Plus de 16 millions de cartes de paiement seront mises à disposition à l’horizon 2024 et plus d’un million de commerçants seront équipés de terminaux de paiement. Mais face à cette volonté de rattraper le retard, plusieurs freins continuent à ralentir ce processus.
Le gouvernement a tracé un programme visant à accélérer le processus de modernisation des systèmes de paiement. Plus de 16 millions de cartes de paiement seront mises à disposition à l’horizon 2024 et plus d’un million de commerçants seront équipés de terminaux de paiement. Mais face à cette volonté de rattraper le retard, plusieurs freins continuent à ralentir ce processus.
La loi de finances 2022 a ramené la taxe à valeur ajoutée sur le commerce électronique à 19%, alors que le pourcentage était de 9%. Une décision qui risque de remettre en question les efforts déployés pour faire accepter aux Algériens ce nouveau mode de paiement pourtant inscrit comme axe stratégique et prioritaire dans le plan d’action du gouvernement.
C’est en 2018 que le gouvernement algérien a fait voter un cadre juridique en matière de commerce électronique. La loi 18-05 du 10 mai 2018 relative au commerce électronique définit le e-commerce, aussi appelé «commerce électronique» comme l’activité par laquelle un e-fournisseur propose ou assure, à un e-consommateur, à distance et par voie de communications électroniques la fourniture de biens et de services.
Hausse des transactions via internet
Les transactions de paiement via internet ont connu en 2019 une hausse inédite de 51,5%, portée notamment par le boom des achats en ligne des billets d’avion et l’émergence des prestataires de services sur le web algérien. Les opérations de paiement électronique ont connu un développement remarquable, les opérations ont presque doublé : 8 milliards de DA se sont échangés en 2021 contre 4 milliards en 2020.
Les transactions via internet ont considérablement augmenté depuis le début de la crise sanitaire que vit le pays du fait de la propagation de la Covid-19. Ce résultat est rendu possible grâce au travail et la collaboration de plusieurs parties prenantes au projet de la mise en place d’une infrastructure stable et sécurisée.
Le directeur général du GIE Monétique a fait savoir que la plateforme d’intégration du paiement électronique «CIBWEb.dz» a permis de certifier 153 web-marchands dont des grandes entreprises publiques et privées qui ont ingéré le paiement électronique sur internet auprès de leurs clientèles détentrices des cartes bancaires et postales.
Madjid Messaoudene a ajouté que le GIE monétique avait reçu plus d’une centaine de demandes émanant d’acteurs économiques et commerciaux voulant être certifié et homologué en tant qu’acteurs web-marchand. Cet intérêt démontre, a-t-il souligné, «la confiance des usagers manifestée à l’égard du système de paiement en ligne qui est sécurisé par l’installation des infrastructures techniques aux standards internationaux».
L’accord de l’interopérabilité entre Algérie Poste et les réseaux interbancaires est un bond en avant pour inciter davantage les Algériens à utiliser leur carte. Certes, des avancées ont été réalisées mais il existe aussi des retards accumulés en matière de paiement électronique.
Avant, il y avait deux réseaux : celui qui réunissait l’ensemble des distributeurs automatiques et des TPE d’Algérie Poste et le réseau bancaire et 40 000 commerçants équipés de TPE ainsi que 170 web marchands.
De son côté, Baya Hanoufi, directrice générale d’Algérie Poste, a fait état «d’une évolution par rapport aux porteurs de cartes Edahabia de plus de 200% sur les transactions de retraits et une évolution de plus de 400% pour les terminaux de paiement. Cela a permis de désengorger considérablement les agences d’Algérie Poste, sachant que la majorité des opérations effectuées au sein de nos agences concernent le retrait d’argent et le paiement des factures (eau, électricité, gaz et téléphones».
Algérie Poste a distribué à ce jour plus de 8 millions de cartes Edahabia et édité en moyenne 150 000 cartes par jour. L’opérateur postal a 24 millions de compte CCP.
L’interopérabilité est nécessaire et importante, notent les spécialistes. Elle peut cependant être étendue au-delà du guichet, au niveau des paiements, des virements instantanés interbancaires.
