- Exploiter les lits d’oueds n’est-il pas sans conséquences sur l’environnement ?
Exploiter les lits d’oued pour extraire les agrégats n’est pas une particularité de l’Algérie. Cela se fait dans le monde entier et sur les milieux lacustres, marins et lits d’oued endoréiques que certains qualifient de «mal nécessaire», car les agrégats dits aussi tout venant sont réputés pour leur qualité dans la réalisation d’infrastructures et la construction. Ces pratiques impactent lourdement sur l’environnement et les grands bassins versants, garants de l’équilibre naturel.
La perturber des fonds d’affluents amène donc des déséquilibres multiples comme l’augmentation des l’érosion hydriques des matériaux de faibles granulométrie une fois les macro-agrégats ont disparu. Aussi, la perturbation du cycle classique de l’eau et de la biocénose qui vit naturellement dans ces milieux et qui a besoin d’une stabilité de fonds pour pouvoir survivre et effectuer son cycle de reproduction.
Que ce soit flore, faune ou microorganismes, le «grattage» de fonds perturbe tout une chaîne trophique et génère un effet de disparition progressif d’espèces par rupture de leur support de vie ou de leur «garde-manger» qui est le fond marin et ceux des lits d’oueds.
- Comment ces exploitations perturberaient-elles le renouvellement des stocks d’eau dans les barrages ?
Il faut savoir que les oueds et les différents affluents façonnent un réseau hydrographique qui lui assure l’acheminement des eaux pluviales aux grands bassins versants et barrages. De cet fait, perturber ce dernier par le contournement des eaux ou l’extraction des alluvions de fond n’est pas sans conséquences sur la stabilité et la durabilité des réserves hydriques nationales, plus particulièrement en ces temps de manque d’eau lié aux raretés pluviales.
Mais on oublie surtout les grandes mutations qui s’opèrent sur les réseaux hydrographiques par l’extraction des alluvions, qui forcément impactent la profondeur et la forme des cours d’eau, baissent le flux d’eau en quantité et en qualité et au final limitent le remplissage des barrages.
- Quels types de faune et flore se trouvent aux abords des oueds et qui risquent d’être impactés ?
La faune et la flore des lits d’oueds et des berges contribuent substantiellement à la biodiversité car ces milieux sont classés par les grands organismes internationaux comme prioritaires à la conservation et certains sont même classés Ramsar.
Leur importance est sans contexte liée à la grande variabilité des espèces qu’ils abritent mais aussi à la place qu’ils occupent dans la reproduction de plusieurs espèces aviennes qui nichent particulièrement dans la végétation des berges.
La diversité apparente cache dans le fond de ces milieux une large variabilité de microorganismes participant à des cycles de vie primordiaux pour un grand nombre d’espèces entomophages et qui sont totalement inféodées à ces milieux comme les insectes auxiliaires, les chiroptères et même de poissons d’eau douce.
Rompre cet équilibre par l’extraction effrénée d’agrégats rendrait ces milieux peu propices à la vie car ces fonds sont réputés par leur fragilité déjà lourdement impactée par les différentes pollutions et sont plus que jamais en voie de dégradation irréversible si les mesures nécessaires à leur protection ne sont pas prises à temps.
- Que préconisez-vous pour une exploitation responsable ?
A mon avis, pour une exploitation responsable, il est d’abord primordial d’élaborer des outils pratiques pour l’évaluation des impacts car nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les impacts divers sur ces milieux, évaluer l’impact physique et biologique de l’extraction pour une meilleure évaluation des risques environnementaux et les comparer dans le temps à une plus large échelle.
Suivra une réflexion large sur les possibilités de remplacement de ces matériaux comme l’exploitation de gisements terrestres continentaux pour substituer les matériaux alluvionnaires et procéder aussi au recyclage.
Le volet législatif doit aussi élaborer de nouvelles réglementations sur les quantités à prélever afin de préserver l’écosystème et pourquoi pas proposer certains oueds comme aires protégées quand ils assurent un fonctionnement de biodiversité sans oublier aussi le recours à la restauration des oueds et fonds impactés par l’extraction en fonction des caractéristiques de ces milieux.