Colloque international sur le penseur algérien le plus connu au monde au 26e Salon international du livre d’Alger : Appel pour «lire et relire» l’œuvre de Malek Bennabi

06/11/2023 mis à jour: 09:34
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Photo: B. SOUHIL

Le 26e Salon international du livre d’Alger (SILA), clôturé le samedi 4 novembre 2023, a célébré le penseur algérien Malek Bennabi, cinquante ans après son décès.

 

C’est une expression de fidélité à un homme qui a livré sa vie à l›islam et son pays l›Algérie», a souligné Mohamed Iguerb, commissaire du SILA, lors d’un colloque international consacré à l’auteur de Les conditions de la renaissance.

Soraya Mouloudji, ministre de la Culture et des Arts, a évoqué le riche legs laissé par Malek Bennabi, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, écrits à partir de 1947. «Bennabi était porteur d’un projet civilisationnel, étudié, à ce jour, par tous les penseurs travaillant dans le champ intellectuel arabo-islamique et dans les universités à l’échelle mondiale. 

Nous renouvelons le serment avec les stars de l’Algérie dans les domaines de la pensée, des arts et de la littérature. Il s’agit de s’intéresser de près à toutes leurs œuvres (...) Le projet critique et intellectuel porté par Malek Bennabi n’a pas seulement besoin d’être rappelé et évoqué, mais plutôt d’être généralisé et simplifié dans son ensemble pour être présenté aux nouvelles générations, en particulier aux étudiants dans les domaines intellectuels et culturels, compte tenu de la vision profonde qu’il présente», a-t-elle dit, dans une allocution, lue en son nom par Tama Tidjani, directeur du livre au ministère de la Culture.
 

«Une école de pensée algérienne authentique»

Malek Bennabi a, selon elle, livré une lecture savante et distincte sur la construction civilisationnelle des sociétés. «C’est une école de pensée algérienne authentique cherchant toujours un avenir plus radieux pour la nation selon une lecture efficace des acquis des connaissances historiques et des derniers outils cognitifs», a-t-elle dit.

Amina Mahmoud Abou Hatab, universitaire palestinienne, a, pour sa part, qualifié Malek Bennabi de leader de la renaissance islamique au XXe siècle. «Il est l’un des rares penseurs contemporains à avoir attirer l’attention sur la nécessité de s’intéresser aux problématiques liées à la civilisation», a-t-elle dit.  

De son côté, Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassani, recteur de la Grande Mosquée d’Alger, a appelé les étudiants à lire Malek Bennabi, «ce grand penseur». «Il faut le lire pour mieux comprendre l’islam, un système équillibré organisant d’une manière globale la vie, et pour mieux saisir le sens de la justice sociale préconisée par cette religion. Il s’agit d’abord d’une justice humaine qui prend en compte autant la vie de la famille que de la société», a-t-il plaidé.

Il a qualifié Malek Bennabi de «philosophe de la civilisation». «Il est l’héritier de la pensée et du legs d’Ibn Khaldoun», a-t-il dit. Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini a confié avoir rencontré Malek Bennabi dans les années 1960 et 1970 lors d’une visite à la zaouïa Qasimya, et lors du 5e séminaire sur la pensée islamique à Oran qui était consacré à l’économie.
 

 

«La paix, véritable voie vers le changement»

 «La Malaisie est parmi les pays islamiques qui ont le mieux lu et compris la pensée de Malek Bennabi. C’est ce que nous voulons aujourd’hui, une lecture correcte de cette pensée pour pousser nos sociétés vers le progrès», a soutenu l’intervenant. Il a appelé à enseigner l’œuvre de l’auteur de Discours sur la nouvelle édification dans les écoles.

Bouzid Boumediène, enseignant de la philosophie à l’université d’Oran, a rappelé que Malek Bennabi était critique à l’égard de la bipolarité géopolitique (Ouest-Est) durant la deuxième moitié du XXe siècle.

 «Il avait proposé un nouveau pôle, un Commonwealth islamique. Il avait également mis en avant l’idée afro-asiatique. Pour lui, la crise du monde était d’abord morale. Il a plaidé pour que les conflits et les guerres doivent être affrontés par les valeurs communes. Bennabi disait que la paix était la véritable voie vers le changement. Pour lui, le recours à la guerre ne devait se faire qu’en cas de nécessité pour arracher les droits. C’était notamment le cas pour la guerre de Libération nationale en Algérie», a souligné Bouzid Boumediène, organisateur du colloque sur Malek Bennabi.

Il a plaidé pour que la pensée de Bennabi soit «libérée» de ceux qui le vénèrent «et de ceux qui font des interprétations idéologiques de son œuvre».

«Il était favorable au dialogue entre religions et civilisations»

«Il faut se réapproprier Bennabi et sa pensée universelle sans glorification et sans sanctification. Bennabi n’était le leader d’aucun courant de pensée comme certains le prétendent dans les pays du Golfe arabe. Il faut également traduire Bennabi du français vers l’arabe. Certaines traductions ont dénaturé le sens», a-t-il insisté.
 

Amar Talbi, ancien recteur de l’université de Constantine, compagnon de Malek Bennabi, a souligné que le penseur algérien voulait que le monde islamique s’intéresse davantage aux études et sciences sociales, comme le faisait l’Occident. «S’appuyant sur son appartenance culturelle et civilisationnelle, il a puisé également sa culture dans les écrits et ouvrages occidentaux. Il était ouvert à toutes les cultures. Il était favorable au dialogue entre religions et civilisations. Il était critique à l’égard des systèmes coloniaux et des idéologies superficielles. Il s’est opposé au marxisme, au trotskisme, au maoisme, à la négritude et au berbérisme. Sa franchise intellectuelle lui avait attiré beaucoup d’adversaires», a expliqué Amar Talbi.

Abdelkader Bouarfa, enseignant à l’université d’Oran, a plaidé pour «la réhabilitation» de Malek Bennabi à travers «une nouvelle lecture» de son œuvre.
 

«Bennabi contre Bennabi»

«Bennabi est un capital intellectuel algérien qui ne doit pas être dévalorisé. Son œuvre doit être bien lue et analysée sans répéter ce qu’il dit, mais aller plus loin dans la compréhension. Aussi, j’appelle à une lecture critique renouvelée de la pensée de Bennabi de sorte à le dépasser sur le plan de la connaissance tout en poursuivant son œuvre», a-t-il dit.

Il a cité l’œuvre de l’écrivain français Marc Paillet, Marx contre Marx, critiquant la pensée du philosophe et sociologue prussien. «Nous avons besoin aujourd’hui de ‘’Bennabi contre Bennabi’’, autrement dit soumettre ses idées à la critique. Certaines idées de Bennabi sont intemporelles mais d’autres sont déjà dépassées, compte tenu de l’évolution du monde contemporain», a-t-il expliqué en insistant sur la compréhension du «contexte historique des idées de Malek Bennabi».

Abdelkader Bouarfa a contesté la propension de l’Université algérienne à expliquer uniquement l’œuvre de l’auteur du Problème des idées dans le monde musulman sans approfondir la réflexion ou la recherche. «On se contente d’expliquer ce qui est déjà expliqué et de simplifier ce qui est déjà simplifié», a-t-il ironisé. 
 

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