La Hongrie réclame de pouvoir procéder à une révision annuelle des fonds destinés à l’Ukraine (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons), mais les autres pays de l’UE ne veulent pas lui donner ces occasions régulières d’opposer son veto. Le dirigeant nationaliste est accusé de faire du chantage à l’UE pour obtenir le versement de fonds européens destinés à son pays.
L’Union européenne (UE) a proposé au Premier ministre hongrois, Viktor Orban, un débat annuel sur l’aide financière versée à l’Ukraine, dans l’espoir de le voir lever son veto à un soutien de 50 milliards d’euros, ont indiqué hier des responsables européens à la veille d’un sommet extraordinaire, rapporte l’AFP.
«Il y a une proposition (...) qui est clairement une main tendue à la Hongrie», a affirmé à des journalistes un diplomate européen sous le couvert de l’anonymat. Lors du sommet aujourd’hui à Bruxelles, les dirigeants européens vont tenter de convaincre Viktor Orban de renoncer à son opposition au versement de cette aide de 50 milliards d’euros sur quatre ans, dont Kiev a désespérément besoin.
La Hongrie réclame de pouvoir procéder à une révision annuelle de ces fonds (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons), mais les autres pays de l’UE ne veulent pas lui donner ces occasions régulières d’opposer son veto. Le dirigeant nationaliste est accusé de faire du chantage à l’UE pour obtenir le versement de fonds européens destinés à son pays mais actuellement gelés par Bruxelles, en raison des manquements à l’Etat de droit reprochés à Budapest.
La solution proposée par l’UE est d’organiser un débat annuel au niveau des dirigeants européens sur la mise en œuvre de l’aide financière à l’Ukraine, mais sans donner de possibilité de veto. Un haut responsable de l’UE a déclaré qu’il s’agit d’«un pas vers la Hongrie», tout en reconnaissant qu’à ce stade, il n’y a pas d’accord sur cette solution du côté des négociateurs hongrois.
Ce haut responsable s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a toutefois estimé qu’il y a «davantage de signes positifs» que fin 2023, quand Viktor Orban, contre l’avis des 26 autres chefs d’Etat ou de gouvernement, avait bloqué l’aide à l’Ukraine. S’ils ne parviennent pas à convaincre leur homologue hongrois, les autres dirigeants européens ont promis de trouver une solution pour continuer à soutenir financièrement l’Ukraine.
Par ailleurs, l’UE a demandé hier aux 27 un inventaire détaillé de leur soutien militaire à l’Ukraine. «Il est important de clarifier la situation et de savoir où nous en sommes et où nous en serons d’ici mars et d’ici la fin de l’année», a expliqué le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à l’occasion d’une réunion des ministres de la Défense de l’UE.
Les Européens se sont engagés l’an dernier à fournir un million d’obus à l’Ukraine d’ici la fin du mois de mars, mais cet objectif ne sera pas atteint à cette échéance, ont reconnu plusieurs ministres.
Cela «prendra un peu plus de temps», a indiqué la ministre néerlandaise de la Défense, Kajsa Ollongren. Les Européens ont déjà livré quelque 300 000 obus, et ils auront fin 2024 une capacité annuelle de production de quelque 1,4 million d’obus, assure le commissaire européen en charge de l’industrie de défense, Thierry Breton.
Cette capacité sera portée à deux millions en 2025, a-t-il ajouté. Mais une grande partie est exportée vers des pays tiers, au détriment de l’Ukraine en guerre, a reconnu cette semaine un haut responsable européen sous le couvert de l’anonymat. Interrogé sur les moyens éventuels de contraindre l’industrie européenne à livrer davantage d’armement vers l’Ukraine, T. Breton a indiqué que cette idée visant à «hiérarchiser les priorités» dans l’industrie de défense en Europe, au bénéfice de Kiev, a été suggérée, mais finalement pas reprise par les 27.
Un peu plus tard, Josep Borrell a déclaré que l’UE ne fournira que la moitié du million d’obus qu’elle s’est engagée l’an dernier à livrer à l’Ukraine d’ici la fin du mois de mars. «Nous avons déjà livré 330 000 obus», a-t-il expliqué devant la presse, à l’issue d’une réunion des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles. «Je m’attends à ce que ce chiffre augmente de 200 000 obus» d’ici fin mars, soit «un peu plus de 52% de l’objectif» fixé l’an dernier, a-t-il ajouté.
L’appel des cinq
Hier, les dirigeants allemand, Olaf Scholz, néerlandais, Mark Rutte, estonien, Kaja Kallas, tchèque, Petr Fiala, et danois, Mette Frederiksen, ont appelé les Européens à «redoubler leurs efforts» pour s’assurer que le soutien militaire à l’Ukraine dure «aussi longtemps que nécessaire».
«Nous devons donc trouver les moyens d’accélérer la livraison des munitions d’artillerie promises à l’Ukraine», ont-il écrit dans une lettre commune publiée par le quotidien Financial Times.
Le chef de la diplomatie européenne a mis sur la table des discussions une proposition de réforme de la Facilité européenne pour la paix, instrument utilisé par les Européens pour aider en commun l’Ukraine, afin de renforcer ces commandes à l’industrie.
L’idée est de passer du «déstockage actuel à des commandes groupées», a expliqué le haut responsable européen. Et l’Agence européenne de défense (EDA) est un «bon moyen pour augmenter la production», a-t-il assuré.
Celle-ci dispose d’un budget de quelque 1,5 milliard d’euros pour financer des commandes groupées à l’industrie européenne. Les ministres vont également discuter d’une augmentation du budget consacré à l’aide militaire à l’Ukraine. Joseph Borrell a proposé une enveloppe supplémentaire de cinq milliards d’euros.
Ces discussions auront lieu alors qu’une enveloppe américaine de soutien à l’Ukraine de 61 milliards de dollars est bloquée par des négociations entre démocrates et républicains au Congrès. La Maison-Blanche a dit et répété que sans rallonge budgétaire, il n’y aurait pas d’autres aides militaires à Kiev.