En l’absence d’une réglementation, les compléments alimentaires fabriqués et importés envahissent le marché national.
Le marché des compléments alimentaires est en nette progression dans le monde et en Algérie, où il évolue sans aucun contrôle ni réglementation adéquate. Ces compléments sont classés comme denrées alimentaires par le ministère du Commerce, dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés.
La consommation des compléments alimentaires a atteint son apogée surtout lors de la pandémie Covid-19. En parallèle, des produits de tous genres fabriqués et importés et indiqués dans le traitement des maladies chroniques, telles que l’HTA et le diabète, le stress, les maladies de la peau, les problèmes sexuels... pour ne citer que ces pathologies, font office de compléments alimentaires et se trouvent sur tous le étals des grands marchés et dans certaines boutiques spécialisées en herboristerie.
D’ailleurs, vingt compléments alimentaires, dont des boissons énergisantes, des potions fortifiantes à base de miel, de plantes et autres produits présentés sous forme de gélule ou de sachet, sont désormais interdits à la vente. Le ministère du Commerce et de la Promotion des exportations précise dans un communiqué rendu public la semaine dernière que ces produits testés en laboratoires «sont nocifs pour la santé du consommateur et contenant des constituants non déclarés dans la composition». Ces produits sont souvent présentés sous forme de miel, de boisson, de confiture ou de chocolat, conditionnés dans divers emballages, et d’autres formes comme des petits sachets, des boîtes et flacons, signale le même communiqué.
Plus grave, ces produits portant le label «produit naturel» contiennent des composants chimiques utilisés dans l’industrie pharmaceutique. Le ministère du Commerce signale que «les analyses de laboratoire menées par les parties compétentes sur une variété de compléments alimentaires ont démontré que certains produits contenaient des composants chimiques utilisés dans l’industrie pharmaceutique, consistant essentiellement en des médicaments utilisés comme traitement de l’impuissance sexuelle, déconseillés sans l’avis d’un spécialiste, car contenant des constituants non déclarés dans la composition de ces produits».
Ce qui est qualifié par le ministère du Commerce de violation des dispositions de la loi 09-03 du 25 février 2009 relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes et du décret exécutif n°12-203 du 6 mai 2012 relatif aux règles applicables en matière de sécurité des produits tout en mettant en garde les consommateurs contre «ces produits non sûrs et dont la consommation pourrait représenter un danger pour leur santé».
Aussi appelle-t-il à leur boycott. Le ministère a également informé les commerçants concernés par la production et l’importation de «l’interdiction totale de proposer ces produits à la vente ou de les commercialiser pour un quelconque motif, en sus de l’interdiction de leur stockage en dépôts». Les commerçants disposant de ces produits sont appelés à les déposer auprès des directions du commerce et de la promotion des exportations de wilaya, et «toute violation des instructions exposera les auteurs à des sanctions rigoureuses stipulées dans les lois en vigueur», ajoute le ministère.
Un numéro vert 1020 est mis à la disposition des citoyens souhaitant obtenir des informations ou déposer une plainte à se rapprocher des directions du commerce et de la promotion des exportations de wilaya. Le président de l’Association nationale de protection et d’orientation des consommateurs et de leur environnement (Apoce), Mustapha Zebdi, affirme avoir tiré la sonnette d’alarme depuis des années sur la commercialisation et la publicité de ces compléments alimentaires.
«C’est un problème qui ne date pas d’aujourd’hui. Nous avons déjà signalé par le passé de nombreux produits dont des composants sont toxiques et aujourd’hui le marché est inondé de compléments alimentaires avec des composants chimiques comme le viagra qui est non sans conséquences sur la santé. Nous nous interrogeons comment ces produits arrivent jusqu’aux consommateurs sans être contrôlés.» Et de signaler que l’Apoce a de tout temps exigé une réglementation et un contrôle rigoureux de ces produits. «Il ne faut pas se contenter des analyses bactériologiques, mais il faut procéder à des examens approfondis pour s’assurer de la composition de chaque produit», a-t-il indiqué.
Pour le Dr Samir Kebour, pharmacien d’officine et phytonutrithérapeute, il est important de prendre au sérieux le dossier des compléments alimentaires. Ces produits qui font l’objet d’interdiction sont généralement vendus dans des magasins de produits alimentaires et autres échoppes.
«Nous ne commercialisons pas ce genre de produits au niveau de la pharmacie. Actuellement, les compléments alimentaires posent effectivement problème, car la réglementation n’a pas suivi le développement du marché de ces produits en Algérie, dont la consommation est en nette augmentation», a-t-il noté tout en précisant que ces produits, dont certains sont des vitamines alors que d’autres relèvent de la phytothérapie, sont toujours considérés comme denrées alimentaires soumis aux dispositions réglementaires exigeant les bonnes pratiques de fabrication et de commercialisation sans prendre en compte les composants.
«Les compléments alimentaires nécessitent aussi une réglementation spécifique rigoureuse pour protéger le consommateur et lui assurer une sécurité. Pour ce faire, les avis d’experts en la matière sont importants en prenant en compte ce qui se fait ailleurs et l’adopter au contexte national», a ajouté le Dr Kebour, qui estime qu’il est tout aussi important que les producteurs et les importateurs des compléments alimentaires aient au sein de leurs entreprises des pharmaciens directeurs techniques formés et spécialisés.
Comme il appelle à l’utilisation avec précaution de ces compléments alimentaires en prenant avis auprès des pharmaciens ou des médecins avertis et formés. Pour rappel, ce dossier des compléments alimentaires devait faire l’objet d’un texte réglementaire multisectoriel à l’issue d’une réunion interministérielle en 2018. Des propositions d’un groupe d’experts ont été présentées, mais sont restées sans suite. Toutes nos tentatives auprès du ministère du Commerce pour en savoir plus sur l’avancement de ce dossier sont restées vaines.