Cette formidable «immunité populaire» du «ministre du Bonheur»

22/01/2022 mis à jour: 03:22
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Djamel Belmadi, le plus populaire des coachs algériens / Photo : D. R.

Malgré l’amère défaite de Douala et l’élimination de l’équipe nationale de la Coupe d’Afrique des nations, il faut croire que le coach Djamel Belmadi continue à jouir d’un indéniable soutien populaire. Rares sont les personnalités publiques qui peuvent se targuer d’une telle opinion positive.

Le fait est assez rare pour être souligné : malgré la cruelle défaite de notre équipe nationale face à la Côte d’Ivoire, ce jeudi, à Douala, synonyme d’élimination précoce de cette 33e CAN, le sélectionneur national Djamel Belmadi garde intactes la confiance et l’estime des supporters DZ. Nous n’avons pas fait de sondage pour avancer une telle affirmation.

Mais pour être dans un métier où l’on est quand même à l’affût des opinions, où l’on prête l’oreille à ce qui se dit autour de nous, où l’on scrute la moindre expression, eh bien, on peut, oui, alléguer que le coach garde la cote auprès d’un large pan de l’opinion. Jusqu’à maintenant, en tout cas, nous n’avons lu ou entendu aucune voix faisant autorité qui ait demandé sa tête après la débâcle camerounaise. Bien entendu, cela n’a pas empêché des commentateurs et analystes sportifs de l’accabler pour ses choix tactiques ou ses compositions d’équipe.

Et les marques de soutien qui lui ont été exprimées, depuis les plus hautes autorités du pays (Tebboune et Chengriha en tête) jusqu’au supporter lambda, ne signifient nullement que l’ancien joueur de l’OM bénéficiera d’un blanc-seing ad vitam aeternam. Force est de constater néanmoins que beaucoup d’Algériens ont vécu cette élimination avec fair-play et équanimité, faisant preuve d’une étonnante «indulgence» envers les camarades de Mahrez et surtout leur chef d’orchestre.

On a vu aussi pleuvoir les messages de gratitude à celui que d’aucuns surnomment affectueusement «wazir Essaâda», le «ministre du Bonheur», lui qui, depuis son intronisation à la tête des Fennecs en août 2018, n’a apporté effectivement que du bonheur aux Algériens, avec, à la clé, un record national difficile à battre : 35 matchs sans défaite !

«Le meilleur des coachs»

Sur les réseaux sociaux, baromètre du sentiment général, on peut d’emblée noter cette gratitude diffuse. «Tout mon respect Djamel Belmadi. Notre appui est indéfectible et inconditionnel», résume un supporter sur Twitter. Il convient de souligner que ces effusions de sympathie ont commencé dès la défaite contre la Guinée équatoriale le 16 janvier.

«Peu importe le résultat, on est derrière toi», régissait un twitto. Un autre écrit : «Nous sommes fiers de toi Djamel Belmadi ! Ce n’est pas après une défaite qu’on va te cracher dessus ou bien te tourner le dos. Tu es le grand artisan de ce qu’on est aujourd’hui. Tous avec toi tonton Djamel !». Sur les réseaux sociaux également a circulé ce message «adressé par des supporters algériens présents au Cameroun à Belmadi».

Sous le titre : «Message de soutien du peuple algérien à son équipe nationale et son valeureux coach Djamel Belmadi», on y lit ce passage qui explique le secret de ce lien si fort entre Belmadi et les Algériens : «Trois années durant, vous nous avez fait rêver, et la distinction symbolique de ‘‘ministre du Bonheur’’ dont vous a honoré ce peuple admiratif et surtout reconnaissant, confirme vos mérites».

Dans un tweet daté du 17 janvier, un autre aficionado analyse ainsi la baraka de Belmadi et le crédit presqu’illimité dont il jouit : «Djamel Belmadi a réussi à faire en sorte que les Algériens, le peuple le plus sévère avec son équipe, la soutienne après 1 point et zéro but marqué. Ça c’est du coach !» C’était là aussi au lendemain de la débâcle contre la Guinée équatoriale.

Mais même après avoir quitté la compétition en affichant un bilan aussi décevant, avec 1 seul point au compteur et quatre buts encaissés pour un seul marqué, ce capital indulgence n’a guère été entamé. Sur une des pages Facebook portant le nom de Djamel Belmadi, et dont l’authenticité est manifestement sujette à caution, de nombreux messages de sympathie sont adressés au coach.

Après l’élimination, l’administrateur de la page a posté ce message assorti d’une photo du sélectionneur : «Désolé, j’étais mauvais». Les supporters de l’équipe nationale se sont alors empressés de répondre avec une extrême bienveillance aux mots contrits prêtés au coach. «Non, tu n’as jamais été mauvais, tu es toujours le meilleur des coachs, bravo !», rétorque une internaute. Une autre supportrice abonde dans le même sens : «Jamais au grand jamais ! 1, 2, 3, viva l’Algérie !» Un monsieur renchérit : «Vous êtes toujours notre bonheur».

