Comprendre le taux de change, les régimes de change et la politique de change

25/08/2024 mis à jour: 14:03
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Photo : D. R.

Le taux de change compte parmi les prix les plus importants dans une économie ouverte et son rôle de levier macroéconomique est fondamental.

Dans le contexte d’un mix macroéconomique combinant la politique monétaire, la politique financière (couvrant les banques et les institutions financières) et la politique budgétaire, la politique de change contribue de façon marquée au processus d’ajustement et de progression de l’économie, notamment en période de crise.

Si tous les citoyens sont plus ou moins familiers avec ce concept de taux de change, a contrario ses nuances diverses et son articulation en tant que politique macroéconomique n’est pas évidente et demeure complexe à saisir.

Poursuivant le travail de vulgarisation des grandes questions macroéconomiques lancé dans l’article paru dans ce journal en date du 18 août 2024, nous allons examiner toutes les facettes de ce concept et expliquer comment la politique de change doit désormais intégrer des considérations de court terme (stabilisation financière, adaptation aux chocs externes), mais aussi de long terme pour appuyer la croissance économique, le commerce international, l’emploi et même le développement durable.  

Eléments techniques de base. Retenons ce qui suit :   
Le taux de change, unité de valeur externe d’une monnaie. Chaque pays émet en général une monnaie à travers laquelle sont exprimés les prix des biens et des services qu’il produit ou importe (citons, entre autres, le dollar Etats-Unis, le yen japonais, l’euro des pays de la zone euro, la livre sterling du Royaume-Uni et le dinar algérien).

En tant que prix, il est normalement déterminé sur le marché des changes par l’interaction des ménages, des entreprises et des institutions financières qui achètent et vendent des devises étrangères pour effectuer des paiements internationaux. Deux manières de définir un taux de change nominal : (1) comme le prix de la devise nationale par rapport à une devise étrangère ; et (2) alternativement, comme le prix d’une devise étrangère par rapport à la devise nationale.

En outre, afin de déterminer le taux de change entre deux devises autres que le dollar américain, la monnaie de cotation de la plupart des échanges, les experts calculent un taux de change croisé. Il suffit d’abord de prendre comme base le taux de change bilatéral de chaque pays par rapport au dollar américain. Ensuite pour obtenir par exemple le taux de change (croisé) euro/yen, il suffit de diviser le taux de change dollar/yen par le taux de change dollar Etats-Unis/Euro.

Taux de change nominaux au comptant et à terme. Un taux de change au comptant est un taux coté pour dénouer des transactions dans l’immédiat (la mesure la plus souvent utilisée). A contrario, un taux de change à terme fait référence à des contrats signés au présent mais, soldés en devises à une date future prédéterminée (30, 60 ou 90 jours) et à un taux à terme convenu au moment de la conclusion du contrat. De telles opérations offrent des points de repère sur les mouvements futurs des taux de change.

Taux de change nominal et taux de change réel. (1) Un taux de change nominal bilatéral reflète la valeur relative de la monnaie locale vis-à-vis de la monnaie d’un partenaire commercial. Vu la multiplicité de ces derniers, la question se pose d’évaluer la solidité globale (ou faiblesse globale) de la valeur relative de la monnaie vis-à-vis de celles émises par tous les partenaires commerciaux d’un pays donné.

Ainsi, il est calculé un taux de change effectif nominal (TCEN) qui est un indice (non un prix relatif) de la valeur nominale au cours d’une période donnée d’une monnaie vis-à-vis de celles de tous les partenaires commerciaux.

Cet indice doit prendre en considération la part de chacun de ces partenaires dans les échanges extérieurs du pays ; (2) Un taux de change réel (TCR) est une mesure du prix relatif (ou du coût) des biens et services d’un pays par rapport à celui d’un autre (lorsque les deux sont exprimés dans la même monnaie).

Les variations du TCR traduisent les variations du coût relatif des différents paniers de production nationaux (ce qui peut entraîner des variations de la demande de ces paniers). Une appréciation du TCR se produit lorsque les biens nationaux deviennent plus chers par rapport aux biens étrangers, ce qui augmente le pouvoir d’achat de la monnaie nationale à l’étranger.

