A travers Sur le chemin des sables en feu, l’auteur Brahim Sadok signe son premier roman aux éditions ANEP. Dans ce livre à la narration bien construite, ce diplômé de l’ENA et natif de Aïn Sefra revient sur une vie humaine réelle saupoudrée de fiction.
Entretien -à point- avec cet auteur cet universitaire qui nous aide à mieux comprendre la portée de son roman historique.
- Votre premier roman historique Sur le chemin des sables en feu revient sur la grande bataille de M’Zi qui s’est déroulée les 6,7 et 8 mai 1960 à Aïn Sefra avec en toile de fond cette résistance des moudjahidine face à l’armée coloniale...
En effet, c’est dans région de Aïn Sefra que s’est passée la bataille sanglante de M’Zi. C’est une très grande bataille qui a été préparée pendant une année. Il s’agit de trois bataillons de l’Armée de libération nationale, constituée de 356 hommes bien armés et entraînés, déterminés à franchir la ligne Morice pour rentrer au pays afin de renforcer le front intérieur. Ils étaient au Maroc, préparés par l’état-major de l’époque. Malheureusement un de ses bataillons s’est retrouvé en confrontation avec l’armée française. Pendant trois jours, ils étaient encerclés par l’armée coloniale. Pendant ces trois jours, l’armée coloniale sillonnait le périmètre. Il y a eu des blessés, des morts et des prisonniers. Les deux aérodromes de Boufarik et d’Oran étaient mobilisés pendant cette dure bataille. L’Armée de libération nationale a abattu deux avions de chasse dont un avion éclaireur. Et en dernier lieu, l’armée coloniale a fait usage du Napalm sur le plan politique. C’était à juste titre une victoire pour le gouvernement provisoire de l’époque parce que l’opinion internationale était bouleversée par l’usage du Napalm.
- Vous revenez avec force et détail sur l’histoires de l’Algérie, tout en greffant la petite histoire de la résistante Safia, sous forme d’hommage...
Effectivement, je ne le relate pas uniquement cette terrible guerre puisque je décris en filigrane le combat de Safia. Une femme dont l’histoire se rappellera de son abnégation et son sacrifice. Il est vrai que la guerre a englobé des femmes moudjahidine dans le maquis. La femme algérienne a enduré les conséquences de cette guerre. C’est un hommage et une reconnaissance pour la femme algérienne.
Pour revenir à l’histoire, Dahmane le mari de Safia a tenté un exil de deux ans en France. Après son retour au pays, il avait été embauché à Moghrar, une petite bourgade, située à soixante kilomètres, où il travailla comme ouvrier artificier dans un chantier de travaux publics, qui ouvrait des routes et des dalots. La guerre bat son plein à cette époque-là. Dahmane décide, sans hésitation aucune, d’aller rejoindre ses compatriotes au maquis, laissant une épouse et quatre enfants en bas âge. Il faut dire qu’avant de regagner le maquis, Dahmane activait dans une cellule pour, entre autres, sensibiliser les jeunes et récolter des fonds. Il laisse, donc, sa femme seule avec le poids de la charge d’une famille nombreuse. Cette femme Safia est restée seule. Cette séparation était vécue par la famille comme une digue à payer au nom de la liberté et de la dignité. La jeune épouse recevait, à chaque fois, la menace de l’armée française pour savoir où se trouvait son époux.
- Justement, la résistante Safia décide de prendre le chemin d’un exile forcé au-delà des frontières, en direction du Maroc...
Il y a eu à cette époque un départ massif de jeunes qui ont rejoint le maquis. La riposte coloniale a été impitoyable. Il y a eu des arrestations et des tortures. Cette femme était contrainte de partir car elle avait peur d’être emprisonnée. Elle va être escortée par des moudjahidine pour rejoindre son mari au maquis. Je décris ce périple périlleux avec cette soif insoutenable. L’ensemble des exilés traversent la frontière à dos de mulets. Ils vont faire le voyage de nuit parce que le jour il y a des contrôles et des patrouilles militaires françaises. Il faut rappeler que l’aviation française dans la région coloniale bombardait tout ce qui bougeait. Elle n’épargnait ni civils ni cheptels. Ces derniers étaient des cibles qui transportaient des fonds du ravitaillement pour l’armée nationale. Ainsi Safia arrive dans un petit village marocain du nom de «Ich» où elle y reste une quinzaine de jours. Elle rencontre des familles algériennes exilées. Par la suite, elle entreprend son voyage pour se rendre à Tadrara ensuite à Bouafra. Dahmane est grièvement blessé dans l’explosion d’une bombe à Izi. Il est hospitalisé mais rend l’âme dans un hôpital à Oudjda. Il y sera enterré là-bas d’ailleurs. Safia se retrouve seule. Safia, cette femme courage, rentre dans le mouvement national jusqu’au recouvrement de l’indépendance.
