Une nouvelle loi sur le cinéma devrait bientôt passer devant les députés, qui ne sont généralement pas connus pour être cinéphiles. Résumé des problèmes en présence.
Les séquences s’enchaînent mais ce n’est pas du cinéma. Nous sommes presque en juin et la nouvelle loi sur le cinéma devrait passer dans les jours qui viennent devant l’Assemblée pour son adoption, suite à une mouture présentée en Conseil des ministres le 20 février dernier sur le mode «on fait tout tout seuls parce qu’on est bien tout seuls», ce qui a poussé le Président Tebboune à exiger une refonte de la copie pour l’enrichir en associant évidemment les professionnels du secteur.
C’est ainsi que fin avril dernier, la grande famille du cinéma s’est assise aux côtés des administrateurs et fonctionnaires du secteur, en présence de deux conseillers de la Présidence, le chargé du cinéma et de l’audiovisuel Ahmed Rachedi, lui-même cinéaste, et le chargé de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur Noureddine Ghouali, lui-même professeur. Pour discuter, proposer, s’écouter et se parler afin de trouver comment relancer la filière cinéma qui a pourtant connu un âge d’or, aujourd’hui distanciée par les Tunisiens ou Marocains sans parler des Turcs ou des Egyptiens qui se sont depuis longtemps hissés aux standards internationaux.
C’est une première, même si la séance n’a pas été filmée, les producteurs, réalisateurs et experts se sont réunis et une partie a eu la même réflexion, dans le projet de loi plusieurs peines de prison prévues, jusqu’à trois ans ferme pour des cinéastes ou producteurs. De la prison pour un film ? Au jour d’aujourd’hui on ne sait pas encore si ces sanctions décourageantes seront maintenues dans la loi sur le cinéma.
Mais restons positifs. On n’en parle pas ou alors du bout des lèvres, l’argent reste le nœud du problème, le cinéma n’est pas de la littérature et exige de gros moyens financiers. Les suspicions viennent de là, en faisant des films sans sortir aucun dinar de leur poche, les producteurs sont accusés de ne chercher qu’à s’enrichir à travers les aides de l’Etat socialiste qui a encore du mal avec les dynamiques privées.
Ce qui est vrai en partie pour certains d’entre eux, sauf qu’il y a quand même des professionnels sérieux qui ont fait des remarques pertinentes, un film n’est pas rentable en Algérie, pourquoi dépenser son argent alors que si on veut un renouveau de la filière il faut faire des films qui rapportent de l’argent et non pas faire des films uniquement pour faire des films. Pourquoi l’Etat finance-t-il à 60% un film comme c’est le cas aujourd’hui, devenant «le» producteur en reléguant le producteur qui fait réellement le film au grade de producteur exécutif qui n’a donc aucun droit sur le film, soumis à autorisation pour la commercialisation ou la diffusion par toutes les bureaucraties connues avec ce résultat immédiat, le contribuable qui a payé par ses impôts les subventions de films ne les a jamais vus, ceux-ci dormant au fond d’un tiroir poussiéreux ?
Comment recréer une articulation du producteur au consommateur en passant par les salles de cinéma et les distributeurs pour arriver à la poche du spectateur, premier consommateur, sachant qu’il y a quelques décennies, les nombreuses salles de cinéma d’Algérie étaient pleines ? Restons positifs.
Les solutions buvables et les autres imbuvables
Bref, les insuffisances sont nombreux et pour les bonnes nouvelles, c’est Soraya Mouloudji, ministre de la Culture, qui les a données, il est déjà annoncé une révision à la hausse du taux de subvention accordée aux projets cinématographiques qui devrait passer à 50%, une réduction des tonnes de pièces justificatives demandées aux producteurs et de la durée pour bénéficier de nouveau d’un financement, passant de cinq à deux ans.
Autre bonne nouvelle, les demandes d’autorisation de tournage habituellement à demander à Alger, même si on veut faire un film à In Guezzam, seront accordées au niveau des directions de culture de wilayas, ce qui évitera aux professionnels de faire le déplacement à Alger. Pour les mauvaises, ce sera la surprise à l’Assemblée lors du dépôt du projet final, et en tout état de cause, la chose n’est pas simple, refaire vivre le cinéma avec des salles transformées en salles des fêtes, avec la concurrence du streaming, des démos pirates et l’étonnante facilité des jeunes à pouvoir regarder un film en cinémascope sur un écran de téléphone.
Il y a heureusement des solutions, comme les incitations fiscales aux investisseurs et producteurs ou un simple cahier des charge pour les nombreuses chaînes TV, c’est-à-dire l’obligation d’acheter des films algériens à des prix raisonnables pour tout le monde, sans aller jusqu’à leur demander de co-produire ou de pré-acheter les films en cours de production, comme cela se fait ailleurs. Bref, du travail. Mais restons positifs.