cours, des notifications pour les échéances importantes, et même des guides interactifs pour naviguer dans les procédures administratives.
5. Gouvernance et cadre réglementaire
Sur les 351 actions prévues pour consolider un cadre réglementaire solide en Algérie, 170 ont été réalisées, laissant 181 à finaliser. Un cadre législatif transparent et protecteur des droits des utilisateurs est crucial pour orienter les initiatives numériques. L’implication active de la société civile dans le processus législatif est un élément clé de cette stratégie. Un exemple concret est la publication proactive des projets de loi sur les plateformes numériques avant leur examen par les députés et sénateurs. Cette démarche permettrait aux citoyens de participer activement, offrant leurs retours et suggestions, ce qui favoriserait l’élaboration de lois en phase avec les réalités et les besoins actuels. Cette approche inclusive renforcerait la transparence et la responsabilité du processus législatif, tout en assurant que les nouvelles réglementations soient bien adaptées aux évolutions technologiques et sociales. En outre, la mise en place d’entités régulatrices modernes, avec des compétences spécifiques pour gérer des aspects tels que la validité des contrats électroniques, serait une avancée majeure. Ces ajustements réglementaires, en phase avec les meilleures pratiques internationales, garantiraient une gouvernance efficace et adaptée de la stratégie numérique algérienne, alignée sur les attentes et les besoins de la société pour les années à venir.
6. Inclusion numérique et accessibilité
Parmi les 19 actions ciblées dans les axes du Développement des mécanismes et mesures incitatives et de l’Information et communication, 11 ont été réalisées, laissant 8 à accomplir, avec un focus sur l’amélioration de l’accès aux technologies dans les zones rurales et défavorisées. Assurer l’accessibilité universelle aux services numériques, en particulier dans les régions où la connectivité est limitée, est crucial pour une inclusion numérique complète. L’extension de ces services vise à garantir cette inclusion pour tous.
Pour renforcer la connectivité dans les zones rurales, des partenariats seront établis avec des opérateurs télécoms et des organisations internationales, afin de développer l’infrastructure avec des technologies telles que la fibre optique et la 5G. Des formations en compétences numériques seront organisées dans ces régions pour faciliter l’accès et l’utilisation de la technologie. Des mécanismes de suivi et d’évaluation permettront d’ajuster les stratégies selon les besoins. Des kiosques numériques et des points d’accès communautaires seront mis en place pour améliorer l’accès aux services publics numériques dans les régions rurales.
Des campagnes d’information et de communication sensibiliseront le public aux avantages de la numérisation et seront adaptées pour être accessibles à divers segments de la population. Des mesures incitatives pour un accès subventionné aux équipements TIC dans les zones défavorisées et des campagnes de sensibilisation viseront à promouvoir l’utilisation des services numériques et à garantir leur accessibilité pour tous. A suivre
Par Dr Ali Kahlane
Senior consultant formateur
Stratégie et management numérique
Expert en IA, Cybersécurité et IoT
Ex Professeur de l’Ecole Militaire Polytechnique (Ex. ENITA)
*L’auteur de l’article a participé au travaux d’élaboration du programme e-Algérie, en tant que Président de l’Association des fournisseurs de services Internet dès 2008.