Trois années passées à la tête de l’Institut français d’Algérie à Constantine ont suffi pour lui assurer un capital de respect et d’estime de la part du public de cet établissement. Charlotte Aillet, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est une directrice pleine d’énergie, de vivacité et d’enthousiasme. Elle a su gagner toute la sympathie au point de devenir «Constantinoise par adoption».
Par sa sociabilité, son sens de la communication, sa présence, sa spontanéité, sa générosité, mais aussi son sens de l’humour et surtout sa grande humilité, elle a conquis les cœurs. «Je suis issue d’une famille d’éleveurs d’ovins du sud-ouest de la France, une région rurale près de Toulouse. Ma carrière dans le monde culturel commence tôt, dans le milieu associatif et la production musicale avant de s’orienter vers un Master professionnel en direction de projets culturels internationaux à Lyon. Celui-ci m’a menée d’abord dans une Alliance française en Colombie, puis à l’Institut français de Jérusalem-territoires palestiniens, avant de prendre la direction de l’IF de Constantine en 2020», a-t-elle révélé.
Arrivée à Constantine à l’automne 2020, à une époque marquée par la dure épreuve de la pandémie du Coronavirus, Charlotte avait commencé par découvrir la ville. Elle s’est donné le temps de bien connaître les gens, leurs habitudes et leur tempérament. Ceci avant de s’impliquer pleinement dans une intense activité qui lui a permis de côtoyer les fidèles passionnés des manifestations culturelles de haute facture, que l’Institut français de Constantine (IFC) a pris l’habitude d’organiser.
«Ce qui m’a le plus marquée pendant ces trois années à Constantine, ce sont la fidélité, la vitalité et la curiosité de notre public. Notre programmation s’adresse à tous les âges, mais j’ai été agréablement surprise par l’engouement des jeunes pour nos activités, ils ont toujours répondu présents, surtout pour les spectacles, quel que soit le genre proposé. Je les en remercie», a-t-elle ajouté.
La dure épreuve de la Covid, qui a sérieusement impacté le quotidien des Constantinois privés d’activités culturelles, n’est plus qu’un lointain souvenir. Charlotte Aillet a su redonner à son arrivée une réelle dynamique au sein de l’établissement du boulevard de l’Indépendance. Interrogée sur l’activité culturelle qui l’a plus impressionnée, elle répond : «Le spectacle vivant sans hésiter. Vous avez à Constantine une grande tradition du théâtre et de la musique, et cela se ressent dans l’appétence qu’a le public, toutes générations confondues, pour nos concerts et nos spectacles.
On sent la réelle envie qu’ont les gens à partager ensemble un moment privilégié en lien direct avec les artistes. Surtout après la période de pandémie, où nous avons longtemps été privés de ces moments. Je suis également très satisfaite du travail que nous avons pu mener dans le domaine des arts visuels, qui reste trop souvent délaissé par le public.»
Des souvenirs de la ville du Vieux rocher
En trois ans de présence dans le Vieux rocher, Charlotte Aillet n’a pas raté l’occasion pour aller à la rencontre de la ville, sa nature, ses senteurs, ses bruits, mais aussi apprécier ses curiosités naturelles et ses monuments historiques. «Un de mes meilleurs souvenirs professionnels à Constantine est la fête de la musique, que nous avons organisée trois années de suite sur la très belle terrasse de l’hôtel Marriott. Et surtout la dernière, avec le concert de Mouss et Hakim, que je tenais tout particulièrement à faire jouer à Constantine», a-t-elle confié.
Et de poursuivre : «Pour un souvenir plus personnel, c’est la période de la distillation des eaux florales, quand l’on trouve les quantités de roses et fleurs d’oranger en vente partout. Concernant les lieux, bien entendu les gorges du Rhumel, quel que soit le point de regard où l’on se situe, qui font la typicité époustouflante de cette ville dès qu’on la rencontre. J’aime beaucoup les balades dans la Souika et le marché Ferrando. Le palais du Bey, avec ses superbes fresques, reste un endroit que j’affectionne particulièrement.»
Quand on lui rappelle le mérite qu’elle a eu, en donnant une chance aux jeunes artistes, notamment dans les expositions à l’IFC, chose qui se fait pour la première fois, elle répond en toute humilité : «Cela m’a semblé naturel et assez évident de présenter dans notre programmation des travaux de très jeunes artistes à ceux d’artistes plus confirmés.
D’abord c’est notre fonction, de permettre à des artistes en début de carrière de bénéficier de conditions d’exposition professionnelles, tout comme de la fidélité et de la confiance de notre public. C’est une étape importante. De cette manière, ils disposent d’une première audience, particulièrement bienveillante, pour montrer leur travail. Ensuite, ils comprennent mieux ce qui est attendu d’eux dans le milieu professionnel.
C’est primordial de faire ainsi ce travail d’accompagnement, de transition du stade amateur à un stade plus professionnel. Mes choix ces deux dernières années se sont beaucoup portés sur des artistes femmes, à qui j’ai vraiment souhaité donner une visibilité ; leur travail est essentiel dans l’art algérien d’aujourd’hui.»
Œuvrer pour la promotion des artistes
Mais la particularité de cette femme dynamique et engagée, et que les habitués des manifestations culturelles auront remarqué en elle, est sa parfaite maîtrise de la présentation des expositions et autres activités à travers les brochures réalisées dans un style subtil et finement élaboré.
«Je ne crois pas utiliser un style particulièrement élaboré, mais c’est très important, à mon sens d’expliquer au public pourquoi nous avons choisi de présenter un artiste plutôt qu’un autre.
C’est une manière d’exposer que le choix est réfléchi, qu’il n’est pas arrivé par hasard, que cela participe d’une logique de programmation. C’est un premier vecteur, très utile, de compréhension entre le spectateur et les œuvres exposées. Ainsi, il en sait un peu plus sur ce qu’il vient voir, sur le propos que l’artiste a souhaité véhiculer.
Comme l’artiste n’est pas présent en permanence dans son exposition, le texte est un intermédiaire très important», a-t-elle argumenté. «Par ailleurs, dans la suite de la carrière artistique, les textes peuvent venir en soutien à la présentation du travail à d’autres professionnels (galeries, musées, résidences…), c’est toujours une valeur ajoutée quand l’artiste a parfois du mal à parler lui-même de son travail. Je me contente simplement de raconter ma rencontre avec l’artiste et avec l’œuvre, c’est modeste, mais c’est une manière qu’il ne faut pas négliger dans les arts visuels », a-t-elle insisté à le dire.
Après trois années pleines à l’antique Cirta, qu’elle quitte avec le sentiment du devoir accompli, Charlotte Aillet est appelée à accomplir d’autres missions dès son retour en France. Des projets, elle en a déjà dans la tête. «J’ai pour projet de consacrer du temps à l’apprentissage de la langue arabe, que j’aime beaucoup, ainsi qu’à d’autres projets plus personnels. Et évidemment continuer à œuvrer pour la promotion des artistes entre les différentes rives de la Méditerranée», a-t-elle confié, tout en souhaitant revenir un jour à Constantine, la ville qu’elle a tant admirée.