Les marchés dit Errahma que les pouvoirs publics ont ouvert durant ce mois de Ramadhan dans certaines localités de la wilaya de Boumerdès connaissent, malheureusement, la même tendance inflationniste que les autres lieux de vente.
Ces lieux de négoce qui devraient mettre en contact direct le producteur avec le consommateur sont loin de confirmer la thèse «des intermédiaires responsables de la crise».
Non seulement les prix sont aussi élevés mais la disponibilité de certains produits de base fait défaut. Au marché jouxtant le bloc Titanic de Boumerdès, la pomme de terre s’y est vendue à 120 DA/kg. La laitue à 190 DA/kg. La viande blanche oscille entre 410 et 420 DA pour le poulet.
L’approvisionnement en lait se fait directement par camion avec une file d’attente d’une centaine de mètres. L’huile de 5 litres est attendue pendant de longues heures. Parfois, en vain. Le camion n’arrivera pas. Le lendemain, la chaîne humaine reprend.
Ce sont en fait des files d’attente qui ont changé d’emplacements. Les citoyens étaient à l’affût du moindre arrivage de produits prisés devant des commerces privés.
Aujourd’hui, ils le font devant des chapiteaux auxquels on prête à tort le terme de «proximité». Ce sont des citoyens des quartiers démunis et des environs de la ville qui s’y rendent. Faute de marché limitrophe à leur habitation. Il aurait fallu que chaque centre urbain dispose de son marché au côté de sa poste, de son école primaire et de son annexe de la mairie. Les prix affichés dans les marchés à chapiteaux ne diffèrent en rien de ceux pratiqués ailleurs.
Une mère accompagnée de ses enfants s’organise dans l’espoir de mettre la main sur un des objets de sa quête : «Je fais la chaîne pour le lait avec les femmes. Elles sont moins nombreuses que les hommes. Donc, j’ai plus de chance d’avoir 4 sachets de lait.
Pendant ce temps, mon fils couvre pour l’huile. C’est plus long parce que l’attente dure des heures sans garantie d’avoir le produit.» Cette famille, dont le père a un salaire de 28 000 DA, ne peut se permettre le lait en pack avec un prix de 130 DA/ le litre. Une famille de six personnes a, au minimum, besoin de 2 litres par jour. Autrement dit, elle reproduit le même schéma de comportement pour son approvisionnement tous les deux jours. Au marché, ils sont des centaines chaque jour à faire la chaîne au gré des arrivages.
La viande absente des étals
Même la pomme de terre, lorsqu’elle arrive à un prix dit concurrentiel de 10 à 20 DA de différence avec celui affiché chez les marchands de légumes, fait l’objet d’une file d’attente. Heureusement que la présence dissuasive des agents de police empêche les débordements ; sinon on aurait des scènes de disputes et d’anarchie difficilement contrôlable. Un sexagénaire a eu cette réflexion lourde de sens : «On dirait que la guerre se passe chez nous et non en Ukraine.»
Un autre ne s’embarrasse pas de préalables pour porter un jugement sans appel : «Les marchés Errahma n’ont en fait de commisération et de compassion que le nom. On nous avait promis un Ramadhan économique clément. C’est l’inverse qui s’est produit. Tout a augmenté.»
Dans ce contexte, il est inutile de parler de la viande rouge. Elle est totalement absente des étals de ce marché. Pour les protéines, des familles se sont rabattues sur les légumineuses, lentilles en tête. Ainsi, ils sont nombreux ces marchés de proximité censés proposer des produits à des prix raisonnables mais qui en fin de compte n’ont fait que transposer la cherté des marchés déjà en place avant le mois sacré.
Khemis El Khechna, Hamadi, Issers, Baghlia et Dellys ont également ouvert des marchés de ce genre. Si on excepte le jour de l’inauguration, les prix prennent une courbe ascendante dès le lendemain.
Un scénario auquel la population s’est maintenant habituée avec une grande lassitude de ces pratiques décriées.