- Vous mettez aussi l’accent sur les conditions déplorables des réfugiés algériens au Maroc...
Les réfugiés algériens au Maroc vivaient dans des conditions déplorables et inhumaines à la fois. Ils vivaient dans des taudis. C’est toute la misère du monde qui se lisait sur leurs visages. Ils n’avaient que leur détresse à offrir en spectacle. Ces populations ont échappé à la hâte et se sont installés au Maroc. Cette population était certes en sécurité mais était loin d’apprécier les conditions qui se présentaient à elle.
- Votre roman rend également hommage à tous les survivants des expérimentations nucléaires de Aïn Sefra ?
Bien évidemment, je parle aussi de ces survivants des expérimentations nucléaires. Il y a eu les essais nucléaires à Regagne mais chez nous à Aïn Séfra, il y a eu les essais chimiques et bactériologiques. Cela n’a pas été médiatisé. A l’époque, c’était les expérimentations nucléaires de la France coloniale où des vieillards, des enfants, des femmes et des cheptels étaient exposés à des expériences atomiques sans état d’âme. Même la France dans son aveuglement a exposé ses propres enfants, des jeunes appelés qui étaient touchés par ces essais bactériologiques. Ce qui fait que tous ces survivants de cette tragédie nucléaire et atomiques et tous les gens qui ont échappé aux mines de la ligne Morice se sont retrouvés entassés. Ils ont survécu grâce à l’Armée de libération nationale. Les responsables de l’époque ont utilisé beaucoup d’intelligence, de tact et de diplomatie pour libérer les moudjahidine.
- Les agissements des bachaghas et des caïds de l’époque ne sont pas en reste puisque vous dénoncez leurs agissements ?
Dans ce premier roman, je dénonce, effectivement, les agissements des bachaghas et des caïds. Je dénonce les agissements de l’administration française coloniale, notamment l’odieuse SAS (Section administrative spécialisée) qui persécutait la population autochtone.
- Sur le chemin des sables en feu est un livre qui se décline sous la forme d’un vibrant hommage à votre ville Aïn Sefra, à la femme algérienne et à tous les résistants. Pourquoi l’avez-vous voulu ainsi ce livre ?
Je dirai, sans prétention aucune, que c’est une histoire qui m’habitait depuis que j’étais enfant. Ce sont des faits qui m’ont été narrés quand j’étais petit par mes aînés. Quand j’ai obtenu mon bac, je voulais être réalisateur pour restituer cette belle page d’histoire. Au départ, quand je me suis lancé dans l’écriture, je voulais raconter que la grande histoire, mais au fil du temps, j’ai intégré de la fiction. J’ai travaillé pendant plus de quatre ans sur ce roman historique. J’ai effectué un travail de recherche en me documentant auprès de certaines bibliothèques. J’ai pu récolter de précieux témoignages de deux éminents professeurs en histoire, à savoir le regretté professeur Mohamed Guentari et Abdelkader Khelifi.
Le lecteur quand il lira ce livre, il dépensera son argent et son temps. Donc, il faudrait qu’il trouve quelque chose de beau. Il faut qu’il trouve un plaisir. En même temps, je fais plaisir au lecteur tout en le secouant.
- Justement, à qui s’adresse votre roman historique ?
Je considère que toute nation a besoin de symbole historique pour se nourrir afin d’exister et de perdurer. Je pense que la nouvelle génération a besoin de ses héros.
- Après la publication de ce livre, avez-vous l’intention de gratifier vos lecteurs d’une nouvelle publication ?
J’ai un projet qui est en gestation sur la beauté de l’histoire.
Propos recueillis par Nacima Chabani