Burkina Faso : Le président Roch Marc Christian Kaboré arrêté par des soldats

25/01/2022 mis à jour: 20:12
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Le président Roch Marc Christian Kaboré / Photo : D. R.

La veille, des soldats se sont mutinés dans plusieurs casernes du pays pour réclamer le départ des chefs de l’armée et des «moyens adaptés» à la lutte contre les djihadistes qui frappent ce pays depuis 2015. Ils n’ont pas, en revanche, exigé le départ du Président.

Le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a été arrêté hier et était détenu dans une caserne de Ouagadougou, au lendemain de mutineries dans des camps militaires, rapporte l’AFP citant des sources sécuritaires.

«Le président Kaboré, le chef du Parlement et des ministres sont effectivement aux mains des soldats» à la caserne Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, a indiqué une de ces sources, information confirmée par une autre source des services de sécurité.

Au pouvoir depuis 2015 et réélu cinq ans plus tard sur la promesse de faire de la lutte antidjihadiste sa priorité, le président Kaboré est de plus en plus contesté par la population, vu son impuissance à faire face aux violences djihadistes.

Des manifestations, qui ont lieu depuis plusieurs mois dans diverses villes de ce pays de l’Afrique de l’Ouest pour dénoncer l’incapacité du pouvoir à contrer les attaques djihadistes qui se multiplient, sont souvent interdites et dispersées par les policiers antiémeute.

Des soldats se sont mutinés dimanche dans plusieurs casernes du pays pour réclamer le départ des chefs de l’armée et des «moyens adaptés» à la lutte contre les djihadistes qui frappent ce pays depuis 2015.

«Nous voulons des moyens adaptés à la lutte» antidjihadiste «et des effectifs conséquents», ainsi que le «remplacement» des plus hauts gradés de l’armée nationale, a affirmé, dans un enregistrement sonore, un militaire de la caserne Sangoulé Lamizana, sous le couvert de l’anonymat.

Aussi, il a souhaité «une meilleure prise en charge des blessés» lors des attaques des djihadistes et des combats contre ces derniers, ainsi que «des familles des défunts».

Les revendications des mutins ont été confirmées par d’autres sources militaires et des discussions infructueuses ont eu lieu entre leurs représentants et le ministre de la Défense, le général Barthélémy Simporé, selon une source gouvernementale.

Dimanche soir, le président Kaboré a décrété «jusqu’à nouvel ordre» un couvre-feu et le gouvernement annoncé la fermeture des écoles durant deux jours. Des manifestants ont apporté leur soutien aux mutins avant d’être dispersés par la police.

Le camp Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, où est détenu le président Kaboré, abrite la Maison d’arrêt et de correction des armées (Maca) où est également incarcéré le général Gilbert Diendéré, proche de l’ancien président Blaise Compaoré renversé en 2014 qui vit depuis en Côte d’Ivoire.

Le général Diendéré est condamné à 20 ans de prison pour une tentative de putsch en 2015 contre le président Kaboré, et est actuellement jugé pour son rôle présumé dans l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara en 1987.

Le procès de ses assassins présumés, qui devait entrer hier dans la phase des réquisitoires et plaidoiries devant le tribunal militaire de Ouagadougou, a été reporté à une date indéterminée, selon une source judiciaire.

L’Ouest de l’Afrique encore secouée

Le coup de force de l’armée burkinabè est le troisième dans la région de l’Afrique de l’Ouest en l’espace d’un peu plus d’un an. Au Mali, un premier coup d’Etat militaire a eu lieu le 18 août 2020. Il a abouti au renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta (mort le 16 janvier 2022), au pouvoir depuis 2013.

Puis, le 24 mai 2021, l’armée malienne a arrêté le président du pays, Bah N’Daw, le Premier ministre, Moctar Ouane et le ministre de la Défense désigné, Souleymane Doucouré. Dans la foulée, le vice-président Assimi Goïta a pris le pouvoir et destitué l’Exécutif. En Guinée, le 5 septembre, le Groupement des forces spéciales (GFS) a pris le pouvoir, renversant Alpha Condé.

Comme le Mali et le Niger, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al Qaîda et au groupe Etat islamique. Les attaques, qui visent civils et militaires, sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l’est du pays. Les violences des groupes djihadistes ont fait en près de sept ans plus de 2000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leurs foyers.

Pour schématiser, le 15 janvier 2016, un attentat contre l’hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou fait 30 morts, majoritairement des Occidentaux.

Le 7 février 2017, l’opposition critique le président Kaboré, jugeant sa gestion. En novembre, la force antidjihadiste de l’organisation régionale G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), soutenue par la France, a lancé ses premières opérations conjointes aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

A partir de 2019, les attaques deviennent quasi quotidiennes. Début 2020, le chef d’état-major général des armées est démis, un nouveau gouvernement est formé, puis l’armée réorganisée.

En mai, les gouverneurs des régions en proie à des attaques djihadistes sont limogés. L’attaque djihadiste la plus meurtrière depuis 2015 a eu lieu dans la nuit du 4 au 5 juin dernier au village de Solhan (nord-est) faisant de 132 à 160 morts. Depuis cette attaque, les manifestations de colère se multiplient dans tout le pays. Le Président limoge les ministres de la Défense et de la Sécurité.

En décembre, un nouveau gouvernement a été nommé au Burkina Faso, avec à sa tête un ancien fonctionnaire onusien, Lassina Zerbo, qui a appelé à la «cohésion» face au terrorisme. Le 23, dans une attaque des djihadistes dans le nord, 41 civils et supplétifs de l’armée sont tués. Le 15 janvier, une attaque djihadiste fait au moins une dizaine de victimes dans le village de Namssiguian (nord).

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