En revanche, les producteurs nationaux auront ainsi des difficultés à exporter leurs biens alors que les producteurs étrangers pourront écouler plus facilement leurs biens sur le marché intérieur. Le TCR est donc une mesure importante de la compétitivité internationale d’un pays. D’où l’importance de calculer un indice du taux de change effectif réel (TCER) qui évalue dans quelle mesure le pouvoir d’achat d’une monnaie particulière varie au fil du temps par rapport à un groupe d’autres pays.

Eléments institutionnels encadrant le taux de change. Si certains gouvernements laissent les forces du marché déterminer la valeur du taux de change, a contrario d’autres mettent en place des politiques spécifiques pour maintenir un certain niveau ou une trajectoire du taux de change de leur monnaie (achats ou ventes de devises de la part des autorités monétaires sur le marché des changes, ajustement des taux d’intérêt directeurs, etc.) ce qui d’une part rend les actifs financiers libellés en monnaie nationale plus ou moins attractifs par rapport aux actifs étrangers et d’autre part modifie la demande de monnaie nationale.

Définition d’un régime de change : Les actions, mécanismes et institutions associés à la détermination de la valeur et de la gestion du taux de change sont regroupés sous le concept de régime de change. Il n’existe pas de régime de change unique qui soit optimal pour tous les pays en toutes circonstances. Chaque pays choisit son régime (du fixe au flottant en passant par des régimes intermédiaires comme celui en place en Algérie).

L’objectif est de faciliter la détermination d’un taux de change adéquat, ce qui implique : (1) l’adaptation du régime de change à la structure économique du pays et à ses objectifs ; et (2) la mise en place de politiques crédibles et conformes aux choix du pays dans le contexte d’une ouverture économique et d’une diversification des sources de croissance. Le choix d’un régime de change qui répond à ces considérations favorisera, entre autres, les échanges extérieurs, la croissance économique et la création d’emplois et permettra d’amortir les chocs extérieurs.

Les différents régimes de change :  Le FMI distingue les régimes suivants en fonction de leur degré de flexibilité et de l’existence d’engagements formels ou informels sur les trajectoires du taux de change :  (1) recours à une monnaie nationale distincte (dollarisation): ce faisant, le pays renonce complètement à sa politique monétaire ;  (2) caisses d’émission : La monnaie nationale est strictement liée à une monnaie étrangère, limitant l’indépendance de la politique monétaire ; (3) parités fixes : la monnaie est ancrée à une autre monnaie ou un panier de devises, avec une fluctuation minimale autorisée ; (4) taux de change fixes avec bandes : la monnaie fluctue dans une bande plus large, permettant plus de discrétion en matière de politique de change ; (5) taux de change glissants : le taux fixe est ajusté périodiquement, limitant mais n’éliminant pas la flexibilité de la politique ; (6) bandes glissantes : la monnaie évolue dans une bande qui peut s’élargir avec le temps, offrant plus de flexibilité ; et (7) flottement dirigé : le taux de change est déterminé par le marché, la banque centrale intervenant si nécessaire, permettant une grande indépendance de la politique monétaire.
Déterminants des taux de change, inflation et politique monétaire. Ces trois points soulignent l’interaction du taux de change avec des variables macroéconomiques clés.

Précisons cela : Les déterminants du taux de change : Essentiellement deux : (1) les échanges de biens et services qui influencent le niveau de taux de change d’un pays à travers : (i) un excédent de la balance des transactions courantes qui entraine l’appréciation du taux de change puisque les entrées de devises sont supérieures aux sorties ; et/ou (ii) a contrario un déficit de la balance des transactions qui génère une baisse du taux de change puisque les sorties sont plus importantes que les entrées ; et (2) les différentiels de taux d’inflation et de taux d’intérêt qui contribuent à renchérir ou réduire les prix des importations et des exportations et influencer les entrées et sorties de devises.

