Conflit du Soudan : MSF annonce suspendre ses activités dans un camp du Darfour

25/02/2025 mis à jour: 22:40
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Depuis mai 2024, les FSR assiègent Al-Facher sans réussir à s'en emparer - Photo : D. R.

Le camp de Zamzam, le plus grand du Darfour, a été le premier endroit où l'état de famine a été déclaré au Soudan en août 2024.

L'ONG française Médecins sans frontières a annoncé  hier la suspension de ses activités dans le camp de déplacés de Zamzam frappé par la famine, dans l'ouest du Soudan, en raison des combats et des violences, rapporte l’AFP.

Ce camp, situé juste au sud d'Al-Facher, la capitale du Darfour-Nord, abrite au moins un demi-million de personnes, la plupart déplacées par la guerre entre les paramilitaires et l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane, déclenchée en avril 2023.

Il a été attaqué le 11 février par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigés par Mohamed Hamdane Daglo, et des combats ont suivi pendant deux jours dans le camp entre les FSR d'une part et l'armée et des milices alliées de l'autre.

«Malgré la faim généralisée et les immenses besoins humanitaires, nous n'avons d'autre choix que de prendre la décision de suspendre toutes nos activités dans le camp, y compris l'hôpital de campagne de MSF», a indiqué MSF dans un communiqué.

Ce camp, le plus grand du Darfour, a été le premier endroit où l'état de famine a été déclaré au Soudan en août dernier. Depuis mai 2024, les FSR assiègent Al-Facher sans réussir à s'en emparer.

Elles ont multiplié leurs attaques contre la ville et les villages environnants ces dernières semaines, forçant des milliers de personnes à fuir, selon l'ONU. L'hôpital de campagne de MSF, qui manque de services de traumatologie, a reçu 139 blessés lors des trois premières semaines de février, la plupart atteints par balle ou par des éclats d'obus.

Onze patients, dont cinq enfants, sont décédés, selon l'ONG. «Arrêter nos activités en pleine catastrophe qui s'aggrave à Zamzam est une décision déchirante», a déclaré Yahya Kalilah, chef de mission de MSF au Soudan. «Les conditions de sécurité les plus minimales ne sont actuellement pas réunies pour que nous puissions rester», a-t-il ajouté.

Un pays en voie de dépècement

La décision de MSF intervient alors que les FSR et leurs alliés au Soudan ont signé dans la nuit de samedi à dimanche à Naïrobi(Kenya) «une charte fondatrice» d'un gouvernement parallèle. Les signataires du document entendent créer un «gouvernement de paix et d'unité» dans les zones du Soudan contrôlées par les rebelles. Ils s'engagent selon le texte à «construire un Etat laïque, démocratique, décentralisé, basé sur la liberté, l'égalité et la justice, sans parti pris culturel, ethnique, religieux ou régional».

Le document ne précise pas où ce gouvernement parallèle sera installé, mais affirme encore qu'il visera à mettre fin à la guerre, à assurer l'accès sans entrave à l'aide humanitaire et à créer une «nouvelle armée nationale, unifiée, professionnelle», qui refléterait «la diversité et la pluralité» de l'Etat du Soudan.

Les Forces civiles unifiées, une large coalition comptant des partis politiques, des représentants de la société civile et des factions armées, ont confirmé  la signature de ce document, de même qu'un représentant des syndicats soudanais, Alaa Al-Din Nuqd, et une source proche des signataires.

Najm Al-Din Drisa, porte-parole des Forces civiles unifiées, a déclaré que ce gouvernement parallèle pourrait être formé «d'ici un mois» et que cette formation aurait lieu «au Soudan».  Une faction du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N) dirigée par Abdelaziz Al-Hilu et qui contrôle des parties des Etats du Kordofan et du Nil-Bleu a également signé le texte.

Mohamed Hamdan Daglo, chef des FSR, n'était pas présent mais son frère et n°2 des paramilitaires Abdel Rahim Daglo, a signé le document. Alaa Al-Din Nuqd a affirmé que l'objectif de ce gouvernement parallèle sera de combler les lacunes dans les services publics, comme l'accès aux documents officiels et à la monnaie, évoquant «la protection de la dignité» des civils touchés par le conflit.

Exécutions de masse

De son côté, le ministre soudanais des Affaires étrangères, Ali Youssef, a déclaré  que son pays «n'acceptera(it) pas» la reconnaissance d'un «gouvernement parallèle», lors d'une conférence de presse avec son homologue égyptien Badr Abdelatty au Caire.  «Nous n'accepterons pas qu'un autre pays reconnaisse ce qui est appelé un gouvernement parallèle», a déclaré A. Youssef.

La guerre a déchiré le pays : l'armée contrôlant l'est et le nord du Soudan, et les FSR dominant la quasi-totalité de la région occidentale du Darfour et des pans du sud du pays. Ces dernières semaines, l'armée a mené une offensive dans le centre du pays, reprenant des villes-clés et la quasi-totalité de Khartoum, la capitale.

La démarche politique des FSR vise selon les experts à renforcer leur contrôle sur le Darfour, entraînant de facto une division du pays. L'armée et les FSR sont accusées de crimes de guerre, mais les paramilitaires se distinguent par des exécutions de masse à caractère ethnique, des violences sexuelles et de graves violations des droits humains sur leurs territoires.

Le Kenya a été critiqué pour l'accueil de cette initiative par le gouvernement soudanais, qui a rappelé son ambassadeur à Nairobi jeudi, accusant le président William Ruto d'agir selon «ses intérêts commerciaux et personnels avec les sponsors régionaux de la milice», faisant manifestement allusion aux Emirats arabes unis.

Abou Dhabi est régulièrement accusé de soutenir les FSR, ce qu'il dément. Le mois dernier, le Kenya et les Emirats arabes unis ont signé un accord économique qualifié de «jalon historique » par la présidence kényane. Mercredi, le ministère kényan des Affaires étrangères a défendu son choix, affirmant que l'organisation de l'événement est «compatible avec le rôle du Kenya dans les négociations de paix, qui l'oblige à offrir des plateformes impartiales aux parties en conflit pour rechercher des solutions».

 

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