Commerce intra-africain et lutte contre le blanchiment d’argent : L’identification des bénéficiaires ultimes comme pièce maîtresse

21/08/2024 mis à jour: 00:04
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Photo : D. R.

Un forum de haut niveau sur la conformité devrait se tenir du 4 au 6 septembre à Dakar, au Sénégal, et ce, à l’initiative de la banque africaine d’import-export Afreximbank, en partenariat avec le Groupe d’action intergouvernemental contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba).

N’épargnant aucun pays, le blanchiment d’argent est devenu tel un virus endémique. Pour la recherche d’antidotes susceptibles de le neutraliser, des initiatives se multiplient et des mécanismes d’échange d’informations sur les circuits extraterritoriaux y afférents sont mis au point un peu partout dans le monde. On estime, aujourd’hui, qu’entre 800 et 2000 milliards de dollars, l’équivalent de 2 à 5% du PIB mondial, passent par un cycle de recyclage chaque année.

Certes, la corruption et les évitements fiscaux sont des facteurs aggravant de la grande délinquance financière. Mais la finance dite «noire», que les recycleurs réinjectent dans le circuit économique classique, s’avère plus nocive et difficilement contrôlable.

Et l’un des moyens de prévention les plus recommandés, voire exigés, actuellement par les organismes, institutions et ONG œuvrant pour la préservation de l’intégrité du système financier mondial n’étant autre que le procédé d’identification de l’Ultimate Beneficial Owner (UBO).

D’autant que les progrès techniques réalisés dans le domaine du commerce électronique, la mondialisation des marchés financiers et les nouveaux produits financiers s’avèrent être des facteurs favorisant le recyclage des produits des activités criminelles et la dissimulation du parcours de l’argent provenant de ces activités.

Ce concept d’UBO, ou bénéficiaire effectif, s’applique, selon l’Organisation mondiale de sécurité anticorruption (Omsac), à toute «personne détenant directement ou indirectement au moins 25% des actions ou des droits de vote de l’entité qu’elle possède ou contrôle».

La notion de «ownership» est cruciale, car «elle révèle qui, en fin de compte, profite des activités de l’entité et prend les décisions stratégiques importantes», explique cette organisation, basée à Lyon (France), spécialisée dans la prévention et la lutte contre la corruption, la criminalité, le blanchiment d’argent, la fuite des capitaux, la cybercriminalité, l’immigration clandestine et la traite d’êtres humains.

C’est justement la première fois que seront exhaustivement décryptés le rôle de l’UBO et les enjeux de son identification dans les systèmes de sécurité et de conformité des services financiers africains. Le contexte ?

Le Forum de haut niveau sur la conformité, qui devrait se tenir du 4 au 6 septembre à Dakar, au Sénégal, et ce, à l’initiative de la banque africaine d’import-export Afreximbank, en partenariat avec le Groupe d’action intergouvernemental contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba), annonce l’institution bancaire continentale.

Les exigences du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) en matière d’identification des bénéficiaires ultimes (UBO) et sur leurs implications considérables concernant la facilitation des échanges seront débattues lors de ce regroupement, qui vise à «améliorer le commerce global en Afrique et à s’aligner sur les normes internationales de réglementation et de conformité» et auquel sont attendus des représentants d’organes et d’institutions de prévention et de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, d’Egypte ainsi que de plusieurs autres pays africains.

L’IA dans le processus de conformité

Le GAFI, faut-il le rappeler, étant une organisation intergouvernementale qui promeut des normes mondiales afin de «prévenir le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et d’autres menaces à l’intégrité du système financier mondial et évalue si les pays s’y conforment et prennent des mesures efficaces».

D’ailleurs, l’un de ses mandats consiste essentiellement à «identifier et vérifier les UBO afin d’assurer la transparence et la responsabilité dans les transactions financières». Lors du Forum, devrait, en outre, être exploré le rôle transformateur de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus de conformité.

Les hôtes de Dakar, la plupart étant des banquiers centraux, des banquiers commerciaux, des agents de conformité, des experts en commerce ou encore des représentants d’institutions financières et des fournisseurs de technologie de toute l’Afrique, auxquels seront présentées les toutes dernières technologies en matière de conformité, échangeront également avec des délégués venant du Royaume-Uni, d’Europe, de Russie et des Emirats arabes unis autour des «stratégies permettant aux pays africains d’effectuer les réformes nécessaires pour être retirés de la liste grise du GAFI».

Pour les experts évoluant dans le domaine de la conformité et du contrôle, le Forum sera aussi une plateforme où ils pourront discuter de l’impact pratique sur la facilitation du commerce en Afrique des exigences liées à la conformité.

A ce sujet, le message de Shane Riedel, patron d’Elucidate, l’une des plus grandes agences et plateformes de quantification des risques de criminalité financière, basée à Berlin (Allemagne), est sans équivoque : «Avec la numérisation croissante et la complexité grandissante des transactions, le respect des réglementations internationales et locales est plus que jamais essentiel pour promouvoir la transparence, réduire la corruption et atténuer la fraude.

La communication de données précises et opportunes améliore la visibilité et la responsabilité dans les opérations de commerce et de paiement», avait-il déclaré en prélude au Forum africain dédié à la conformité.

Et il a, semble-t-il, raison : chez la quasi-majorité des responsables internationaux de la gestion des fraudes, de la lutte contre le blanchiment d’argent, du risque et de la conformité, dont des africains, interrogés sur la fraude et la criminalité financière axés sur l’IA, dans le cadre d’une enquête mondiale menée par BioCatch, leader mondial de la détection de la fraude numérique et de la prévention de la criminalité financière, la tendance est claire.

«Les criminels sont plus habiles à utiliser l’intelligence artificielle pour commettre des crimes financiers que les banques ne le sont à utiliser la technologie pour y mettre fin», fait, en effet, ressortir un rapport de BioCatch, publié en avril 2024.

Tout aussi préoccupant, y est-il souligné, «près de la moitié des répondants constatent une augmentation de l’activité criminelle financière en 2023, et s’attendent à une augmentation de celle-ci en 2024».

D’où l’appel à «une meilleure conformité pour générer un meilleur commerce intra-africain» du premier responsable de la conformité à l’Afreximbank, institution financière multilatérale panafricaine dédiée au financement, à la facilitation et à la promotion du commerce intra et extra-africain : «La conformité commerciale est une responsabilité pour toutes les entreprises et est particulièrement importante pour celles qui importent et exportent.

Elle garantit la circulation rapide des marchandises à travers les frontières. Le poids des pressions réglementaires actuelles rend les contrôles de conformité commerciale particulièrement importants pour atténuer les risques.»

Et le Forum de Dakar devrait, indéniablement, aider à «améliorer le commerce intra-africain et soutenir le commerce global de l’Afrique avec le reste du monde en s’alignant sur les normes internationales en matière de conformité afin de renforcer la crédibilité et créer un commerce global sûr». 
 

 

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