Taux de change et inflation : La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un concept clé permettant d’évaluer l’évolution du taux de change en relation avec l’inflation. Essentiellement : (1) la PPA considère que le taux de change nominal entre deux devises reflète les pouvoirs d’achat relatifs de chacune d’entre elles ; et (2) un panier national de biens de consommation similaire au panier étranger de biens de consommation implique qu’une unité de la monnaie nationale a le même pouvoir d’achat dans le pays et à l’étranger.

Une variation du pouvoir d’achat d’une monnaie d’un pays à l’autre par rapport à la PPA reflète donc essentiellement des prix différents pour des biens similaires au niveau des différents pays (même après conversion dans la même monnaie) ainsi que des différences de préférences entre les consommateurs d’un pays à l’autre (ce qui peut conduire à des paniers de consommation différents). A terme, la PPA a tendance à se maintenir vu les forces économiques qui tendent à gommer les différences de pouvoir d’achat des monnaies entre les différents pays.

Une relation importante pour ce qui est des trajectoires de l’inflation et du taux de change à moyen et long terme. Régime de change et politique monétaire : La politique monétaire d’un pays entretient une relation étroite avec son régime de change.

Les taux d’intérêt d’un pays affectent la valeur de sa monnaie, de sorte que les pays dont le taux de change est fixe seront moins à même de mener une politique monétaire indépendante que ceux qui ont un taux de change flexible. Un régime de change entièrement souple rend d’autant plus efficace le ciblage de l’inflation et permet à une economie de s’ajuster par le biais du taux de change. Autrement, l’ajustement macroéconomique va reposer uniquement sur les seules politiques budgétaire et structurelle (qui prennent du temps à produire des effets). 

La politique de change comme levier macroéconomique en appui du commerce international et de la croissance économique. En fonction des circonstances économiques, des priorités politiques et du régime de taux de change du pays, la politique de change peut cibler une grande partie ou certains des objectifs ci-dessous : 

1. Objectif de stabilisation : (i) renforcer la stabilité du taux de change afin de réduire l’incertitude et promouvoir la stabilité économique ; (ii) assurer la stabilité des prix : ce qui implique de contrôler l’inflation en gérant le taux de change pour contenir les effets des chocs sur les prix à l’importation ; et (iii) maintenir la viabilité de la balance des paiements ce qui revient à atteindre une position durable de la balance des paiements pour assurer la liquidité internationale.

2. Objectifs macroéconomiques et macro financiers : (ii) préserver la compétitivité externe de l’economie : ce qui implique de maintenir un taux de change compétitif pour appuyer les secteurs d’activité nationale et booster les exportations ; (2) soutenir la croissance économique : en fixant un taux de change qui favorise l’investissement et le commerce international ; et (3) préserver la stabilité financière : en surveillant et en gérant les risques liés aux changes.

3. Objectifs externes : (i) gestion proactive des réserves internationales: à travers le maintien d’un niveau adéquat permettant de répondre aux obligations internationales du pays et de faire face aux chocs économiques ; (ii) solidifier la balance commerciale : en améliorant sa structure à travers un taux de change en mesure de promouvoir les exportations et réduire les importations ; et (iii) renforcer l’attractivité du pays  ce qui nécessite d’encourager l’investissement direct étranger au moyen d’un taux de change stable et compétitif.

4. Objectifs structurels : visant essentiellement à renforcer l’indépendance de la politique monétaire : ce qui implique de donner les moyens à la banque centrale de mettre en œuvre une politique monétaire indépendante en appui des objectifs économiques nationaux.

In fine, le choix d’une politique de change est complexe dans la mesure où les autorités doivent trouver un équilibre entre des contraintes à court terme (stabilisation financière, adaptation aux chocs externes) et des défis à long terme (développement économique, social et environnemental).

Dans ce contexte, il est important de comprendre les effets défavorables des politiques de dépréciation systématique des taux de change sur la pauvreté, la productivité des travailleurs et le changement climatique.

De plus, les politiques de change qui déclenchent une forte volatilité peuvent avoir un effet négatif sur la croissance. En dernière analyse, il est capital d’opter pour des politiques de change les mieux adaptées à la structure économique ainsi qu’aux défis économiques, sociaux et environnementaux du pays. 

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