Quarante ans après sa promulgation, le code de la famille, qui a survécu à des années de lutte menées par le mouvement associatif, est toujours décrié et le combat pour son abrogation est toujours d’actualité.
Voté le 9 juin 1984 sous l’ère du parti unique, il a fallu attendre 2005 pour qu’il soit amendé, mais sans pour autant que les nouvelles dispositions répondent aux attentes des associations féministes et leur soutien. Ces dernières le considèrent comme anticonstitutionnel, au motif qu’il ne respecte pas l’égalité des citoyens énoncée dans la Constitution.
Quinze ans plus tard, en 2015, l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a pris la décision de réformer le code de la famille. Il a ordonné au gouvernement de charger un comité ad hoc de la «révision et du réaménagement des articles dudit code relatif au divorce qui prêtent à interprétation… afin de combler les insuffisances et garantir la protection des droits des deux conjoints et des enfants».
Les associations féminines ne nient pas l’existence de changement et des avancés mais beaucoup, selon elles, reste à faire. «Depuis quarante ans, bien qu’un certain nombre d’avancées législatives aient amélioré le statut des femmes, force est de constater qu’elles sont toujours discriminées et ne sont pas suffisamment protégées contre les violences.
Quarante années de droits bafoués, de souffrances négligées», relatent quatre associations : Amnesty International Algérie, Djazairouna, Féminicides Algérie et le Réseau Wassila Avife, dans une déclaration signée conjointement à cette occasion. Pour ces organisations, le code de la famille a «enfermé» les femmes dans «un carcan d’injustices, trahissant le principe d’égalité proclamé par la Constitution.
De plus, le code de la famille entraîne des discriminations dans les codes pénal et civil (clause de pardon et problème du témoignage des femmes)». Ces quatre décennies marquent aussi l’anniversaire des luttes acharnées menées par des militantes et des associations, qui n’ont cessé de dénoncer l’inégalité de droits entre les femmes et les hommes et de réclamer une loi civile et égalitaire. Ces associations lancent un appel pour la reconnaissance de «l’ampleur de cette injustice historique et de répondre, par là même, aux appels au changement». Il est temps, selon elles, de mettre un terme à ce cycle «de discriminations» et de «violences institutionnalisées»…
Une politique publique s’impose
Les signataires citent, entre autres dispositions discriminatoires, l’article 8 qui légalise la polygamie et l’article 11, un édifice juridique qui oblige les femmes à obtenir l’autorisation d’un tuteur pour se marier. Cette restriction, selon les associations féminines, viole leur droit fondamental à l’autonomie et les maintient sous le joug d’un contrôle patriarcal qui attente à leur dignité et leur liberté individuelle.
Pour ce qui est du droit au divorce, (articles 48, 52, 53 et 54) ce code divise, affirment-elles, les citoyens en deux : d’un côté, les hommes qui peuvent divorcer librement, c’est la répudiation, tandis que les femmes ne peuvent demander le divorce que sous certaines conditions «difficiles à établir et humiliantes».
Cette «asymétrie» place les femmes dans une position de vulnérabilité juridique et sociale. A cela s’ajoutent les dispositions qui privent les femmes «de la garde de leurs enfants en cas de remariage» et aussi les articles 142, 145 et 156, relatifs à l’héritage qui creusent, selon elles, encore le fossé entre hommes et femmes.
Par ailleurs et pour construire un système juridique qui garantit à chaque citoyen une égale dignité, le réseau Wassila et ses pairs recommandent de mettre «en conformité la législation nationale avec la Constitution et les engagements internationaux», de procéder à l’abrogation de toutes «les dispositions légales discriminatoires qui maintiennent les femmes dans une position subordonnée, dans le code de la famille et, conséquemment, dans les codes pénal et civil».
Aussi, elles demandent l’introduction de mesures garantissant l’égalité des droits dans le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage, d’associer les associations de défense des droits des femmes et les organisations de la société civile dans les discussions et les amendements législatifs et, enfin, la sensibilisation du public via des campagnes nationales à l’égalité en droits entre les femmes et les enfants et pour lutter contre les violences à l’encontre des femmes.
«Certes, il faut continuer à modifier et à reconstruire le code de la famille dans le sens de la légalité mais il faut surtout une politique publique pour tenter de changer les mentalités. Les relations inégalitaires naissent dans la famille. Il faut un travail sérieux sur la légalité dans les comportements et les droits à l’école et à la maison», résume l’avocate Me Nadia Aït Zai.