Bruno Fuchs, président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, à El Khabar : «L’escalade des tensions ne servira ni la France ni l’Algérie»

26/03/2025 mis à jour: 12:34
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Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française et l’une des voix du parti centriste Mouvement démocrate (MoDem), s’est exprimé dans un entretien avec El Khabar sur la crise entre Paris et Alger. 

Prenant ses distances avec la rhétorique de confrontation adoptée par quelques ministres du gouvernement français, il plaide pour une sortie de crise par le dialogue et la coopération. Aussi, Bruno Fuchs met-il en garde contre la tentation d’enfermer le partenariat algéro-français dans une logique de bras de fer. 

Selon lui, réduire la relation bilatérale à la seule problématique des expulsions est une erreur qui méconnaît la richesse des liens entre les deux pays. «Nous avons entre nos deux pays une relation dense et multidimensionnelle. 

Se focaliser uniquement sur la question des expulsions, c’est méconnaître l’importance de nos échanges économiques, de notre coopération en Afrique, de nos intérêts communs en matière de sécurité et d’énergie. Il y a également une réalité humaine incontournable : six millions de personnes partagent une culture mixte entre la France et l’Algérie. Ces personnes ne doivent pas être forcées de choisir un camp, elles vivent dans les deux pays en même temps.» 

A cet égard, il estime que la ligne dure affichée par le ministre de l’Intérieur, notamment à travers des déclarations autour de l’annulation de l’accord migratoire de 1968, s’adresse avant tout à l’opinion publique française, dans un contexte politique et médiatique sous tension.

 Toutefois, il considère que cette posture ne fait qu’accentuer l’impasse actuelle. «Quand on tombe dans la surenchère, qu’elle vienne de France ou d’Algérie, on oublie que cette relation a un potentiel immense. On se laisse entraîner dans un jeu politique qui va à l’encontre des intérêts de nos peuples», déclare-t-il. 

«L’histoire doit être regardée en face»

Convaincu que seule une approche fondée sur le respect mutuel et la concertation permettra de sortir de la crise, Bruno Fuchs appelle les autorités algériennes à répondre favorablement aux initiatives de dialogue. Il reconnaît que certaines déclarations, qu’il qualifie de «maladroites», comme la notion de «délai» évoquée par François Bayrou, ont pu heurter la partie algérienne, mais il insiste sur l’esprit d’ouverture qui doit prévaloir dans les échanges diplomatiques. 

«On peut dire que le mot “délai” a été mal choisi. Il a surtout été utilisé dans un contexte politique français, dans un climat tendu, pour rassurer l’opinion publique. Mais ce qui est important, c’est la seconde partie du message : il faut laisser du temps à la discussion. C’est cela qu’il faut retenir», plaide-t-il. Il va même jusqu’à proposer une visite en Algérie afin de rencontrer ses homologues parlementaires et œuvrer à une désescalade. «Je suis prêt à faire le déplacement en Algérie pour parler avec mes homologues et voir comment nous pouvons sortir de cette impasse. L’urgence est d’éviter une escalade qui serait préjudiciable aux deux pays», souligne-t-il. 

Sur la question de l’accord migratoire de 1968, régulièrement remis en cause dans le débat politique français, Bruno Fuchs défend la position du président français, Emmanuel Macron : toute modification éventuelle de cet accord ne peut se faire que dans un cadre de négociation bilatérale.

 Il rappelle que si certaines clauses sont jugées avantageuses pour les ressortissants algériens, d’autres, en revanche, ne leur sont pas forcément favorables. 

Il estime donc que toute révision de ce texte doit s’inscrire dans une approche équilibrée et concertée. «Cet accord de 1968 donne certains avantages aux Algériens, mais pas dans tous les domaines. Ce que nous disons, c’est qu’il ne peut être renégocié que si les deux parties s’accordent sur les modifications. Si l’on choisit la confrontation, alors il est certain qu’aucun compromis ne sera trouvé», déclare M. Fuchs. 

Interrogé sur la question de la mémoire, notamment après le retrait d’un documentaire sur l’usage d’armes chimiques par l’armée française pendant la Guerre de Libération nationale, Bruno Fuchs appelle à la transparence et à l’accès à l’histoire. 

Il considère que si ce documentaire a été censuré pour des raisons politiques, il s’agirait d’un véritable problème de fond. «Je n’ai pas encore tous les éléments sur cette affaire. Mais s’il s’avère que le documentaire a été retiré pour des raisons politiques, alors c’est une vraie question qui se pose. 

L’histoire doit être regardée en face, avec objectivité et sans tabou», précise-t-il, tout en affirmant qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un débat parlementaire soit organisé autour de ces questions mémorielles, estimant qu’un travail de vérité est indispensable pour tourner la page des blessures du passé. Et d’assurer : «La mémoire reste un sujet central dans nos relations avec l’Algérie. 

Nous devons avancer avec sincérité et responsabilité pour éviter qu’elle ne soit un frein au rapprochement entre nos deux peuples.» 

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