La communication, le maillon faible
«Il nous manque beaucoup par rapport à la communication. En dépit des efforts que nous avons déployés sur les réseaux sociaux, il reste beaucoup à faire. Nous avons réactivé notre centre d’appel 15-30 en mettant la ressource qu’il faut. Il enregistre plus de 500 appels/jour», met en exergue Baya Hanoufi.
Et elle précise : «C’est vrai qu’aller vers des transactions en ligne et ne pas trouver quelqu’un pour nous répondre par rapport à nos problématiques est vraiment désolant. Nous sommes sur le point de parachever tout un programme de formation et de sensibilisation au niveau de notre réseau postal composé de 4000 agences et 28 000 employés. Nous pensons que le client qui veut faire des transactions électroniques doit trouver toutes les réponses à ses questions le plus rapidement possible.
Plusieurs actions sont mises en place. Je pense que le client algérien adhère facilement à toutes ces nouvelles technologies, il faut lui offrir du contenu, l’effort est à faire du côté des web marchands. Le client adhère dès qu’il trouve la facilité et la convivialité». Elle ajoute : «Nous offrons différents canaux, celui qui veut aller faire des paiements électroniques au niveau des guichets automatiques, ce n’est pas un DAB où on ne fait que du retrait. Il y a la possibilité par exemple de faire des recharges électroniques de téléphonie».
«Baridi Mob» est une application mobile qui met à la disposition des clients un panel de services monétiques et financiers postaux d’Algérie Poste. Elle contribue à optimiser le temps, gérer le compte CCP et les opérations en libre-service, de n’importe où et à n’importe quel moment. Elle connait un vrai succès avec plus d’un million de téléchargements et une moyenne de 800 000 recharges par mois.
Pour Nawel Benkritly, DG de la Satim, «très souvent, on est tenté d’acheter avec la carte car c’est beaucoup plus facile, aujourd’hui et grâce à la pandémie, il est beaucoup plus facile d’acheter un billet d’avion sur le site web que d’aller en agence, c’est normal, ça va avec l’évolution du réseau».
Pour elle, «il y a des programme de développement de l’activité, notamment la fidélité, aujourd’hui, nous ne n’utilisons pas, alors qu’on peut l’utiliser des deux côtés (circuit bancaire, Algérie Poste et commerçants), il y a des programmes à développer, les webmarchands sont aussi outillés, il est facile de faire la notion de carte cadeau sans autant qu’elle soit adossée au paiement. Elle permet de cumuler des points, d’avoir des avantages de livraison par exemple et aussi des produits gratuits.
Elle se développe en coordination avec les enseignes (web marchands) et le secteur bancaire et la Poste, aujourd’hui, tout est possible dans la limite de la légalité, rien ne nous empêche de programmer des campagnes de communication conjointes pour développer la communication qui n’est pas à la hauteur de nos ambitions». Certaines banques sont aujourd’hui sur les grands médias et journaux, mais cela reste des initiatives personnelles.
Les commerçants peuvent faire de la communication, ce qui est reproché au secteur bancaire et à la poste peut être reproché aux grandes enseignes qui doivent participer à cet effort de communication. «Nous pouvons mener des campagnes conjointes, la volonté est là, il reste à mener les initiatives», ajoute-t-elle.
La mise en œuvre des mesures favorisant ces achats (comme une TVA à taux réduit) ont participé au succès du commerce électronique et du e-paiement. Aujourd’hui, la situation change, cependant, et la 6e édition du Forum «Rakmana», organisée le 19 janvier à Alger par le Groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN), a été une occasion de débattre de la situation et des contraintes rencontrées par les acteurs duʼe-commerce et le e-paiement en Algérie.
Des voix se sont élevées pour une révision globale de la loi relative au commerce électronique du 10 mai 2018 et souhaitent pouvoir de nouveau bénéficier du taux réduit, voire d’une exemption de taxe sur les achats en ligne afin d’encourager ce secteur. Dans une récente déclaration à El-Watan, Younès Grar, consultant en TIC, avait préconisé de prendre ce qu’il a appelé des «mesures d’intéressements» et propose que toute transaction électronique «ne soit pas imposable, ne serait-ce que les premières années».
Une exemption fiscale faciliterait la transition vers une situation où les transactions en ligne seront courantes. Or actuellement, le commerce et le paiement électroniques demeurent l’apanage des grands facturiers qui accaparent le gros des transactions en ligne.