Le principe de la primauté du politique sur le militaire, une des résolutions du Congrès de la Soummam chère aux congressistes, est rappelée à travers le discours des partis et les slogans des participants.
Il est 8h45. Le village Ifri, dans la commune d’Ouzellaguène (à 43 km à l’ouest de Béjaïa), s’apprête à accueillir le pèlerinage annuel des citoyens vers ce haut lieu de l’histoire, qui a abrité le Congrès de la Soummam en 1956. Le rendez-vous se déroule dans un contexte politique marqué par un rétrécissement du champ des libertés, depuis la fin du hirak.
Ce n’est pas, certes, l’affluence d’antan. Ce 66e anniversaire du Congrès de la Soummam n’a pas connu la mobilisation des foules habituelles. La démobilisation est perceptible au vu du nombre, surtout, des militants et des sympathisants drainés par les partis politiques.
Alors que le secrétaire général de la wilaya de Béjaïa, conduisant une délégation d’officiels et de parlementaires, visite le musée d’Ifri, un groupe de hirakistes fait irruption sur l’esplanade du monument. Les gendarmes en faction devant le mémoriel se retirent pour éviter tout incident.
Pendant qu’on scandait les traditionnels slogans du mouvement citoyen, un autre groupe, qui se définit comme étant «le comité de sauvegarde du FFS» (CNS), accroche une large banderole bleue portant le nom de ce comité, qui renferme essentiellement quelques dissidents du parti de feu Hocine Aït Ahmed.
Les deux protagonistes n’ont pas caché leur désaccord quant aux orientations de l’actuelle direction, dont les militants ont éprouvé beaucoup de mal à installer leur scène.
«Otage entre un pouvoir autoritaire et des populistes sans envergure politique, le pays se trouve dans un statu quo mortifère, aggravé par une situation socioéconomique désastreuse et des défis sécuritaires et géostratégiques immenses», a déclaré d’emblée le premier secrétaire national du FFS, Youcef Aouchiche.
Constatant l’immobilisme et le manque d’entrain et de volonté politique des décideurs quant à la recherche d’une issue politique à la crise nationale, le FFS estime que le pouvoir «doit cesser les ruses et les louvoiements et se rendre à l’évidence, car s’obstiner à vouloir continuer dans sa gestion autoritaire et unilatérale des affaires du pays, sans projections ni visions globales, c’est prendre le risque d’échouer, mais plus grave, d’alimenter toutes les stratégies de déstabilisation du pays».
A ce propos, il réitère son attachement à la construction d’un consensus national qui est devenu, aujourd’hui, vital aux yeux des militants du plus vieux parti de l’opposition.
Motivé par la recherche d’une issue politique à la crise, le FFS, insiste l’orateur, est convaincu que «seul un consensus national, fruit d’un dialogue inclusif, responsable et transparent, pourra garantir la stabilité politique, le développement économique, la prospérité sociale, donc la sécurité nationale. Il s’agit d’une question centrale et d’une exigence à la fois historique et politique à même de garantir et de rendre irréversible le changement vers la démocratie et la bonne gouvernance et d’envisager alors une nouvelle Algérie qui se construira avec les Algériens».
Il appelle en cette date symbolique tout le monde à «s’élever au-dessus des considérations étroites et conjoncturelles pour se hisser à la hauteur des aspirations populaires et leur donner les prolongements politiques indispensables à la construction d’une véritable alternative démocratique».
Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie, Atmane Mazouz, s’est déplacé quant à lui à la tête d’un groupe de militants coiffé de drapeau national et amazigh pour déposer une gerbe de fleurs, avant de prononcer un court discours, à peine audible, au milieu des cris des hirakistes. «Algérie libre et démocratique», scandaient-ils en se dirigeant vers le lieu de recueillement.
Cette halte historique de la commémoration de la charte de la Soummam doit être, pour le RCD, «celle de l’engagement pour exiger la libération des citoyens qui croupissent en prison pour avoir pacifiquement exprimé leur opinion dans leur pays».
Car, écrit Atmane Mazouz dans son appel, «nous sommes face à un pouvoir qui ne cesse de provoquer des fractures sans limites dans la société et qu’il va falloir stopper par notre lucidité, courage et union. Nous le devons par fidélité à nos engagements et à notre combat». L’urgence, insiste-t-il, «est de libérer les victimes d’abus des cachots du régime et d’empêcher que les forfaitures se reproduisent durablement».
Des militants empêchés de rejoindre le musée d’Ifri
Des leaders de parti et des militants politiques ont été arrêtés par les services de sécurité à Ighzer Amokrane, alors qu’ils se rendaient au village Ifri, dans la commune d’Ouzellaguène, pour participer à la célébration du 66e anniversaire du Congrès de la Soummam.
Selon nos informations, Fethi Guerras, coordinateur national du MDS, Messaouda Cheballah, Ouahid Benhalla et Habib Ould Malha, des dirigeants du MDS, le porte-parole de l’UDS (parti non agréé), Karim Tabbou, ont été interceptés par les forces de l’ordre au chef-lieu communal avant d’être embarqués dans des fourgons cellulaires. N. D.