Et d’autres Facebookers encore de le consoler avec la même sollicitude : «Jamais, t’es le meilleur et tu restes le meilleur» ; «Vous êtes notre fierté» ; «Vous êtes toujours à la hauteur». Dans le lot, il y avait même ce post d’une admiratrice sénégalaise : «Du courage mon frère, je suis Sénégalaise et je vous ai toujours porté dans mon cœur. Relevez-vous et le meilleur reste à venir».

Dans le même registre, nous vous laissons apprécier cette réaction pleine de pondération et qui reflète un formidable sens de la loyauté qui anime nombre de nos supporters : «Non monsieur le ministre du Bonheur, vous n’avez pas été mauvais. Vous avez juste trébuché et ça prouve que vous ainsi que l’équipe, êtes des êtres humains. Et l’humain commet des fautes. On vous adore dans les moments de joie et de peine. Nous vous sommes redevables jusqu’à la fin des temps. Vous en vouloir pour cet accident de parcours serait de l’ingratitude. (…) On vous aime très fort. Montrez au monde comment les combattants se relèvent après la chute !»

Monsieur «Authenticité»

Il faut dire que le natif de Champigny-sur-Marne qui jette ses racines du côté de Ain Tedlès, dans la wilaya de Mostaganem, a surtout conquis le cœur des Algériens par sa simplicité, son authenticité et son franc-parler.

Et cela se vérifie à chacune de ses sorties publiques qui font à chaque fois le buzz. En très peu de temps, 
Belmadi a imposé sa patte et sa marque de fabrique, à la fois par a personnalité, son charisme, son humilité, sa rigueur, lui qui a érigé le travail et la discipline en religion. Mais aussi par son style de communication cash et sans fioritures, comme l’illustrent ses redoutables punchlines, à tel point que ses conférences de presse sont devenues de véritables shows très attendus.

C’est qu’il est rare que cela se passe sans qu’il remettre un journaliste indélicat à sa place ou se fende d’une réflexion irrévérencieuse, envoyer bouler bienséance et protocole. Et ce côté franc-tireur ne peut que séduire. D’ailleurs, certains internautes prennent un malin plaisir à réaliser des compiles de ses pépites qui recueillent des milliers de vue sur Youtube.

Belmadi, c’est aussi le show garanti au bord du terrain, les jours de match. C’est que l’entraîneur de l’équipe nationale ne tient pas en place, multipliant coups de sang, engueulades, grands gestes de la main, courses nerveuses…

Et chacun de ses gestes, de ses humeurs, de ses mimiques, de ses grimaces, trahissent sa grinta et montrent à quel point l’homme est investi dans sa mission, prenant à cœur son métier, vivant chaque match avec toutes ses tripes, comme s’il était le dernier, somatisant chaque sensation, chaque émotion, chaque passe ratée ou occasion de but vendangée. C’est qu’il vibre avec toute son être et souffre dans sa chair plus que les 44 millions d’entraîneurs que nous sommes.

Il ne fait aucun doute que la vraie star de l’équipe nationale, in fine, c’est lui. Et il tombe sous le sens que dans le classement de nos entraîneurs les plus populaires, il occupe et occupera pour longtemps encore une place de choix.

Djamel Belmadi restera ce coach anticonformiste qui a marqué les cœurs et les esprits au même titre que Rachid Makhloufi lors des Jeux méditerranéens de 1975 et cette finale historique remportée contre la France, que Khalef Mahieddine et la saga du Mundial de 1982, que Abdelhamid Kermali qui nous a fait gagner notre première CAN en 1990. Sans oublier le Rabah Saâdane de l’épopée d’Oum Dourman le 18 novembre 2009.

Pensée également à Vahid Halilhodžicć avec qui l’Algérie a accédé au deuxième tour d’une Coupe du monde pour la première fois de son histoire. C’était en 2014, au Brésil.

Malgré le prestigieux palmarès de ces illustres prédécesseurs, on sent qu’une histoire encore plus palpitante est en train de s’écrire entre le public algérien et son entraîneur.

Nous disons «son entraîneur» et il nous vient à l’esprit cette image qui nous fait nous représenter Belmadi en coach en développement personnel de tout un peuple orphelin d’un héros, d’un meneur d’hommes, sommes-nous tentés d’ajouter, tout en ayant conscience que ce serait trop demander à cet éternel jeune homme au tempérament de feu.

Coach en développement personnel oui, en ce qu’il a su à lui seul nous rendre plus fiers, avoir confiance en notre étoile et réparer notre estime de soi collective. Djamel Belmadi ou une certaine idée de la dignité. De la fierté. De cette fierté toute algérienne, celle qui nous fait nous exclamer «Les Z’hommes !». Merci pour tout, M. Belmadi ! 

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